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Imams et fonctionnaires sur les bancs de la fac

C’est déjà l’heure du bilan pour les formations à la laïcité et à la liberté religieuse destinées aux imams d’un côté ; aux fonctionnaires de l’autre. « Regards croisés », « meilleure compréhension de l’environnement » : institutions et étudiants n’ont pas de mots assez forts pour exprimer le « succès » de l’initiative.

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Cours de Droit des religions et des libertés fondamentales dispensé à l’université Lyon III / Crédit : El Mlaka

« La liberté religieuse fait partie des libertés fondamentales et dans ce cours on va essayer de comprendre les critères pour exercer ces libertés. Tout le monde a son petit fascicule ? »

Au tableau Mathilde Philip-Gay, maître de conférence en droit public à Lyon III, commence son cours intitulé « Droit des religions et des libertés fondamentales ». Dans la salle, les étudiants ne ressemblent pas à ceux que l’on croise habituellement sur les bancs de la fac. Des hommes et des femmes, la petite quarantaine, qui ont déjà un métier. Ils sont imams, aumôniers ou fonctionnaires.

Depuis janvier 2013, ce sont 32 étudiants qui suivent des enseignements sur la laïcité : 20 responsables musulmans et 12 fonctionnaires. Les premiers sont inscrits à un certificat « Connaissance de la laïcité » ; les seconds suivent un diplôme d’université (DU) « Religion liberté et laïcité ».

Et ce jeudi 11 avril, c’est opération communication à l’occasion du bilan des premiers mois d’existence d’un projet revendiqué main dans la main par la communauté musulmane et la préfecture. L’Institut français de civilisation musulmane (IFCM), le conseil régional du culte musulman (CRCM) et la préfecture, affichent fièrement la réussite de cette double formation qui promeut un « islam de France », « capable de s’adapter à la modernité et aux lois de la République ».

 

« L’islam du juste milieu » : succès numérique

Premier motif de satisfaction pour Bruno André, directeur de cabinet de la préfecture de Rhône-Alpes, le fait que l’initiative ait intéressé au delà de ses instigateurs :

« Cette formation n’a de sens que parce que certains y ont cru et s’y sont inscrits. On a eu des demandes d’agents des collectivités locales, d’imams et d’aumôniers. La réussite c’est celle-là ».

Avec autant de ferveur, Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon et président de l’IFCM, qui s’était engagé à promouvoir la formation, ajoute :

« Les responsables religieux ont voulu démontrer que leur volonté était de trouver les moyens de pouvoir être connus et reconnus dans la société française ».

Sur une quarantaine de dossiers reçus pour le certificat, la moitié a été retenue. Parmi les 20 étudiants, 4 femmes sont inscrites. Certains, d’origine étrangère, ont bénéficié de cours intensifs en langue française, un acquis très au goût du CRCM selon le représentant de son président, Benaïssa Chana :

« Il y a encore des imams qui font des discours en arabe devant des fidèles qui ne comprennent pas cette langue. La vertu de cette formation est de faire face à ce fléau qui empêche la majorité de cette jeunesse de comprendre le vrai message de l’islam : un islam du juste milieu ».

Conférence de presse sur le bilan des formations à la laïcité / Crédit : El Mlaka

Des imams qui dialoguent avec des policiers

Le DU est quant à lui suivi par 12 fonctionnaires. On y trouve entre autres des délégués du préfet, un capitaine de police, une directrice d’hôpital, un inspecteur d’académie ou encore un gendarme.

Si chacune des formations propose des enseignements spécifiques, elles ont un socle commun d’enseignement qui permet aux deux publics de confronter leurs points de vue. C’est ce croisement des regards – juridique, religieux, anthropologique – qui semble avoir été le plus bénéfique aux étudiants. Mathilde Philip-Gay en explique le principe :

« Un problème est posé et chacun donne une réponse ; ensuite il faut y réfléchir à nouveau grâce à ce que les autres ont répondu. Il s’agit de croiser les connaissances pour élargir son regard, de ne pas se cloisonner et de bien séparer le politique du juridique  ».

Abdelhakim Yahia, responsable de l’aumônerie musulmane hospitalière du CRCM et étudiant du certificat opine :

« C’est un plaisir et très instructif de se retrouver avec des gendarmes, des policiers, des académiciens, des représentants du cabinet du préfet ».

Même son de cloche du côté d’un délégué du préfet suivant le DU. Exerçant ses activités dans des quartiers prioritaires du département, il souhaitait approfondir sa connaissance sur la religion et les pratiques cultuelles :

« Même si les responsables de l’Etat agissent dans le cadre de la loi, comprendre le regard du responsable religieux permet de parvenir à des compromis acceptables, à plus de tolérance ».

Trois sessions pratiques de deux jours auront lieu en avril, mai et juin. Mais pour l’instant, hormis un « cas pratique » concernant une famille fermée sur l’extérieur au nom d’une pratique extrémiste la religion, les enseignements sont demeurés assez théoriques.

 

Ca va servir à quoi ?

Si pour les fonctionnaires la formation est diplômante, pour les religieux, elle équivaudrait à « un plus ». Un plus « très bénéfique » selon Abelhakim Yahia qui affirme avoir compris l’étendue du principe de laïcité :

« Même si certains me disent « mais ça va vous servir à quoi ? », je suis sûr que cela me permettra de mieux répondre à leurs questions ».

L’important pour Mathilde Philip-Gay passe d’abord par la compréhension l’intérêt du principe de la laïcité :

« Au départ, ils avaient l’impression que la laïcité se faisait contre la religion. Désormais, ils ont compris qu’elle avait son intérêt et ce notamment pour la religion dont elle garantit la liberté d’exercice ».

Et le message semble avoir bien imprimé. Une autre « étudiante », par ailleurs professeure d’arabe à l’Institut français de civilisation considère avoir mieux compris que la laïcité n’était « pas l’ennemi de la religion » et qu’il fallait s’adapter aux situations :

« Sur le port du voile par exemple, il ne faut pas que ça handicape les études. On peut très bien remettre le voile dès que l’on sort de l’établissement et vivre sa religion à l’extérieur ».

 

Bientôt des cadres du privé ?

Initialement, la formation diplômante devait également être accessible à des cadres du privé, pour les aider dans les difficultés spécifiques qu’ils peuvent rencontrer du fait de la religion. Avant le lancement des formations, Mathilde Philip-Gay évoquait la possibilité pour des entreprises de l’agro-alimentaire intéressée par le halal de suivre ce DU. Lors de cette première année, il n’y en aura finalement pas eu, malgré des dossiers déposés en ce sens. « Pour des raisons d’homogénéité », explique-t-elle.

« Ils avaient besoin de réponses à des questions concrètes, différentes de celles qui se posent aux fonctionnaires. C’est pourquoi on ne les a pas intégrés ».

Le halal et l’abattage rituel plus généralement, ont été abordés dans le cadre du cours sur le droit des libertés, mais d’un point de vue juridique, notamment concernant la délivrance d’autorisations pour les abattoirs temporaires au moment de l’Aïd.

Ils pourraient cependant participer au DU lors de la prochaine rentrée. La préfecture devrait vraisemblablement, comme l’an dernier financer la formation à hauteur de 80 000 euros. Formation qui élargira son champ d’étude aux deux autres religions monothéistes.

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#Islam

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