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Subventions retardées : la santé sexuelle et les droits des femmes en péril à Lyon

Face aux incertitudes des prochains financements, des centres d’information sur les droits des femmes ou de santé sexuelle pourraient être contraints de licencier leurs personnels et réduire l’accompagnement auprès des publics vulnérables.

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Mise en danger des associations de santé sexuelle et d'accompagnement à l'accessibilité aux droits des femmes
À Lyon, les associations de santé sexuelle et de défense des droits des femmes sont fragilisées par le retard des subventions de l’État.

« Subventions non versées, droits des femmes en danger ! » Le slogan est soigneusement choisi par les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), pour alerter sur le retard de versement de subventions de la part de l’État.

Ces associations font un travail essentiel sur le territoire pour informer les personnes les plus vulnérables — en particulier les femmes — sur leurs droits. Elles sont inquiètes de leur devenir. « L’État n’assume pas son rôle. Le retard de son engagement nous met dans de grandes difficultés », dénonce Anne-Marie Gourgand, présidente du CIDFF Rhône Arc-Alpin.

Face à une situation financière inédite, les CIDFF se sont mobilisés pendant une semaine du 23 au 27 juin. Le CIDFF Rhône Arc-Alpin (Savoie, Haute-Savoie, Rhône et Isère) a fermé ses portes le 26 juin pour lancer un cri d’alerte.

« C’est urgent. Il y aura des ruptures de trésorerie et des non-versement des salaires au mois d’août, si les subventions ne sont pas arrivées d’ici là », exprime-t-elle. Et les CIDFF ne sont pas les seules associations touchées : le Planning Familial 69 et les centres de santé et d’éducation sexuelle (CSS) sont aussi dans le rouge.

Augmentation des salaires sans compensation financière de l’État

Une des principales raisons de leurs difficultés : l’extension de la prime Ségur à l’ensemble des salariés des CIDFF, plannings familiaux et centres de santé et d’éducation sexuelle, en août 2024. Cette aide initialement prévue en 2020 pour revaloriser les salaires du sanitaire et du médico-social dans le public a été élargie au privé. 

Après avoir attendu plusieurs mois, les associations montent au créneau pour réclamer leur compensation financière pour cette prime. Votée en janvier 2025, elle est évaluée à 183 € nets par mois par salarié, pour une enveloppe globale de 7 millions d’euros. Une enveloppe qui ne prend en compte que l’année 2025 et non les primes versées en 2024.

« C’est primordial que nos employés soient mieux payés. Le problème, c’est que l’État n’a pas ajusté les subventions pour couvrir ces frais supplémentaires, alors que nous sommes une délégation de service public », signale Swan, membre du conseil d’administration du Planning familial 69.

« Dès la semaine du 23 juin, l’ensemble des CIDFF percevront les subventions nécessaires », a affirmé la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, lors d’un déplacement le 13 juin au CIDFF de Brest. Selon le cabinet ministériel de la ministre à l’égalité entre les femmes et les hommes, contacté par Rue89Lyon, « la compensation de la prime Ségur sera versée aux centres nationaux d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF) dans les prochains jours. »

Selon nos informations, pour les CIDFF de la région Auvergne Rhône-Alpes, les fonds sont arrivés fin juin à la préfecture. « On risque d’avoir seulement 80% de ce qu’on a demandé et la préfecture nous a indiqué qu’on recevrait plutôt l’argent fin août », précise la présidente du CIDFF Rhône Arc-Alpin. Quant aux autres associations, elles restent toujours dans l’incertitude.

La mise en péril des associations de santé sexuelle et des droits des femmes

Pour ces centres, payer cette prime pour chaque employé est un coût supplémentaire qu’elles ne peuvent absorber sans la compensation de l’État. Avec ses 80 salariés, le CIDFF Rhône Arc-Alpin devrait comptabiliser 400 000 euros de plus dans son budget annuel.

« Nous risquons de devoir emprunter à la banque pour payer les salaires, et refaire un autre licenciement économique. Ce sont nos postes qui sont en jeu », argue la présidente de l’association. La hausse des charges salariales a déjà conduit à cinq licenciements dans le département du Rhône, dont deux en 2024 et trois en 2025 pour le CIDFF.

Outre cette compensation de la prime Ségur, le CIDFF Rhône Arc-Alpin est aussi en attente depuis mai de sa subvention de fonctionnement à hauteur de quatre millions d’euros pour les quatre départements. La structure devrait les recevoir fin août-début septembre. « Nous avons encore des incertitudes sur le montant », signale la présidente.

Du côté du Planning familial 69, l’association ne pourra pas remplacer un poste de conseillère conjugale et familiale, qui part à la retraite. « Depuis août 2024, on paye la prime Ségur sur nos fonds propres, mais ils sont limités. S’ils ne sont pas compensés, on va devoir réduire notre activité », indique Swan. Une hausse de 70 000 euros est prévue pour le budget de l’association sur l’année 2025. Swan ajoute : « Nous n’avons eu aucune nouvelle d’un potentiel versement, même partiel, de la part de la préfecture. »

Une cagnotte pour compenser les manquements de l’État

Le 1er juillet, plusieurs associations de santé sexuelle ont publié une nouvelle lettre ouverte pour alerter à nouveau les pouvoirs publics sur la mise en danger de l’offre de soin dans la Métropole lyonnaise.

Le centre de santé et d’éducation (CSES) de Décines-Charpieu, signataire de cette lettre, est au bord de la fermeture. Les subventions octroyées par la Métropole et par les communes ne lui permettent pas d’assurer pleinement ses missions de soutien, soins médicaux et prévention des violences sexuelles.

Avec un budget de fonctionnement de 210 000 euros et un déficit de 23 000 euros, « la prime Ségur nous a mis en très grande difficulté », explique Dominique Credoz, membre du conseil d’administration depuis plus de 20 ans.

Même si la Métropole de Lyon a augmenté son budget de 10% depuis 2022 pour les CSES de l’agglomération, la prime Ségur leur revient à un montant de 14 000 euros pour l’année 2025. L’association en a été réduite à lancer une cagnotte de soutien… pour compenser les manques de l’État.


#Droits des femmes

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