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Le Lyon Antifa Fest maintenu, la préfecture condamnée

Interdit par la préfecture du Rhône dans l’après-midi du mercredi 10 décembre, le Lyon Antifa Fest pourra finalement avoir lieu. Le tribunal administratif de Lyon a annulé, jeudi 11 décembre, un arrêté préfectoral fourre-tout, quelques heures avant la tenue du premier concert. Le rappeur Da Uzi, incriminé dans l’arrêté, ne sera en revanche pas présent.

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Antifa fest Lyon
L’Antifa fest aura lieu au CCO La Rayonne, à Villeurbanne, jeudi 30 novembre 2023. Phot d’archive.

Le tribunal administratif de Lyon a annulé, jeudi 11 décembre, l’arrêté préfectoral du mercredi 10 décembre interdisant le Lyon Antifa Fest. Une décision qui intervient juste avant la tenue de la première soirée de concert qui doit se dérouler dans la salle de spectacle La Rayonne à Villeurbanne, ce jeudi soir.

L’État a également été condamné à verser 450 euros d’indemnités à chaque requérant (l’association Culture de classe – organisatrice du festival –, la CGT Spectacles et le syndicat des avocats de France).

Pour rappel, le festival avait été interdit par la préfecture du Rhône sur demande du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez. Dénonçant une atteinte à la liberté d’expression et une décision « grave », les organisateurs avaient déposé un recours en référé-liberté devant le tribunal administratif pour suspendre la décision préfectorale.

Les motifs invoqués par les services de l’État, « trouble des consciences » et « troubles à l’ordre public », n’ont finalement pas su convaincre le tribunal.

Interdiction du Lyon Antifa Fest : une « décision politique et idéologique »

Dans le détail, les deux avocats de l’association Culture de classe, présidée par Axel Festas, présent à l’audience, ont insisté : « Depuis 2013, le Lyon Antifa Fest n’a jamais causé la moindre difficulté de violences ni même d’intervention des services de police », a plaidé Me Agnès Bouquin.

Pour la défense, le motif de cette interdiction est « politique et idéologique ». « L’extrême-droite ne gagnera pas la guerre des cultures ! Madame la préfète n’est pas l’extrême-droite, mais elle en devient son instrument à travers cette attaque contre un festival de musique », a lâché Me Forray au début de son intervention.

Les deux avocat·es ont rappelé le contexte de montée au créneau d’élu·es du RN, notamment de la députée du Rhône Tiffany Joncour qui a déposé le 18 novembre dernier une question écrite au ministre de l’Intérieur pour demander l’interdiction du festival. « Une partie de l’objectif de la préfecture est surtout de donner des garanties au RN et aux syndicats de police », a osé Me Bouquin. Le syndicat de police Alliance, très marqué à droite, avait également demandé l’interdiction du festival, début décembre.

L’arrêté d’interdiction s’appuyait notamment sur les propos tenus par certains artistes programmés, qualifiés « d’anti-police », « antisystème », « incitant à commettre des infractions ». Des reproches « ineptes » selon Me Forray, dessinant un « arrêté vide et stupide ». L’avocat a revendiqué un « droit à la critique », y compris des agissements des forces de l’ordre, faisant « partie du fonctionnement de la démocratie ».

Pour la préfecture du Rhône, une interdiction qui répond à un « contexte de radicalisation »

La réponse du préfet délégué à la sécurité, Antoine Guérin, a été… balbutiante. « Cet arrêté répond à une nécessité impérieuse dans un contexte de radicalisation avérée et de violences à l’encontre des forces de l’ordre », a-t-il estimé. Il s’est appuyé sur « un contexte local » de tensions. « Plus 8 % de violences policières dans la région », lâche-t-il… en voulant parler des violences à l’encontre des agents de police.

Antoine Guérin a insisté sur les paroles des artistes, parlant « d’appel au meurtre et à la haine », des propos d’une « violence inouïe » selon lui. « L’autorité considère qu’une salle de spectacle ne doit pas devenir une zone non droit », a justifié le préfet délégué.

Il a dénoncé la « déshumanisation des policiers », qualifiés de « porcs » dans l’une des chansons du rappeur Da Uzi, mentionnée dans l’arrêté. « Il y a la certitude que durant ces concerts, il y aura des applaudissements aux provocations, aux délits et aux outrages », s’est encore indigné Antoine Guérin. Le festival a finalement annulé la venue du rappeur devant le risque financier qu’aurait représenté une annulation. Il sera remplacé par la rappeuse 2L.

Énième passe d’armes pour le Lyon Antifa Fest

Les organisateurs du festival n’en sont pas à leur première passe d’armes. L’interdiction de la préfecture est survenue quelques semaines après le retrait du festival dans le dispositif Pass Culture. Une décision qui faisait suite à la charge médiatique menée par des élus d’extrême droite, dont Anne Sicard, députée RN du Val-d’Oise, que Laurent Wauquiez avait soutenue, et Alexandre Humbert-Dupalais, candidat UDR (alliance RN – Éric Ciotti) à la mairie de Lyon. Là encore le motif de risques « troubles à l’ordre public » avait été invoqué.

En septembre 2021, Laurent Wauquiez, alors à la tête de la Région Auvergne Rhône-Alpes, avait sucré les subventions au CCO-La Rayonne, qui héberge le festival. Le président n’avait pas apprécié la publication d’une vidéo promotionnelle de l’évènement, généralement accueilli en décembre par le CCO. Dans cette vidéo de 2015, deux rappeurs parisiens font chanter au public les paroles « Tous les flics, c’est des bâtards [sic]. »

Début décembre, le tribunal administratif avait déjà donné tort aux opposants du festival en condamnant la Région Auvergne-Rhône-Alpes à verser plus de 270 000 euros au CCO et à la Rayonne. La collectivité avait immédiatement fait appel.


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