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Où boire du vin naturel à Lyon ? (Oui il y a de bons spots)

Il coule à flots à Paris. Et à Lyon, peut-on espérer trouver quelques bonnes quilles de vin naturel ? Oui, mais… « On a un train de retard, ici » ; « les Lyonnais sont méfiants, surtout dans le manger et le boire ». A l’occasion de notre tour des bons spots qui proposent vins naturels et assimilés, tous les clichés sur la ville (qui serait bourgeoise et engoncée dans ses certitudes), ont surgi comme un diable de sa boîte. Tout comme ceux sur le vin naturel, d’ailleurs.

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Où boire du vin naturel à Lyon ? (Oui il y a de bons spots)

Un verre de vin naturel, chez Mathieu Perrin, au Vin des vivants (Lyon 1er). Crédit : DD/Rue89Lyon.
Un verre de vin naturel, chez Mathieu Perrin, au Vin des vivants (Lyon 1er). Crédit : DD/Rue89Lyon.

Il ferait sa discrète arrivée sur Lyon ? Le vin naturel n’est pas une nouveauté (ni même une mode), d’autant que le Beaujolais, aux portes de la ville, est un terroir ancestral du nature, porté par des figures vigneronnes comme Marcel Lapierre. On en boit à Lyon, on en trouve même de plus en plus. Mais ça ne s’affiche pas.

Katsumi Ishida, l’inénarrable chef japonais du restaurant « En mets fais ce qu’il te plait », dans le 7e arrondissement de Lyon, ne sert que ça. Depuis 1999. Il a été un compagnon de Marcel Lapierre, et confie avoir tout appris de lui en matière de vin. Mais parfois, raconte Katsumi Ishida, des clients entrent dans son établissement et lâchent un « et merde » de désappointement en découvrant sa carte des vins. Du naturel, rien que du naturel :

« Tant pis, c’est comme ça. Il n’y a pas de coca non plus chez moi. J’essaie d’expliquer au maximum aux gens et de les habituer. »

Le 7e semble être une terre de prédilection pour ce type de breuvage. C’est aussi là qu’est née la première cave estampillée vins naturels, le Vercoquin.

Frédéric Sicre, l’un des fondateurs du lieu, a constaté une véritable évolution :

« De plus en plus de gens entrent dans la boutique en demandant confirmation : ‘c’est bien du nature ici’? »

La devanture verte du Vercoquin (cave à vins naturels, Lyon 7e).
La devanture verte du Vercoquin (cave à vins naturels, Lyon 7e).

Frédéric Sicre raconte que le chiffre d’affaire de la petite société (qui fait aussi restauration et dont l’un des cofondateurs a lancé un site de vente en ligne, Les Petites Caves) n’a pas toujours été au beau fixe. Mais il pourrait atteindre à la fin de cette année 250 000 euros.

Une embellie dans l’histoire de ce lieu due, selon le patron lui-même, à plusieurs facteurs : le vin naturel qui a enfin le vent en poupe à Lyon, la notoriété et l’ancienneté de l’enseigne qui a fini par être une cave incontournable dans la ville, et le quartier qui, en plein dans le 7è, connaît un phénomène de gentrification galopante (« c’est the place to go, cet arrondissement »).

 

Les agités de la carafe

Mathieu Rostaing, chef du Café Sillon, à Lyon.
Mathieu Rostaing, chef du Café Sillon, à Lyon.

Mathieu Rostaing Tayard, chef du tout neuf et très demandé Café Sillon, justement situé à trois pas du Vercoquin, replace le débat :

« Le problème, ce n’est pas le vin naturel à Lyon, c’est le vin naturel dans la restauration. »

Agiter une carafe comme Tom Cruise secoue son shaker dans Cocktail, pour « débuller » ou « dégazer » un vin nature qui aurait tendance à pétiller (ce qui n’est ni un signe de défaillance ni nécessairement un déplaisir à la dégustation) n’est pas le geste le plus rassurant ou le plus habituel dans les salles de restaurant.

Guillaume Monjuré, chef du Palégrié, autre excellente gargote lyonnaise cette fois située dans le 1er arrondissement, a d’ailleurs abandonné sa première idée, qui était de diviser en deux sa carte des vins, avec une partie chapeautée par la mention « vins naturels ».

Comme chez Mathieu Rostaing Tayard, sa carte en regorge pourtant. Les serveuses et/ou sommelières des deux établissements, amatrices de ces breuvages, savent faire preuve de toute la psychologie nécessaire pour proposer au client la bonne quille, éventuellement celle qui le bousculera s’il est ouvert à cela. Celle qui goûtera bien. Le restaurateur qui sert ces liquides doit bien les connaître.

Pour Damien Gâteau, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles « il ne faut pas les mettre entre toutes les mains ». Agent dans le vin et propriétaire depuis peu d’une épicerie à la Croix-Rousse, il n’est pas le plus souple en matière de vin naturel :

« Je ne suis ni pour ni contre », lâche-t-il sans cacher qu’il est quelque peu agacé par ce qu’il considère être « un concept ».

Il observe en même temps que « l’on a toujours trois ou quatre wagons de retard à Lyon. C’est comme la bière qui est tout juste en train d’arriver. »

 

Le vin, une boisson politique

Bruno Perraud dans ses vignes, dans le Beaujolais (Côtes de la Molière)
Bruno Perraud dans ses vignes, non traitées, dans le Beaujolais (Côtes de la Molière). Crédit : DD/Rue89Lyon.

Damien Gâteau est fin connaisseur des vins ; par ailleurs il en vend (en conventionnel, mais aussi en bio) partout dans le département, à Paris également.

Ce qui l’« emmerde », pour reprendre ses propres termes, c’est un « côté sectaire » que revêtiraient certains fabricants et promoteurs du nature.

Quitte à se donner un côté un peu réactionnaire lorsqu’il en parle :

« Ce qui m’intéresse c’est le produit fini, sinon on fait tous de la tisane. ‘Nature’, ce n’est pas un label de qualité. Les clients n’ont souvent aucune notion de la façon dont il faut le boire, ils ne vont pas le carafer, ce n’est pas à mettre comme ça, entre toutes les mains, ça peut desservir des appellations.

Et puis, les plus grands vins du monde sont en bio ou en nature, comme le Domaine de la Romanée-Conti, mais ils ne revendiquent pas. Ce qui m’ennuie c’est la revendication. »

Et pourtant, elle semble bien nécessaire. Le propos autour du vin naturel s’est en effet politisé, permettant par conséquent la (saine) discorde. Et le débat. On ne voit pas pourquoi les questions légitimes sur les produits consommés, l’intérêt grandissant pour les circuits courts et/ou l’agriculture bio, ne concerneraient pas aussi le vin.

 

« Dire au consommateur ce qu’on fait »

L’association des vins naturels (AVN) tente de mettre en place une forme de mention qui pourrait apparaître sur les bouteilles, celle de « vinification naturelle ». Avec, pour règles principales, du raison bio et pas d’intrants, pas de sulfites jusqu’à la mise en bouteille.

Lilian Bauchet, vigneron dans le Beaujolais et membre de l’AVN, retrace le projet :

« Les vignerons qui voudraient poser la mention sur leurs bouteilles devraient alors répondre à un cahier des charges clair. L’idée n’est pas très compliquée, il s’agit de dire au consommateur ce qu’on fait et faire ce qu’on dit au consommateur. »

D’une évidence déconcertante. Pourtant, rien n’est simple en matière de vin et de commerce ; les échanges avec tous les producteurs, diffuseurs, vendeurs de vin naturel ont rarement été calmes. Avec quelques récurrences : « mais quand vous dîtes vin naturel, vous parlez de nature, sans aucun sulfite, de naturel avec un peu de sulfites, ou de vin fait avec du raison bio ? ». Ou encore « les sulfites, beaucoup en mettent, et alors ? », « ceux qui prétendent faire du nature sans être en bio ont-ils tort ? », « l’important c’est le travail à la vigne et ne pas utiliser de pesticides ». Etc, etc, ajouterons-nous.

De quoi nourrir une quinzaine d’essais sur l’agriculture bio, les normes européennes, les lois implacables de la grande distribution (la chaîne Nicolas comprise), celles des négoces en vin, les querelles de vignerons, les commerces de centre-ville, la hype urbaine et la gastronomie.

 

Du Vin des Vivants à la grande table… rase

Mathieu Perrin a ouvert sa cave à deux pas de la place Sathonay (Lyon 1er), il y a deux ans, pour y faire une sélection au cordeau et des choix assez radicaux.

Pour servir des verres dans la partie bar, ouverte le soir, il agite énergiquement le vin si besoin, quitte à salir un peu le décor :

« Simplement, j’aime ces vins. Quand on commence à les connaître et à les boire, c’est difficile d’aller vers autre chose ».

Mathieu Perrin a ouvert sa cave et son bar à vin, Le Vin des Vivants, en 2012. Crédit : DD/Rue89Lyon.
Mathieu Perrin a ouvert sa cave et son bar à vin, Le Vin des Vivants, en 2012. Crédit : DD/Rue89Lyon.

Mathieu Perrin voit sa société comme une cave de quartier, où les gens ne viennent pas spécialement parce que tout est naturel. Elle tourne plutôt bien ; il pourrait atteindre 120 000 euros net de chiffre d’affaires à la fin de son second exercice.

Loin de lui l’envie de se présenter comme un « militant de l’environnement ». Pas d’étendard au fronton du bar :

« Je me suis toujours méfié des buveurs d’étiquette, ceux qui ne jurent que par les grandes appellations. C’est pareil pour le nature. »

Certes. Mais à force de jouer la discrétion, on se retrouve à chercher à la loupe les spots où l’on nous en proposerait. Comme si les restos lyonnais se complaisaient dans le cliché d’une ville coincée (ce qui est pourtant susceptible de les agacer), nombreux sont ceux qui font la moue devant une proposition commerciale de vin naturel.

Etienne Martin en a fait l’expérience. Il a lancé en septembre dernier son activité d’agent spécialisé dans le vin naturel, au sein de la Scop lyonnaise Grap (groupement régional alimentaire de proximité). Parmi les grandes tables de la ville à qui il a proposé des vins non conventionnels, certains l’ont (gentiment) repoussé :

« Oui, ça pourrait être bien, mais on a une clientèle très traditionnelle, ça ne marchera pas… »

On ne voudrait pas mettre les pieds dans le plat, mais peut-être faudrait-il simplement tenter ?

 

La carte des vins naturels à Lyon

Pour ne pas tomber uniquement par hasard sur les bonnes quilles, on vous fait donc partager notre wine-tour lyonnais avec une carte des caves dédiées et des restaurants « vin-naturel friendly ». Et n’hésitez pas à nous signaler vos bons spots, s’ils n’apparaissaient pas déjà.

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