« Je suis là parce que je n’ai pas le choix », lâche Julie, le visage fermé. Sur son fauteuil roulant, la jeune femme de 34 ans, atteinte d’une maladie génétique, brandit une pancarte au slogan cinglant : « Ce pays marche moins bien que moi ». Venue spécialement de Haute-Loire pour l’occasion, elle a rejoint, à Lyon, les quelque 12 000 manifestant·es selon les syndicats (5000 selon la Préfecture) qui ont répondu à l’appel de l’intersyndicale, ce jeudi 2 octobre.
Pour Julie, cette mobilisation est presque vitale. « Mon existence même est un acte politique. Je vis avec l’allocation handicap et ce n’est pas avec cet argent que je vais pouvoir vivre, surtout avec la réforme de l’accès aux soins qu’a proposée François Bayrou avant son départ », dénonce-t-elle. Plus les mots sortent, plus son exaspération se fait sentir. Atteinte d’une maladie incurable, Julie dénonce :
« Le gouvernement nous parle d’un suicide digne (sic). Mais ça ne peut pas exister si, déjà, nous n’avons pas des vies dignes. »
En toile de fond, un même fil conducteur semble relier les milliers de manifestant·es : la dénonciation de l’austérité budgétaire et la défense des services publics. Santé, éducation, écologie… autant de combats qu’ils estiment sacrifiés par le gouvernement.



À Lyon, une manifestation en musique et en… casseroles
Sous les banderoles et les slogans, le cortège, mené par l’intersyndicale, s’est élancé de la place Jean-Macé peu après 13 heures. En queue de défilé, les écologistes fermaient la marche. Entre les deux, des milliers de manifestants ont arpenté les rues lyonnaises, jusqu’au cours Lafayette pour faire entendre leurs colères multiples et leurs revendications.
Au milieu des manifestant·es, Marie, 25 ans, est brasseuse de bière. Avec ses ami·es, ils ont confectionné un système de défouloir, qu’ils baladent dans le cortège. L’idée est simple : mettre dans un caddie des casseroles – avec les têtes de Laurent Wauquiez, Jordan Bardella et Rachida Dati – et mettre à disposition des manifestant·es des cuillères pour taper dessus et faire du bruit.
« On en a marre que l’argent ne soit pas mis dans les bonnes choses. Et que les manifestant·es soient vus comme des casseurs. On a mis ça en place pour que les gens se défoulent », lâche Marie, passoire orange vissée sur la tête.
Et d’ajouter : « Le caddie, c’est une histoire aussi. C’est une carcasse métallique dans laquelle on met toute notre consommation. Donc c’est une belle métaphore. »

À Lyon, une même indignation face au « budget d’austérité »
À quelques pas, Valentin, pancarte à la main, marche seul. Ses amis n’ont pas pu le rejoindre, mais il tenait à battre le pavé malgré tout. « Le budget, c’est une énorme blague », lâche-t-il avec un sourire amer.
« On coupe sur la santé, l’éducation, l’écologie… mais retirer quelques milliers aux grandes entreprises, ça, ils ne veulent pas. On arrive à un point tellement absurde et énervant », poursuit le jeune papa, cadre dans un cabinet de conseil lyonnais.

Dans le cortège, difficile de ne pas remarquer la forte présence des personnels de l’éducation et des étudiants. Parmi les pancartes qui s’agitent, deux membres du personnel de l’ENS discutent en marchant. Syndiqués à la CGT, ils dénoncent « des politiques d’austérité successives ». Pour Théotime, chercheur de 30 ans, le constat est amer. Après sa thèse, il est parti travailler en Espagne faute de trouver un poste en France. Aujourd’hui, il pointe du doigt la situation à l’ENS et plus largement dans l’enseignement supérieur :
« Il y a de moins en moins de postes et de moins en moins d’argent. Les frais d’inscriptions augmentent, surtout pour les étudiant·es hors de l’Union européenne, parce que ce sont ceux qui peuvent le moins se défendre. »

Comme beaucoup d’autres manifestant·es, Théotime n’en est pas à sa première mobilisation. Déjà présent les 10 et 18 septembre, il assure qu’il continuera à se mobiliser, avant d’avouer un doute : « Le mouvement a l’air de s’essouffler. Nous n’avons toujours pas de budget ni de gouvernement. Tant que nous n’avons pas ça, c’est dur de mobiliser les foules. » Une incertitude qui plane sur la suite de la mobilisation et nourrit autant d’interrogations que de détermination dans les rangs.
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