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« Les gens sont blasés » : une timide manifestation pour la rentrée syndicale

Mardi 1er octobre, une manifestation a réuni des milliers de personnes à Lyon, sous la pluie. Pour cette rentrée syndicale, les mots d’ordre sont inchangés : « pour les salaires, les services publics, l’abrogation de la réforme des retraites ». Une mobilisation calme, parfois teintée de désillusion, malgré un contexte politique tendu.

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Des milliers de personnes ont manifesté à Lyon pour la manifestation de rentrée syndicale, mardi 1er octobre.©MP/Rue89Lyon
Des milliers de personnes ont manifesté à Lyon pour la manifestation de rentrée syndicale, mardi 1er octobre.

« C’est nous les canuts d’aujourd’hui ! », scande un militant CGT dans un interphone, en référence aux révoltes des ouvriers lyonnais de la soie. Voilà des mois que des manifestant·es n’avaient pas battu les pavés à Lyon, sous les bannières syndicales.

Mardi 1er octobre, 6 000 personnes se sont mobilisées, selon les syndicats, malgré la pluie battante, 2 700 selon la préfecture. Pour cette manifestation de rentrée à Lyon, l’intersyndicale était bel et bien au complet, car la section du Rhône de la CFDT a décidé de se joindre au cortège malgré le refus du syndicat au niveau national de participer aux différentes manifestations organisées en France.

Une manifestation éclair : le cortège s’est élancé de la Manufacture des tabacs (Lyon 8e) aux alentours de 12 h 30 et les premiers manifestant·es sont arrivé·es place Bellecour (Lyon 2e) une heure plus tard. Le tout dans le calme et sans affrontements avec les forces de l’ordre. À peine quelques bouteilles en verre jetées en avant du cortège. Un signe qui ne trompe pas : le passage après le pont de la Guillotière, le long du quai du docteur Gailleton (Lyon 2e), habituel lieu de tensions, a été bien vite franchi.

« Salaires, retraites, service public… », les sempiternels dossiers se retrouvent au menu de cette rentrée syndicale, même si le contexte politique est, lui, bien différent.

Un contexte politique inédit et décrié pendant la manifestation à Lyon

Les pancartes, peu nombreuses, en témoignent. « Coup de théâtre politique, c’est l’opéra Barnier », tient fièrement un manifestant. Dans le cortège, flotte encore l’amertume des derniers rebondissements politiques, et du « déni de démocratie » dénoncé par les organisations politiques et syndicales.

Le 7 septembre, 5 000 personnes, selon la préfecture, s’étaient mobilisées contre le « coup de force de Macron ». Le président de la République venait à peine de nommer Michel Barnier (LR) comme Premier ministre. À rebours des résultats des élections législatives du 7 juillet qui plaçaient le Nouveau Front Populaire en tête.

Depuis, Michel Barnier a nommé une équipe autour de lui. Un gouvernement très à droite, « qui tient avec le soutien de l’extrême droite », soupire un militant tenant un drapeau de l’Union étudiante.

Une manifestante abrite une pancarte sous son parapluie. « Barnier-Retailleau = état de non droit ». Une référence aux propos du nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (LR), prononcés quelques jours plus tôt et qui ont été vivement critiqués. « L’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré », avait-il lâché. Une saillie de plus à l’actif de cet homme politique aux positions droitières sur l’immigration, la sécurité et « l’ordre » et qui n’a pas hésité à parler de « français de papier ». Des rhétoriques qui résonnent avec celles du parti d’extrême droite, le Rassemblement national.

Jean-Pierre, retraité 75 ans habitué de toutes les manifestations, de la Palestine aux retraites, soupire : « Ça ne présage rien de bon ce gouvernement ». Celui qui a enchaîné les manifestations depuis sa jeunesse l’assure, jamais il n’avait assisté à un tel contexte politique, « à un président de la République qui s’accroche autant au pouvoir comme ça ».

À Lyon, de la colère dans la manifestation, mais la peur d’une « spirale de désillusion »

La situation suffira-t-elle à mobiliser ? Pour Maud Millier, secrétaire adjointe de la CGT du Rhône, une chose est sûre : les gens sont en colère. « Le corps militant est mobilisé, reste à savoir si ce sera le cas des salariés ou s’ils vont être aspirés dans une spirale de désillusion », expose-t-elle. Elle reste toutefois confiante. « C’est une première journée qui en appelle d’autres », assure-t-elle.

Du côté de l’Union Étudiante, on est plus mitigés. « Pendant les dernières manifestations il y avait du monde », commence Titouan Lucas, co-président de l’antenne locale du syndicat étudiant. À côté de lui un de ses camarades soupire : « On en a marre de s’être donné à fond ». Entendez par là : les multiples mobilisations contre la réforme des retraites, qui avaient réunit des millions de personnes en France, sans faire plier le gouvernement.

L’étudiant fait aussi référence à la mobilisation, notamment des jeunes, pendant les élections législatives de juin et juillet. « À la fin on se retrouve avec un gouvernement à droite toute », conclut-il. « Beaucoup de personnes n’ont aussi plus les moyens de faire grève », regrette Titouan. Plus loin dans le cortège, un des manifestants fait la moue. « Les gens sont blasés », finit-il par lâcher.

Pour les syndicats, « ce n’est que le début » des manifestations à Lyon

Or les enjeux sont grands. Pour « sauver les services publics », « augmenter les salaires et les pensions », faire face aux « conditions d’études qui se dégradent », la question du budget est centrale. Ce 1er octobre, le Premier ministre Michel Barnier a prononcé son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. Il est fortement attendu sur la question du budget, qui doit être voté prochainement.

Pour la secrétaire adjointe de la CGT, pas vraiment de surprise de ce côté-là. « On nous a annoncé un budget d’austérité, mais c’était déjà le cas sous l’ancien premier Ministre », estime-t-elle.

Sur la place Bellecour (Lyon 2e), il pleut toujours quand les manifestant·es arrivent. Réfugié·es sous leur capuche et leur parapluies, certain·es font le bilan. Un cortège parfois éparse, mais du « monde malgré la pluie ». Le camion de la CGT se fraye un chemin et tente l’optimisme : « 6000 personnes, ça peut paraître peu mais ce n’est que le début ». Quelques chants et slogans de fin plus tard, les manifestant·es commencent à se disperser.


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