Propos recueillis par Emilie Rosso et Florie Clerc, étudiantes en journalisme.
Max Armanet (journaliste à Libération) disait hier que « le livre est une relation charnelle et sensuelle avec le savoir, s’il disparaît, cela aura d’énormes conséquences sur le développement de notre civilisation », qu’en pensez-vous ?
Ma réponse se trouve dans mon livre intitulé N’espérez pas vous débarrasser des livres, publié avec Jean Claude Carrière. Le concept est simple : aucune technologie n’a jamais tué la précédente. La photographie n’a pas tué la peinture, l’avion n’a pas tué le train, etc. Donc je pense que l’on peut imaginer un avenir où les gens pourront lire sur leur Ipad. Concernant le livre, sa survie relève de l’attachement physique. Si vous trouvez dans votre cave les livres que vous lisiez lorsque vous aviez huit ans, ils portent encore les marques de vos doigts et les griffonnages que vous aviez fait. Le livre est un objet qui rappelle votre enfance ! Un livre sur clé usb retrouvé dans votre cave n’aura pas la même signification.
Je pense que les livres ne sont pas seulement importants pour leur contenu mais aussi pour toute la mémoire qu’ils portent en eux. Je suis un grand collectionneur de livres et, pour moi, un livre est plein d’informations : les tâches de la propriété, le type d’imprimerie, le papier…Ces éléments sont une forme d’attachement charnel aux livres qui ne pourra jamais être substitué ! Par contre, qu’un jeune enfant emporte le contenu de trois dictionnaires dans son Ipad plutôt que dans son sac à dos (au risque de devenir Quasimodo) pour aller à l’école, je trouve cela très bien. C’est plus commode et mieux pour sa santé.
Mais tout comme le livre, la tablette est un objet physique. Cela signifie-t-il que pour vous le livre est forcément synonyme de papier ?
C’est vrai que la tablette peut avoir le même contenu qu’un livre. Vous désirez lire Bouvard et Pécuchet sur Ipad ? Pas de problème. Mais je pense que le livre est un objet physique qui possède des valeurs que l’on ne peut pas substituer. Par exemple, la semaine dernière je suis parti vingt jours à l’étranger. Je ne pouvais emmener avec moi qu’une dizaine de livres. Du coup je les ai mis pour la première fois sur ma tablette pour pouvoir les lire le soir avant de m’endormir. Sauf qu’il y avait deux ou trois pages qui m’intéressaient particulièrement mais que je n’arrivais pas à retrouver sur ma tablette. J’ai dû aller dans ma bibliothèque feuilleter le livre en question pour retrouver les quelques pages qui m’intéressaient.
L’énorme campagne de numérisation lancée par Google, qui est d’ailleurs partenaire du Forum, provoque bien des débats. Qu’en pensez-vous ?
Pour le moment cela reste un problème financier entre Google et les éditeurs. En tant qu’auteur, je suis content que l’on pirate mon livre et qu’on le lise partout.
Amazon propose de supprimer le rôle intermédiaire de l’éditeur, selon vous ce métier d’éditeur est-il nécessaire à l’existence du livre ?
Oui car que si l’on trouve un livre qui a été publié, par exemple, aux éditions du Seuil ou chez Gallimard, on sait que derrière ce nom se trouve un homme qui est célèbre pour avoir fait du bon filtrage. Sur Internet, c’est différent. Lorsqu’une personne publie un livre sur un site, on ne sait pas s’il s’agit d’un bon livre ou, comme disent les Anglais, de « vanity press », ces personnes qui autrefois payaient pour être publiées. Sauf qu’aujourd’hui, sur Internet, ces personnes peuvent être publiées sans payer.
Les données numériques sont-elles périssables ?
Ah, cela nous ne pouvons pas le savoir! Tout change très vite. Aujourd’hui, il n’est plus possible de lire ce qui se trouve sur les disquettes. Elles ont été remplacées par les disques et les clés USB. Mais d’ici cinq ans, les ordinateurs auront encore changé et nous ne pourrons sans doute plus lire ce qui est écrit sur ces disques et clés USB. On ne peut pas savoir combien de temps cela durera. Par contre, pour le livre papier, nous avons la certitude scientifique que sa durée de vie est de 550 ans.
Vous avez pour projet de réécrire Le Nom de la Rose ? Pourquoi ?
Cela, c’est une bêtise qui a été publiée en France. Vous savez pendant l’été, les journaux ont besoin de publier tout et n’importe, sans quoi ils se réduisent à deux pages. Je fais simplement comme tout auteur : j’ai publié une édition revue et corrigée. On a éliminé deux ou trois fautes et remplacé quelques adjectifs. C’est tout ! Mais la presse a raconté que je l’avais réécrit. Probablement des idiots d’Internet ou un canard. A moins d’être fou, pourquoi je modifierais un livre qui continue après trente ans d’être publié ?
Crédit photo : Emilie Rosso
Légende : Umberto Eco au forum Libération notamment accompagné de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture.
non mais ! tout l'argent gagné n'est pas volé et toutes les amertumes ne sont pas des idées de gauche.
Et puis avant le numérique, il y a eu la "révolution" du livre de poche. Donc bon, si ca permet de soutenir le rayonnement des livres, welcome to this evolution...
Le mec arrive quand même à s'auto contredire... Bravo.
Pour résumer les choses, on peut dire que certaines technologies ont déjà indirectement détruit d'autres technologies, mais certaines d'entre elles survivent malgré tout. Le livre n'est pour l'instant que peu menacé, mais qui sait ce qu'il en sera dans 50 ans ? 100 ans ? On ne le sait pas.
Mais ce qu'on peut reprocher à Umberto Eco, c'est, comme beaucoup de gens, appliquer son idée comme vérité générale. A savoir que, POUR LUI, le livre est plus qu'une simple lecture, il transporte un passé, alors que le livre numérique ne transporte rien avec lui, il est immatériel. C'est son point de vue. Mais ça m'étonnerait que les gens qui commenceront l'apprentissage de la lecture sur ordinateur ou tablette aient le même avis. Les enfants d'aujourd'hui liront peut être tous leurs bouquins sur Ipad plus tard, et donc le livre en tant qu'objet n'aura plus aucune valeur pour eux.
Bref, tout ça pour dire qu'on ne peut pas savoir ce qu'il adviendra du livre, mais que s'il disparaît, il ne faudra pas le regretter outre mesure, car on est de toute façon individuellement impuissants face à ce genre de phénomènes.
Même problème pour la musique, Spotify se voit perdre des millions de titres de son catalogue parce que les labels estime que les versions numériques sont un usage détourné de la musique. Combien de collectionneurs de vinyls se sont abonnés à Spotify et ont arrêté de consommer de la galette ?
Faites nous des beaux objets et tout ira bien !
Va expliquer ça au star de ciné, aux braillard éternels français et aux ayant droits qui pleurent qu'on tue les artistes et les auteurs en piratant.
Eux c'est sûr qu'ils ont du fric, mais peu d’entre eux ont le discours d'Eco.
Quand à l'éditeur, il peut très bien trouver un équivalent numérique. plutôt que l'éditeur choisissant d'imprimer tel livre, il y aura tel site recommandant la lecture de tel livre. la fonction d'éditeurs tel que la définit monsieur Eco ne me semble donc pas réservés à l'édition papier.
simplement votre intellect dévolu plus vite qu avec une playstation 1 2 ou3
le jour ou le livre disparait notre civilisation comptera ces jours
il va y en avoir des ânes qui ce prendront pour des chevaux de courses
regardez les avantages monumentaux du book http://www.youtube.com/watch?v=Q_uaI28LGJk
Et que fait Haddopi ,c'est une incitation au piratage ........
un livre a une autonomie illimitée
un livre ne bug jamais
un livre n'a pas de temps de démarrage, tu le prends, et il peut avoir un plugin fort utile, le marque page.
rien a voir, mais un peu quand même, depuis peu je n'ai plus d'abonnement mobile, juste un vieux telephone a carte pour rester joignable.
ça fait du bien !!! je vous jure !
par contre j’apprécie la qualité sonore de mon cowon, ça c'est un bon appareil !
la technologie, c'est bien, mais maitrisée.
j'utilise un livre électronique de façon quotidienne : dans les transports en commun puis le soir chez moi pour continuer mon roman.
+ : encombrement
+ confort de lecture
+ prise en main
+ pas besoin de marque page
+ prise de notes manuscrites dans le livre ou à coté
- reflets équivalent d'un papier glacé
- sa dimension de 6" est trop faible pour lire des BDs même si ca reste possible.
- feuilletage difficile : c'est assez lourd de relire un passage.
- noir et blanc
- autonomie de 3 semaines.
seulement la fraîcheur d'un livre de poche laisse franchement à désirer !
Transférer un e-book d'un support à l'autre peut-être une solution plus
pérenne.
Par ailleurs peut-on opposer les livres papiers ("vrais") avec les livres numérisés ?
Pour moi, un livre c'est avant tout une histoire :
le fond prime donc sur la forme.
Le problème c’est que les lecteurs se raréfient. Support ou pas, s’il n’y a plus personne pour tourner ou faire défiler les pages, ça fait une belle jambe aux auteurs, comme si bien dit dans ‘’la Revanche de Pénélope’’. Et si les radios engageaient des lecteurs plutôt que, sans cesse nous rabâcher des inepties ?