À 10 heures pile, la sonnerie retentit jusque devant les grilles du lycée polyvalent Frédéric Faÿs à Villeurbanne ce mardi 13 mai. Une vingtaine de professeurs sont rassemblés, les bras croisés. Ce matin, ils ne franchiront pas le portail.
S’ils sont venus, ce n’est pas pour faire cours, mais pour faire front contre « une politique éducative austéritaire ». À la rentrée prochaine, l’établissement doit accueillir une cinquantaine d’élèves supplémentaires. Au total, l’effectif grimpera à 1400 jeunes, tout en disposant des mêmes moyens humains et financiers que dix ans auparavant, quand le lycée en accueillait 900.
Soutenus par les Fédérations de parents d’élèves FCPE et PEEP, une quarantaine de professeurs du lycée sont en grève. En avril, ils ont été reçus par le rectorat pour demander des moyens humains et horaires supplémentaires, ainsi que des classes limitées à 32 élèves. Sans avoir gain de cause.
Pour se faire entendre, les professeurs se sont rassemblés à nouveau rassemblés mardi 13 mai devant leur lycée et ont marché jusqu’au rectorat, munis d’une pétition signée par une cinquantaine de professeurs. Certains grévistes ont également menacé : « on ne reviendra pas à la rentrée, si la situation ne change pas ».
Une grève des professeurs contre un « non-sens pédagogique »
En première et en terminale, les classes du lycée Frédéric Faÿs entassent entre 35 et 38 lycéens. Avec cet effectif, impossible de réaliser des travaux de groupes, d’aller en salle informatique, ou de réaliser certains TP de chimie.
Un « dysfonctionnement » déjà présent en 2018 : les professeurs avaient pris la décision de limiter leurs classes de seconde à 24 élèves. « On avait déjà dû faire des sacrifices pour pouvoir fonctionner », déplore Audrey, professeure de SES.
L’établissement avait mis fin à l’aide personnalisée en mathématiques et en français et supprimé une demi-heure de sciences physiques. « Le changement a été spectaculaire, depuis, les rapports d’incidents ont été divisés par trois », s’exclame Sandra, professeure de lettres dans l’établissement depuis une douzaine d’années.
« Mais ces contraintes budgétaires, ce n’est pas viable, c’est un non-sens pédagogique », continue-t-elle. Début 2025, les professeurs ont appris ne plus avoir de financement pour payer les HSE (heures supplémentaires effectives), originellement dédiées aux sorties scolaires et aux temps de bac blancs.
Au lycée Faÿs à Villeurbanne, des conditions de travail dégradées
En plus des cours impossibles à réaliser, ceux qui ont bien lieu sont « difficilement gérables ». Salomé étudie en classe de première. Pour elle, il est difficile de se concentrer. « Il n’y a jamais de silence, c’est dur de suivre, souffle-t-elle. En plus, les profs ont moins le temps de répondre à nos questions ».
Une situation qui envenime les relations entre professeurs et élèves. Par manque de place, Sandra ne peut plus déplacer ses élèves quand ils bavardent. « On est tout de suite dans la sanction, on se retrouve obligés de mettre des élèves dehors », regrette-t-elle.
« Cette année, je n’ai rien appris », sourit ironiquement Lina, en première générale. D’après L’Etudiant, seul 34% des lycéens ayant passé le BAC en 2023 ont obtenu une mention à Faÿs, contre 56,8% au niveau national.
Les manques de financement se font également ressentir en dehors des salles de classe. La vie scolaire est l’une des branches du lycée les plus affectées, avec seulement 12 assistants d’éducation (AED) pour les 1400 élèves de ce lycée d’éducation prioritaire. « Ça se traduit par des dégradations et des violences… », témoigne Sonia en référence à l’agression physique subie par l’un de ses collègues en septembre 2024.
Un manque de personnel qui se fait aussi ressentir chez les élèves : « Ils sont tellement peu qu’ils n’arrivent pas à faire leur travail, on doit toujours attendre des plombes pour qu’ils nous ouvrent le portail… », déplore une élève de terminale.
Au lycée Faÿs à Villeurbanne : des salles « inondées »
Les classes débordent d’élèves, mais aussi d’eau de pluie. « Les salles sont inondées par des infiltrations par le toit. Des seaux sont disposés un peu partout au troisième étage, dans les escaliers, ou dans des salles d’examens », soupire Arthur Lithaud, professeur de mathématiques syndiqué à Sud Éducation.



La Région, responsable des locaux, a également financé pendant la crise sanitaire de 2020 des « salles préfabriquées » à l’extérieur du bâtiment, dans la cour. De nouvelles salles en extérieur doivent être installées par la Région, une « solution pansement » qui exaspère certains professeurs : « pour aller aux toilettes, les élèves manquent alors facilement une quinzaine de minutes, le temps de faire l’aller-retour ».
Contactée par Rue89Lyon, la Région a confirmé la planification de divers travaux. Les moisissures en classes sont prévues pour cet été, un appel d’offres pour la toiture a été lancé, et les chiffrages pour la reprise en plâtrerie des classes sont en cours.
De son côté, le Rectorat assure avoir entendu les revendications des professeurs, et déclare que le lycée « bénéficiera de conditions analogues aux lycées dont l’effectif des classes de seconde est abaissé à 32 élèves »… Comme expliqué plus haut, cet effectif a déjà été limité (à 24 et non 32) par les moyens des professeurs. Dans leur réponse, aucune mention des réclamations principales concernant les effectifs des classes de première et terminale.
À Villeurbanne, cette grève pourrait bien ne pas être la seule. Le collège des Gratte-Ciel Môrice Leroux, a aussi annoncé une grève prévue pour le 20 mai. Ces professeurs partent d’un même constat : « des moyens plus qu’insuffisants » face à une hausse d’effectifs d’élèves. L’un des points communs de ce lycée et de ce collège, c’est un IPS (Indice de Positionnement Social des élèves) relativement faible, « dans les derniers de la ville”, selon Sandra. « On est là pour soutenir une éducation prioritaire, qui aujourd’hui ne l’est plus », conclue-t-elle.
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