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29/03/2024 date de fin
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Gens du voyage dans le Rhône : « Le politique ne veut pas prendre en compte la discrimination »

Est-il possible d’améliorer les conditions d’accueil des gens du voyage dans le Rhône, dont on sait qu’elles restent indécentes ? Entretien avec Xavier Pousset, qui fut directeur de l’« Association régionale des Tsiganes et de leurs amis gadjés » (ARTAG) de 2002 à 2019. 

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Gens du voyage dans le Rhône : « Le politique ne veut pas prendre en compte la discrimination »

L’Association régionale des Tsiganes et de leurs amis gadjés (ARTAG) a été fondée en 1985 à l’initiative d’Anne-Marie Bellon, travailleuse sociale à Villeurbanne. Depuis plus de 30 ans, l’association va à la rencontre des gens du voyage sur les aires d’accueil du Rhône, les accompagne dans leurs démarches et favorise le dialogue avec les « gadjés » (non-voyageurs). Toujours avec le même leitmotiv selon lequel « il n’y aura pas de solutions aux problèmes des gens du voyage sans leur réelle participation ».

Assistant social de formation, Xavier Pousset a été directeur de l’ARTAG de 2002 à 2019. Pour Rue89Lyon, il a accepté de revenir sur la genèse des politiques d’accueil des voyageurs jusqu’au dernier schéma départemental 2019-2025 et sur ce que ces politiques disent de la représentation que nous gardons des voyageurs. Pour lui, dans le Rhône, le problème principal des gens du voyage n’est pas le manque de places dans les aires d’accueil.

Rue89Lyon : Qui sont les gens du voyage ?

Xavier Pousset : Aujourd’hui en France il y a cinq « ethnies » dont quatre ont un tronc commun en Inde. A partir du 7ème siècle, ils ont itinéré tout au long de l’Iran, la Turquie… Un premier regroupement s’est fait dans les pays de l’Est aux alentours de 1400 où ils sont mis en esclavage pour la plupart.

Là vont naître des groupes ethniques au gré des pérégrinations et des lieux de passage. Les Manouches vont plutôt passer par le nord de l’Europe, l’Allemagne ; les Gitans plutôt sur le sud, l’Espagne, l’Afrique du Nord et le sud de la France ; les Sintés vont plutôt passer sur l’Italie, la Suisse ; et les Roms sont beaucoup restés sur les pays de l’Est et certains sont assez présents sur le nord de la France.

La cinquième ethnie, ce sont les Yenisches. L’industrialisation va fixer des gens qui étaient itinérants jusque-là sur un territoire puisque le travail vient à eux. Sont restées itinérantes certaines populations, dont ces ethnies-là. 

Comment se sont installées les discriminations à l’égard de ces populations en France ?

On commence à se méfier de ces populations restées itinérantes dès la fin des années 1800. Des lois discriminatoires apparaissent. La loi de 1912 fait apparaître la notion de « nomade ». Ils ont un carnet anthropométrique dit « nomade » qu’ils sont obligés de présenter à l’entrée du village, de faire tamponner à la sortie… Ce sont des gens qui sont extrêmement fichés. Cette loi-là et ce carnet vont servir en 1940 à l’Etat français pour enfermer les gens qui n’avaient pas d’adresse fixe. Ce carnet anthropométrique sera en vigueur jusqu’en 1969 puis remplacé par les carnets et livrets de circulation qui ne seront supprimés qu’en 2017 a l’occasion de loi « Egalité citoyenneté ».

Sont apparus en France tout un tas de terrains dans lesquels ont été enfermés les gens du voyage de 1940 à 1946. Ces gens ont tout perdu. Cet épisode-là a été gommé. On a commencé à faire ressortir ça dans les années 2000-2010. La responsabilité que l’Etat français n’a été reconnue que par François Hollande en 2017. Pour eux, c’est très récent. 

« Les résistances, le racisme et le rejet sont tellement forts que très peu d’élus portent la question »

Pour certains voyageurs, les aires d’accueil peuvent faire quasi penser aux camps d’internement nazis ?

L’internement des tsiganes ne relevait exclusivement que de la volonté du gouvernement français. L’arrêté a été pris en avril 1940 soit deux mois avant l’armistice de juin 1940. Ces camps dans laquelle la vie était très très difficile voire mortelle n’avaient pas du tout la même finalité que les camps nazis et demeuraient sous l’entière responsabilité de l’Etat français. Les derniers voyageurs n’ont été libérés qu’en avril 1946, soit un an après l’armistice, sans aucune prise en compte du préjudice subi. Il faudra 70 ans pour qu’un président de la République reconnaisse devant les gens du voyage la responsabilité de l’Etat français, lors de l’inauguration de la stèle sur les ruines du camp d’internement de Montreuil Belley (Maine-et-Loire).

Des gens du voyage toujours vivants aujourd’hui sont nés dans ces terrains d’enfermement. C’est pourquoi je parle de révolution anthropologique. Quand on fait ces aires d’accueil, on ne se rend pas compte de tout ce qu’on touche. Par exemple à Thil, des barbelés ont été installés autour d’une aire de grand passage en mars 2021. Je ne comprends pas pourquoi la commune n’est pas allée demander à l’ARTAG avant de faire ça.

Il y a des aires d’accueil en France avec des miradors. C’est là où le bouquin de William Acker est intéressant. Il met en exergue que même quand on veut apporter une réponse positive en direction de cette population, les résistances, le racisme et le rejet sont tellement forts que très peu d’élus portent la question. Ils essaient de trouver des tas de subterfuges pour ne pas heurter leurs habitants. Au détriment des gens du voyage. 

A quand remontent les premières politiques d’accueil des gens du voyage ?

Les premières directives en faveur des gens du voyage apparaissent à la fin des années 50 mais sont très peu suivis des faits. La loi Besson a été écrite en 1990. Simplement, de 1990 à 2000, il y a eu peu de réalisations parce qu’il n’y avait pas un caractère prescriptif et opposable aux communes. Sur le département du Rhône, la seule qui a réagi à cette commande à l’époque, c’est Givors. Dans la loi Besson 2, en 2000, le schéma s’imposait aux communes et l’Etat avait les moyens de se substituer aux communes pour faire ce qu’elles ne voulaient pas réaliser. A partir de 2000, les schémas départementaux ont été beaucoup plus faciles à mettre en place. 

« Le département du Rhône a été l’un des départements les plus en avance »

Et dans le Rhône et la métropole de Lyon ?

Dans le Rhône, on a eu la chance d’avoir une configuration institutionnelle et des personnes qui étaient très parties prenantes, je pense au préfet Jean-Pierre Lacroix et à ses sous-préfets François Lalanne et Sébastien Jallet qui ont porté ce dossier-là. Le département suivait, le Grand Lyon aussi, l’ARTAG était partenaire donc totalement associée au mouvement… Entre 2003 et 2008, ça a été une période de construction et d’aménagement. Le département du Rhône a été l’un des départements les plus en avance sur la question des gens du voyage au niveau national. Il l’est encore aujourd’hui. 

Le Grand Lyon à l’époque a eu un effet locomotive, Gérard Collomb ayant pris des directives assez sèches par rapport aux communes. La communauté urbaine a porté le schéma départemental pour les communes adhérentes en contrepartie d’une obligation de fourniture le foncier. Gérard Collomb avait mis des conditions qui faisaient que les collectivités avaient tout intérêt à suivre le processus plutôt que se retrouver isolées et tout payer. Le Grand Lyon à l’époque s’occupait de tout, la construction, l’aménagement et la gestion, compétence qu’il assume toujours aujourd’hui.

En même temps que les aires d’accueil, dès le schéma de 2003, on a démarré la construction de l’habitat sédentaire. Des communes ont dû faire les deux : s’occuper des aires d’accueil et de l’habitat sédentaire des gens qui étaient sur leur territoire.  

Ces politiques étaient-elles en adéquation avec les besoins des gens du voyage ?

Avant les années 2000, la demande des voyageurs, c’était un terrain pour la famille. Pour eux, les aires d’accueil c’était des terrains sur lesquels ils allaient pouvoir s’arrêter en passant. Ils avaient une vision très schématique et très opérationnelle et efficace. Ils mélangeaient tout de suite itinérance et habitat. Entre 2003 et 2008, ça a été très bien pris en compte et porté par les autorités.

Ça a permis d’éradiquer vers 2017 les derniers bidonvilles de gens du voyage du Rhône. Aujourd’hui, sur le département du Rhône, hormis deux situations qui sont liées à des situations politiques très particulières, tous les bidonvilles où résidaient des gens du voyage depuis des années, des terrains publics qu’ils avaient annexé ou des anciennes aires d’accueil des années 1980 qui avaient mal été gérées et complètement laissées à l’abandon, ont été éradiqués. 

Comment ces aires d’accueil ont-elles évolué depuis le début des années 2000 ?

Les aires ont toujours été éloignées parce qu’il a fallu définir du foncier et que les communes ont été beaucoup plus réceptives aux récriminations de leurs habitants qu’aux besoins des gens du voyage. Encore aujourd’hui, existe un rejet extrêmement fort des gens du voyage. Je pense que c’est la population la plus discriminée en France. 

Malgré toutes ces difficultés, entre 2000 et 2020, les choses ont progressé. En terme de qualité de vie déjà, sur une aire d’accueil, vous avez l’eau, l’électricité et vous n’êtes pas expulsé le lendemain matin. Ça veut dire que votre espace-temps a changé. Au début des années 2000, l’espace-temps des gens du voyage c’était 24h. Les faire se projeter sur un avenir était surréaliste.

Sur les aires d’accueil, il y a énormément de choses à critiquer, mais il y a eu une nécessaire amélioration des conditions d’habitat des gens du voyage qui leur a été extrêmement profitable. Mais ça a un coût, maintenant ils paient l’eau et l’électricité donc leur économie de survie ne suffit plus. 

Comment ces aires d’accueil et logements pour les gens du voyage sont-ils répartis sur le département ? 

Sur la métropole de Lyon, le positionnement de Gérard Collomb à l’époque, pour son premier mandat, a fait que le Grand Lyon a pratiquement résolu l’ensemble de ses aires d’accueil. Tandis que dans le département du Rhône, il y a deux points noirs : l’Ozon et Villefranche. Quand je suis parti en 2019, la Communauté de communes du pays de l’Ozon était plus en avance, il y avait quand même une volonté politique de faire. Sur Villefranche, il y a un besoin depuis 2003 mais rien n’a jamais été fait parce que les élus ne tiennent pas leur rôle.

Plus de 100 logements adaptés ont été faits dans le Rhône, à Saint-Priest, Rillieux, Vénissieux, Saint-Genis-Laval… Aujourd’hui, la grosse problématique de l’habitat sédentaire c’est sur le nord du département. C’est l’agglomération de Villefranche qui pose un problème général puisqu’elle n’a rempli aucune obligation depuis le premier schéma de 2003. Elle est totalement en retard. 

« Dans le Rhône ou ailleurs concernant les gens du voyage, l’Etat n’a jamais utilisé son pouvoir pour mettre les communes devant leurs responsabilités »

Pourtant l’Etat pouvait forcer les communes à remplir leur obligation…

C’est tout le problème des schémas départementaux et de la politique des gens du voyage : l’Etat n’a jamais utilisé son pouvoir autoritaire pour mettre les communes devant leurs responsabilités. 

J’étais plutôt favorable à ça au départ. Compte tenu de la difficulté, de l’exclusion et du racisme que subissent les gens du voyage encore aujourd’hui, y aller par la manière forte n’allait certainement pas faciliter leur inclusion. Pendant 20 ans, j’ai pratiqué et défendu un travail de proximité, auprès des collectivités que ce soit pour la gestion des conflits d’usages, pour l’aménagement et le fonctionnement des aires d’accueil mais aussi des aires de grands passages et la politique de l’habitat sédentaires en associant beaucoup les gens du voyage aux problématiques. Mais le besoin des gens du voyage se site au-delà du stationnement et de l’habitat. Ce besoin nécessite une approche globale peu en phase avec les méthodes des politiques sociales actuelles. Et ça a été une difficulté de la loi Besson : pour beaucoup, répondre aux besoins de stationnement était suffisant pour répondre aux besoins des gens du voyage.

Construire des aires d’accueil n’est pas la solution pour vous ?

On a classé les voyageurs en trois catégories : itinérants, semi-sédentaires ou sédentaires. Or, beaucoup de voyageurs sont les trois à la fois. Je pense qu’aujourd’hui il y a beaucoup trop de places sur les aires d’accueil parce qu’il n’y a pas eu de prise en compte de la sédentarisation ou de la fixation territoriale.  Je me rappelle d’une famille près de l’Ain, les grands-parents habitaient une maison, les parents une autre et les petits-enfants avaient repris une caravane. Ils voulaient savoir ce que c’était l’itinérance. 

Les gens du voyage ont une défiance naturelle et historique à l’égard de la société, nourrie par ce qu’ils ont subi depuis des dizaines et des dizaines d’années. Par exemple, la construction des aires d’accueil, pour certains voyageurs ça a été la réminiscence des camps d’internement des tsiganes pendant la Seconde guerre mondiale. Des voyageurs m’ont dit « tu te rends compte, ils mettent un portail et quand ils voudront nous enfermer, ils nous enfermeront ».

D’autres ont dit que c’était une restriction des libertés, que sur les communes ils ne pourraient aller que sur l’aire d’accueil et pas ailleurs. Sur une EPCI de 15 communes, s’il y a deux aires d’accueil, ils ne peuvent aller que sur ces deux communes. Ils n’ont pas la même représentation géographique que nous. Pour eux, les limites communales ou départementales, ça ne veut rien dire. 

gens du voyage Rhône Artag Xavier Pousset
Xavier Pousset, directeur de l’ARTAG dans le Rhône de 2002 à 2019.

Comment faire pour aider les voyageurs qui le souhaitent à se sédentariser ?

Il y a des gens qui sont quasi-sédentaires, qui sont sur les aires d’accueil parce qu’ils n’ont pas d’autres endroits. Dans le schéma départemental, il faudrait mettre en place une MOUS départementale (Maitrise d’œuvre urbaine et sociale) pour traiter deux types de problèmes : la question des gens sédentaires sur des terrains publics ou privés non conformes qu’il ne faut pas laisser dans ces situations, et les gens qui essaient de se sédentariser sur des aires d’accueil en y restant le plus longtemps possible parce qu’ils n’ont pas de lieu où aller.

Toutes les communes du Rhône qui pour le moment n’ont rien fait ou à qui on n’a rien demandé jusqu’à maintenant donneraient du foncier. Ensuite on travaillerait à partir des polygones de vie (zones géographiques de déplacement) des gens du voyage pour déterminer le foncier sur lequel les familles seraient prêtes à aller. Cela soulagerait les communes aujourd’hui porteuses de l’aire d’accueil qui se retrouvent à devoir gérer, seules, des besoins préexistants mais qui apparaissent sur l’aire d’accueil.

On aura moins besoin de places d’aires d’accueil pour les itinérants quand on aura libéré les places de gens qui veulent se sédentariser. Il faut travailler sur l’habitat. 

Dans le schéma départemental 2019-2025, la Métropole de Lyon annonce 30 logements adaptés par an. Pensez-vous que ce soit suffisant ?

Trente logements par an, si on se donne six ans, ça fait 180 logements, on aura résolu quand même pas mal de problèmes. La question, c’est où ? Il y a eu un vrai travail des communes sur les aires d’accueil. Toutes les communes de plus de 5000 habitants n’ont pas été obligées de faire des aires parce qu’il n’y avait pas de besoin, où que l’aire de la commune d’à coté suffisait, et ça a été bien accepté.

Simplement, aujourd’hui, ces communes-là qui ont les aires d’accueil, elles ont des gens sur ces aires qui veulent se sédentariser, mais elles peuvent se demander pourquoi ce serait à elles de répondre à cette question de la sédentarisation. Pourquoi pas la commune d’à côté ? Il peut y avoir des conflits.

Que pensez-vous de ce dernier schéma départemental ?

Le schéma départemental actuel me parait récessif. Il semble découvrir des vérités que nous connaissons depuis très longtemps et pour lesquelles les réponses ont du mal à se mettre en place C’est pourquoi je le trouve pour certains domaines pas assez coercitif. Les besoins sont déjà suffisamment clairs et connus notamment par l’ ARTAG qui n’a eu de cesse de faire remonter les informations ces 20 dernières années. Il s’agit d’animer des actions en développant des méthodologies auxquelles les gens du voyage sont associés en tant que partenaires et non pas seulement en termes « d’usagers ».

Le schéma départemental a été fait sur les représentations de la société des gadjés. On fait une commission départementale et puis on nous demande d’amener trois voyageurs pour représenter les gens du voyage du Rhône. Quand on fait une réunion du schéma départemental à la préfecture, ces gens qui n’ont pas du tout ce mode de fonctionnement et qui ont des carences administratives importantes, parfois illettrés, leur participation c’est du flan ! 

Que pensez-vous de la scolarisation des enfants du voyage ?

Il faut séparer la problématique scolaire en maternelle et élémentaire de celle du second degré. Le monde scolaire a fait beaucoup pour réduire ou supprimer les freins à l’approche du monde scolaire notamment dans le primaire et le préscolaire. Aujourd’hui, la résistance est plutôt du coté des gens du voyage qui ont une perception encore très négative en fonction de leur expérience personnelle souvent difficile en termes d’accueil et de phénomènes de rejet.

Par contre, le second degré conduit inéluctablement beaucoup d’enfants a l’échec scolaire compte tenu des retards accumulés pendant le primaire à cause d’une scolarité encore trop perlée ou bien des représentations du savoir dans le monde des gens du voyage encore trop éloignés des exigences du monde scolaire.

A quel point cette représentation du savoir des gens du voyage diffère-t-elle de celle de l’Education nationale ?

C’est une des questions sur lesquelles l’institution a le plus de mal à se positionner. L’idée, c’est de faire rentrer les gens du voyage dans le monde scolaire. Or, j’ai constaté que le monde scolaire est un monde complètement étranger dans son fonctionnement à la réalité des gens du voyage. Un gamin qui a 9 ans, qui sait à peine lire et écrire, on va le mettre en CM2 parce qu’il a 9 ans. On le conduit à l’échec scolaire. On est dans une représentation selon laquelle les gens du voyage doivent rentrer dans les normes, or on sait qu’ils ont toujours évité de rentrer dans les normes quand ça menaçait leur culture. 

Les camions-écoles, par exemple c’était très bien parce que ça pouvait travailler sur l’intérêt de l’accès au savoir pour les gens du voyage. Jusqu’à présent, ils n’avaient pas besoin de l’école pour vivre. Ils ne savaient ni lire ni compter mais ils étaient commerçants, ils faisaient les marchés, la ferraille… 

Je pense que la scolarisation des enfants du voyage doit être travaillée avec les parents pour qu’ils aillent vers l’école. Entre ceux qui en ont un très mauvais souvenir et ceux qui ne voient pas bien l’intérêt de l’école dans leur vie d’adulte, il y a tout un travail à faire. Pour que le monde de l’Éducation nationale s’aperçoive aussi que les gens du voyage ont leurs propres représentations du savoir et qu’il faut travailler dessus.

« Ce n’est pas demain que les voyageurs vont rentrer dans le moule ! »

D’une manière générale, comment améliorer la situation des gens du voyage d’après vous ?

La pierre angulaire, c’est le travail de proximité. Pour accompagner les gens du voyage et aussi les collectivités, travailler sur leurs représentations et construire des solutions qui n’existent pas. Ça fait 150 ans que les voyageurs sont comme ça, ça fait 150 que les institutions répondent comme ça. Ce n’est pas demain que les voyageurs vont rentrer dans le moule !

Un des points forts du département du Rhône, ça a été d’inscrire dès le début dans le schéma départemental la nécessité d’une médiation avec les gens du voyage qui a été confiée à l’ARTAG. On va sur les aires d’accueil chaque semaine pour accompagner les gens du voyage dans l’expression de leurs besoins, et aider les collectivités à y répondre. Maintenant, ça commence à se faire dans les autres départements.

Quant au problème de la discrimination, si ce n’est pas porté par le politique, la discrimination continue à se répandre dès qu’elle peut. Je pense qu’aujourd’hui, simplement, nous ne sommes pas assez rigides.

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