Certains y voient un revirement du maire de Lyon sur la vidéosurveillance, mais le processus était déjà enclenché depuis plus d’un an. Grégory Doucet (Les Écologistes) a annoncé l’arrivée de 30 à 60 caméras de vidéosurveillance fixes supplémentaires à Lyon, dans une interview au Progrès. En mars 2023 déjà, il prévoyait une trentaine de caméras supplémentaires d’ici à la fin du mandat, pour la majorité des caméras nomades.
Le maire de Lyon a indiqué plusieurs lieux où les nouveaux appareils seront déployés : le passage Pompidou et l’esplanade Mandela près de la gare Part-Dieu, les futures haltes fluviales et plusieurs rues du 4ᵉ arrondissement…
L’annonce a ravi ses oppositions au conseil municipal, en particulier le groupe Droite, centre et indépendants (DCI), qui lui réclamaient le déploiement de caméras depuis 2020. « Espérons juste, pour nos concitoyens qui doutent de votre action en matière de sécurité, que le déploiement de ces nouvelles caméras ne prendra pas autant de temps que celui de la décision », a souligné ironiquement Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement et président du groupe DCI.
Une contradiction avec un audit de 2023 sur la vidéosurveillance à Lyon
« Je suis quelqu’un de méthodique, fait valoir Grégory Doucet auprès du Progrès. (…) Il y a encore des besoins, on rachète des caméras. » Pourtant, l’audit rendu en 2023, tant attendu par la majorité écologiste dans ses premières années de mandat, concluait que la Ville de Lyon était déjà bien couverte par la vidéosurveillance. Il préconisait un redéploiement, mais pas d’augmentation du parc de caméras.
Exit aussi les réflexions sur l’utilité réelle de la vidéosurveillance, dans la baisse de la délinquance ou pour la résolution d’affaires. La thèse d’un doctorant, réalisée sur la période 1999-2010 pour le compte de la ville de Lyon et révélée par Mediacités, montrait qu’il est difficile de relier vidéosurveillance et baisse de la délinquance. « L’argument de l’économie de moyens humains et de temps apportée par la vidéoprotection aux enquêteurs est sûrement prioritaire à celui de l’efficacité », soulignait aussi le rapport.
Défendant sa politique en matière de vidéosurveillance devant le conseil municipal, Grégory Doucet a malgré tout fait valoir une baisse globale de la délinquance à Lyon, « grâce à l’ensemble des dispositifs de sécurité ». « Les caméras sont un outil dans l’arsenal des forces de sécurité, mais il ne faut pas en faire l’alpha et l’oméga », a-t-il résumé, faisant aussi valoir l’utilité de la vidéosurveillance pour « repérer les personnes qui sont en détresse. »
Libertés publiques : sujet absent des débats sur la vidéosurveillance à Lyon
Il fut un temps où le déploiement de caméras posait plus de questions chez les écologistes, souvent opposés à Gérard Collomb sur le sujet. Il y a quelques années encore, en 2020, des candidats écologistes aux municipales — dont Grégory Doucet — signaient un texte intitulé « Sécurité, prévention, tranquillité : au cœur de l’écologie municipale ».
Sur la vidéosurveillance, ils plaidaient : “Plutôt que de s’interroger sur la pertinence de ces outils, certains maires en proposeront toujours plus : plus de caméras, plus de surveillance, plus de dépenses, sans jamais se questionner sur les problèmes de respect des droits.”
Respect de la vie privée ? Porte ouverte à l’utilisation de la reconnaissance faciale ou l’intelligence artificielle ? Risque de surveillance de masse ? Ces interrogations liées aux libertés publiques ont désormais totalement disparu du débat.
À sa gauche, même le groupe Lyon en commun (LYEC) n’a pas pris la parole à ce sujet au conseil municipal du 12 décembre. Dans un contexte de fortes tensions entre les écologistes et l’aile gauche de leur majorité, LYEC a opté pour une politique du silence dans l’assemblée. Mais en mai 2023, Alexandre Chevalier, coprésident du groupe, prenait fortement position contre la vidéosurveillance et interpellait Grégory Doucet.
« Est-il nécessaire que nous, écologistes de gauche, soyons celles et ceux qui ajoutent encore à l’arsenal répressif un moyen de contrôle des citoyens ?, soutenait-il. Faut-il que vous, cher Grégory Doucet, soyez ce maire écologiste qui aura développé encore le parc de vidéosurveillance dans la digne succession d’un Gérard Collomb ? »
Une augmentation de la vidéosurveillance, sans accélération
Une intervention qui n’aura pas ralenti le maire de Lyon. En 2023, Grégory Doucet annonçait trente caméras nomades supplémentaires à Lyon dans les années à venir. Ça sera donc un peu plus, et celles-ci deviendront fixes.
L’édile s’inscrit dans le même mouvement que d’autres maires écologistes. À Bordeaux, Pierre Hurmic a, lui, carrément fait volte-face. Opposé à la vidéosurveillance en 2020, il a peu à peu revu sa position : le nombre de caméras va augmenter de 58% sur son mandat, pour atteindre 215.
Idem à Grenoble. Bien qu’Éric Piolle, en place depuis 2014, se dit toujours plutôt hostile à la vidéosurveillance en 2024, cela ne l’a pas empêché d’en déployer une cinquantaine de plus dans sa commune en une dizaine d’années.
À Lyon, l’augmentation du parc de caméra reste modérée. Bien plus légère que le double coup d’accélérateur récemment donné par la ville de Villeurbanne, qui veut doubler les appareils de vidéosurveillance sur son territoire, après les avoir déjà doublés en début de mandat. Le maire de Lyon a aussi de la marge avant de contenter la droite, qui demande 1000 caméras à Lyon, avec la ville de Nice, et ses 4000 caméras pour modèle.
Chargement des commentaires…