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Paris 2024, JO d’hiver 2030… Le sport a un coût, et ça ne va pas aller en s’arrangeant

Cette semaine, Radio Anthropocène se met au sport ! Non pas que l’on trouve que la rédaction commence à s’empâter derrière ses micros (quoi que), mais plutôt pour vous parler Olympisme ! Car oui : il reste aujourd’hui un peu plus de 200 jours avant l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 ! Et à peu près autant de problèmes soulevés.

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Radio A - Le coût du sport - 201223
Radio A – Le coût du sport – 201223

Le sport, dans sa version mondialisée, a un coût, un coût social, un coût environnemental et bien sûr un coût économique.

Paris 2024 : des JO qui coutent un pognon de dingue

Citius, Altius, Fortius : « plus vite, plus haut, plus fort ». La devise des Jeux Olympiques, signée Pierre de Coubertin, parle-t-elle encore de pratiques sportives ? Ou bien davantage de cette grande industrie capitaliste, apogée de la mondialisation et de ses logiques marchandes que sont les compétitions sportives internationales ?

Si l’on en croit la présentation, les JO de Paris ne ressembleront en rien aux éditions précédentes. Ils seront « inédits, parce que spectaculaires et durables », et ce, « grâce à la sobriété, l’innovation et l’audace » qui sont au cœur du projet. Pourtant, elle semble bien loin l’époque ou l’olympisme était synonyme de valeurs (pas économique), celle des sports amateurs, du partage et de l’échange entre les nations.

Aujourd’hui ce que l’on s’y partage, ce sont plutôt les profits, pour les grandes compagnies, et les dettes, pour les puissances publiques (nous quoi). Et malgré une stratégie climatique et environnementale ambitieuse, notamment portée par la création d’un « Comité pour la transformation écologique », n’est-ce pas la nature même de ces méga-événements qu’il s’agit de réinventer ?

Sous le soft power, un coût social et environnemental

Mais ces événements sont le terrain de jeu idéal pour le rayonnement politique et économique des pays organisateurs. Bien au-delà du sport, qui ne devient qu’un simple alibi, il s’agit de valoriser son pays sous les yeux du monde entier. On se rappelle ainsi de la Coupe du Monde de football au Brésil de 2014, suivie de très près par les JO de 2016 où l’Etat Brésilien montrait le résultat du processus de « pacification » des favelas.

Ou encore les Jeux Olympiques de Pékin, symbolisant la puissance retrouvée de la Chine sur le plan international. Cependant, n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt, puisque cette arme de soft-power obstrue le coût social et environnemental réel de ces compétitions sportives. L’exemple récent de la Coupe du Monde au Qatar est pour le moins parlant, et inquiétant.

Entre la construction d’équipements sportifs pour une compétition d’un mois, d’infrastructures nécessaires pour accueillir plus d’un million de supporters (hôtels, autoroutes, aéroports), mais aussi tous les déplacements, 3,6 millions de tonnes de CO² ont été émises.  A cela, s’ajoute le coût humain d’un tel événement, puisqu’une enquête du Guardian recense, à minima, 6 500 décès de travailleurs étrangers au Qatar entre 2010 et 2020.

Aménager l’espace, le temps et les gens, quoi qu’il en coute

Au Qatar pour la coupe du monde de Football en 2022, lors des Jeux Olympiques de Rio (2016), de Londres (2012) ou même de Tokyo (bien qu’ils aient eu lieu en pleine pandémie de Covid-19, sans spectateurs), l’organisation de tels évènements implique une planification spatiale intense et démesurée.

L’exemple de la Seine-Saint-Denis est criant, le processus de transformation urbaine s’est accéléré à l’annonce des Jeux olympiques, et ce malgré l’opposition d’habitants et collectifs face à ces projets d’aménagements. Mais l’ampleur de ces événements est telle qu’elle nécessite aussi une planification temporelle, interrogeant les transports et la saturation des infrastructures parisiennes.

Le préfet de la région Ile-de-France, Marc Guillaume, dévoile qu’« à certains endroits, le plan de transport ne permet d’acheminer les spectateurs que si tous les autres voyageurs étaient dissuadés ou presque » . Sacré programme pour les franciliens ! On leur conseille de poser leurs congés durant cette période.

Enfin pas tous, les forces de l’ordre et les salariés de la RATP, eux, devront mettre les bouchés doubles. Si l’usage de l’urbanisme temporel – il s’agit non plus d’aménager l’espace mais bien d’aménager le temps, thématique que nous avions abordée la saison précédente avec Luc Gwiazdzinski (géographe) – semble être un outil efficace pour répondre aux problématiques urbaines, ne devrait-il pas l’être davantage dans un objectif de redirection écologique de nos territoires et modes de vie ?

Le temps c’est de l’argent

Car le temps c’est ce qui semble manquer aux Jeux olympiques d’hiver 2030 prévus en France. Enfin… C’est plutôt l’inverse, du temps ils en ont trop. 6 ans. 6 ans durant lesquels le réchauffement climatique et ses conséquences vont continuer de s’amplifier. Déjà depuis plusieurs années, et encore plus en 2023, l’organisation des compétitions de ski internationales devient un casse-tête.

Un jour il neige trop, le lendemain il pleut à des altitudes où, il y a peu, on trouvait encore de la neige en plein été. Et à ce petit jeu, nous ne pouvons pas gagner contre la montagne, et le climat. Et le renfort d’outils et d’inventions techniques, à grand frais (du contribuable souvent), n’y pourra rien. Les bulldozers grignotant le glacier de Zermatt (Suisse) en octobre n’ont eu pour seul effet que de réduire son espérance de vie. La course, elle : annulée.

Comme la majorité de celles prévues depuis le début de la saison. La neige artificielle – devenue l’alpha et l’oméga des grands bâtisseurs (destructeurs ?) des montagnes, et qui nécessite de construire partout où on le peut des grandes retenues d’eau – ne résiste pas davantage aux pluies devenues courantes en altitude même en pleine hiver. Pourtant, on continue de construire. Des hôtels, des résidences, et même des pistes, rien ne semble pouvoir arrêter la course frénétique financière de la montagne. Courir toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus fort.

Après tant d’aménagements, ne serait-ce pas vers un ménagement de nos territoires qu’il faudrait tendre ? Être en relation avec nos espaces de vie plutôt que de s’en saisir comme les ressources d’événements (in)considérables. Est-ce possible d’écologiser les manières de faire et de penser les événements sportifs ? La réponse mercredi 20 décembre prochain sur Radio Anthropocène.


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