Depuis la disparition de Démon d’or en 2019, c’était l’un des derniers festivals indépendants de la région lyonnaise. En difficulté récurrente ces dernières années, le festival Woodstower devrait prochainement disparaître, près de trois décennies après sa création.
La dernière en date, en juillet dernier, s’est retrouvée déficitaire de 200 000 €, malgré un coup de pouce de la mairie et de la Métropole et un déménagement dans le parc de Gerland. Le festival s’est retrouvé dans une impasse : impossible de continuer ainsi, avec un trou dans la trésorerie cumulant désormais plus de 800 000 €.
L’association organisatrice a été placée en redressement judiciaire le 9 septembre, et face à l’impossibilité constatée de s’en sortir seule, a fait appel à de potentiels repreneurs pour son activité, souhaitant préserver le festival et les sept emplois salariés.
Festival Woodstower : deux dossiers de reprise déposés au tribunal
« Nous avons vu beaucoup de structures différentes, nationales et locales. Les deux seules qui étaient intéressées ont déposé leur dossier », nous explique Maxime Noly, directeur de l’événement créé en 1997 à la Tour-de-Salvagny et longtemps installé, de 2005 à 2024, au parc de Miribel-Jonage.
Deux dossiers de reprise (dont on ne connaissait à l’époque pas les noms) ont en effet été déposés le 3 octobre au tribunal, comme l’avait révélé Le Progrès. Le mensuel Lyon Poche évoquait de son côté l’intérêt du groupe de média Rosebud et des discussions avec Combat, dirigé par Matthieu Pigasse, déjà intéressé quelques années plus tôt par Woodstower.
Si ce dernier a passé son tour et ne s’est finalement pas positionné, Rue89Lyon dévoile que le groupe lyonnais dirigé par François Sapy a bien déposé l’un des deux dossiers de reprise.
Reprise de Woodstower : des acteurs lyonnais à la barre
Selon nos informations, le second a été remis au tribunal par un triumvirat d’acteurs locaux : le Ninkasi (la brasserie branchée musique), Nomad Kitchens (les organisateurs du Lyon Street Food Festival) et IzyPay (un service de billetterie).
On comprend l’intérêt : le Ninkasi développe depuis toujours une offre de concerts dans ses différents lieux et a mis en place un dispositif de soutien aux jeunes artistes, le Ninkasi Musik Lab, qui s’est installé solidement dans le paysage et vise à devenir national. Prendre la main sur un festival local bien implanté aurait été un atout considérable pour développer l’ensemble de ses activités. L’offre de nourriture aurait pu être gérée par Nomads Kitchen et la billetterie par Izypay.
Pour Rosebud, l’idée était de poursuivre sa diversification dans le domaine de la culture et de l’événementiel : le groupe détenant jusqu’ici plusieurs titres de presse emblématiques de la ville (Tribune de Lyon, Lyon Décideurs, Grains de Sel) a racheté en début d’année le théâtre Comédie Odéon.
Mais, le pari était risqué pour un acteur n’ayant aucune expérience dans un secteur en pleine mutation, soumis à une forte concurrence avec l’implantation continue de multinationales comme AEG et Live Nation sur l’ensemble du territoire français, contrôlant qui plus est des catalogues d’artistes via leurs agences de booking.
Woodstower : deux retraits et une fin annoncée
Aucun de ces grands acteurs, pourtant friands ces derniers temps de rachats de festivals, ne s’est positionné, ni intéressé à Woodstower. Pour l’un d’eux que nous avons interrogé, l’explication est aussi simple que brutale : ce type de festival, associatif, multi-styles, en plein air et en pleine ville, ne peut pas être rentable, à l’inverse de festivals à l’identité artistique très marquée, comme La Route du Rock à Saint-Malo, repris par le groupe Combat, ou We Love Art à Paris, racheté conjointement par AEG et Combat cette année.
Pas de quoi affoler Maxime Noly qui espérait, dans plusieurs entretiens avec les médias, voir se positionner une alliance d’acteurs locaux, et voyait donc d’un œil favorable les deux dossiers déposés.
Problème : selon nos informations, les deux candidats se sont retirés mi-novembre. D’abord Rosebud, puis le triumvirat Ninkasi / Nomad Kitchens / iziPay. Les discussions étaient pourtant bien avancées sur ce second dossier : une réunion avait même eu lieu avec Audrey Hénocque (Les écologistes), l’adjointe à la Culture de la Ville de Lyon. Du côté de Woodstower, c’est donc une douche froide qui s’est abattue à l’annonce de ce retrait, mardi 18 novembre.
« Rosebud a retiré son dossier pour des raisons financières : il y avait un tour de table à boucler pour assurer le montage financier et notamment la trésorerie à apporter. Ils n’ont pas réussi, donc ils ont laissé tomber », explique Maxime Noly.
Le tribunal se prononcera le 9 décembre
« C’est différent pour le second projet, car on avait beaucoup plus interagi, notamment sur le sujet des ressources humaines, poursuit-il. Les synergies étaient plus évidentes, immédiates, entre nos métiers et les choses à faire ensemble. Les raisons du retrait sont en partie financières ; mais elles sont aussi dues à ces synergies qu’ils avaient imaginées : elles étaient peut-être plus compliquées à mettre en œuvre que ce qu’ils avaient envisagé. »
Contactée, la Ville de Lyon a réagi par l’intermédiaire de son service communication : « La Ville de Lyon a tenté d’accompagner Woodstower du mieux possible. Que sa survie soit aujourd’hui menacée nous attriste profondément : c’est une perte potentielle pour la vitalité culturelle de l’agglomération lyonnaise. »
L’audience de la dernière chance se tiendra le 9 décembre, et le tribunal devrait logiquement acter la dissolution de l’association, en l’absence de repreneur. À l’heure actuelle, tout est à l’arrêt jusqu’à cette date : « On avait commencé à préparer l’édition 2026 en parallèle du montage des dossiers. Mais sans partenaires pour la porter, c’est certain : il n’y aura pas de Woodstower en 2026 », soupire Maxime Noly. Ni après… Sauf miracle.



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