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Monts du Lyonnais : comment les luttes féministes tentent de se faire une place

Samedi 8 mars, les féministes de La Meute rurale organisent un rassemblement pour la journée internationale des droits des femmes à Saint-Didier-sur-Riverie dans les Monts du Lyonnais. Ses militantes racontent le difficile ancrage de leurs luttes dans ce territoire.

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Féministes Monts du Lyonnais
Des membres du collectif féministe La Meute rurale des Monts du Lyonnais, lors d’une manifestation à Saint Symphorien sur Croise le 25 novembre 2024.

Des cartes « T’es relou » prêtes à être distribuées, des stickers le poing levé… Le tout s’amoncèle dans le salon de Juliette, l’une des fondatrices de La Meute rurale. Depuis trois ans, la jeune femme fait partie de ce collectif qui dénonce les violences et harcèlements sexistes et sexuelles (VHSS) dans les Monts du lyonnais, au sud-ouest de Lyon. Pour elle, l’heure est au tri pour se préparer au mieux à la journée de mobilisation du 8 mars qu’elle organise avec son collectif à Saint-Didier-sous-Riverie.

“On n’avait pas l’habitude de voir de telles manifestations dans le coin. On était 150 en 2024 pour la marche contre les violences faites aux femmes contre 80 en 2023. Ça peut paraître ridicule, mais pour nous, c’est déjà beaucoup”, sourit cette professeure de maths de 28 ans qui a “toujours vécu ici”.

Depuis 2024, La Meute rurale organise avec d’autres collectifs du territoire cette journée, mais aussi la journée internationale contre les violences faites aux femmes ou encore la Marche des fiertés. Des luttes qui ne se font pas sans difficultés.

Monts du Lyonnais : “Être féministe dans un monde rural où tout le monde se connait, c’est compliqué”

La Meute rurale est née un soir, à la table d’un bar du coin, entre plusieurs groupes d’amies. Juliette s’en souvient bien. “En discutant, on s’est rendu compte qu’on avait toutes été agressées au moins une fois, détaille-t-elle. Que même dans les Monts du lyonnais, on se faisait siffler, klaxonner, interpeller sur notre tenue. Il fallait qu’on s’organise”. 

Lucie était aussi présente ce soir-là. Cette salariée agricole confie « militer depuis qu’elle est née dans ce corps de femme ». « Je ne compte plus les remarques et blagues sexistes que j’ai pu entendre. J’ai vécu des petites comme des grosses agressions », relate-t-elle. Le collectif a été pour elle un moyen de se réapproprier des espaces, des lieux. Mais une réalité l’a rattrapée : “Être militante féministe dans un monde rural où tout le monde se connaît, c’est super compliqué”.

Militer quand… L’anonymat n’existe pas

Elles sont aujourd’hui une trentaine de femmes à être membre du collectif. Elles ont entre 25 et 45 ans et sont agricultrice, psychothérapeute, institutrice, agente de communication en mairie… La plupart vivent et travaillent dans les Monts du lyonnais.

Nombreuses sont celles qui ont un planning chargé, entre vie professionnelle, associative et familiale. C’est le cas d’Hélène qui nous reçoit lors de sa pause déjeuner, dans son cabinet de psychothérapie. À l’entrée, elle a exposé un “violentomètre”, une sorte baromètre pour aider les femmes à identifier les violences auxquelles elles peuvent être exposées dans leur couple.

Arrivée de Lyon il y a tout juste un an, Hélène a été surprise d’être reconnue lors de la marche du 25 novembre 2024. “Je n’avais pas l’habitude. En ville, j’ai milité et participé à des associations sans jamais qu’on me reconnaisse vraiment”, développe-t-elle. 

« Pas de PD dans nos monts »

Ce constat l’amène à être prudente dans son militantisme. “On sent qu’ici, le féminisme est quelque chose qui peut être vu négativement, analyse-t-elle. Il nous est arrivé que nos affiches soient décollées. La veille de la Pride de 2023, dans la nuit, des messages homophobes et transphobes avaient été tagués comme “la Pride n’a pas sa place dans nos campagnes”. 

Des photos prises ce jour-là montrent également des inscriptions telles que « Pas de PD dans les monts ». Il y a 15 ans déjà, Rue89Lyon avait documenté les problématiques connues par ce secteur du Mont du Lyonnais, notamment avec une forte présence de l’extrême droite radicale. Visiblement, tous les problèmes n’ont pas été résolus. Une situation qui fait écho aux échanges tendus entre Conscrits et les féministes du collectif Nouvelle Vague à Villefranche, car le grand défilé annuel est encore interdit aux femmes en 2025

Hélène n’est pas la plus à plaindre. Son entourage familial et amical est quant à lui bienveillant sur son engagement. Mais ce n’est pas le cas de toutes. Lucie est née et a grandi dans les Monts du lyonnais. Elle évite de parler de son engagement avec certains amis.

“C’est malheureux, mais je sais que ça peut être une source de crispation, regrette-t-elle. Il faut s’imaginer qu’on est tous passés par les mêmes écoles, collèges et lycées. Il m’est même arrivée d’être moquée par rapport à mes idées ». Du côté de Juliette, la situation est similaire. Des amis à elle lui ont expliqué qu’ils évitaient de faire certaines blagues devant elle. 

Le collectif, un espace de partage précieux

Pouvoir se retrouver uniquement entre femmes, c’était le souhait de Déborah lorsqu’elle est partie de Lyon pour venir s’installer avec son conjoint dans les Monts du lyonnais. “J’avais besoin de continuer mon engagement militant et de rencontrer de nouvelles personnes qui partagent les mêmes valeurs que moi, explique-t-elle. On se voit aussi en dehors du cadre du collectif et ça me fait beaucoup de bien”.

Un ressenti qui semble partagé par l’ensemble des militantes que nous avons pu rencontrer, à l’instar de Juliette qui se languit déjà de cette journée du 8 mars. Le collectif donne rendez-vous au café villageois à Saint-Didier-sur-Riverie dès 14 h pour des tables rondes, des jeux de société militants et de quoi s’informer sur les luttes pour les droits des femmes. Un souhait pour Juliette : que le « féminisme ne soit plus un gros mot ».

Juliette féministe
Juliette stocke chez elle la plupart des affaires liées au collectif de féministes des Monts du Lyonnais.Photo : Enzo Chesi/Rue89Lyon.

#Droits des femmes

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