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Contre l’inflation, une tarification sociale alimentaire testée à Lyon

Depuis novembre 2022, l’association Vrac expérimente une tarification sociale dans son épicerie de Lyon 8e. Face à l’inflation, elle permet aux plus précaires d’accéder à une alimentation et des produits d’hygiène de qualité, sans recourir à l’aide alimentaire. L’association va étendre ce tarif dans 16 autres quartiers populaires et universités de la métropole.

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L'annonce par l'association Vrac du lancement d'une tarification social alimentaire contre l'inflation dans la métropole de Lyon. ©MA/Rue89Lyon
L’annonce par l’association Vrac du lancement d’une tarification social alimentaire dans la métropole de Lyon.

Moins de 50 centimes le kilo de farine biologique, 1,20 €/kg de pâtes bio, 58 centimes le litre de lait, 17 centimes l’œuf de Chaponnay…. Voilà un aperçu des prix payés par les bénéficiaires du tarif solidaire de l’association Vrac (Vers un réseau d’achat en commun), dans le quartier de la plaine Santy (Lyon 8e). Difficile de croire que ces produits sont biologiques, tant les prix pratiqués par diverses enseignes « bio » en sont bien loin. Selon l’association, ce tarif social réduit de 50% le montant du produit, comparé à son prix d’achat.

Aifa Hafiza est bénéficiaire de ce tarif social, le « point vert », comme elle l’appelle. Au RSA, avec son mari en interim et ses trois garçons à charge, la famille peinait à boucler les fins de mois. Jusqu’à l’ouverture de la Maison engagée solidaire de l’alimentation (Mesa), il y a un an, elle ne faisait ses courses qu’à Lidl ou Aldi. Maintenant, elle n’a qu’à se rendre en face de son immeuble, et pousser la porte vitrée de cette ancienne pharmacie.

« C’est compliqué de pouvoir bien manger » : l’inflation pèse dans les portefeuilles à Lyon 8e

« Avant, si j’entrais dans un magasin bio, je ressortais tout de suite. Une bouteille de jus de fruit, là-bas, ça coûte 3 euros. C’est trop cher. Ici, c’est 1,40 euros. Je peux en prendre plusieurs. »

La mère de famille connaît presque par cœur les prix et le fonctionnement de la Mesa. Et pour cause : elle a participé au groupe d’habitant·es qui ont pensé le lieu avec l’association Vrac. « C’est comme ma deuxième maison », sourit-elle. Dans ce lieu majoritairement fréquenté par des femmes, on peut venir faire ses courses, mais aussi prendre un repas, ou participer à un atelier de cuisine « anti-gaspi ».

« Ici, j’ai appris à ne plus jeter des fromages ou des légumes qui vont bientôt se périmer. Ça m’a aidé à économiser », explique Nadège Maxi. Cette mère de famille bénéficie aussi du tarif social, car en arrêt maladie. « Avec moins de revenus, et quatre enfants à charge, c’est compliqué de pouvoir bien manger. Ici, c’est vraiment moins cher », détaille-t-elle. Aujourd’hui, Nadège Maxi fait une partie de ses courses à la Mesa, mais s’y rend aussi pour l’ambiance « chaleureuse ».

Une partie de ses courses seulement, car, pour l’heure, l’offre reste limitée. Environ 70 aliments ou produits d’hygiène différents sont proposés à la vente. Aifa Hafiza aimerait voir arriver sur les étals « des biscottes, des céréales, du pain de mie ». Des propositions qu’elle pourra faire lors d’une prochaine réunion de l’association avec les habitant·es. Il faudra ensuite trouver le producteur bio, ou local, pour les fournir.

Nadège Maxi et Aifa Hafiza devant les étals de la Maison engagée solidaire de l'alimentation. ©MA/Rue89Lyon
Nadège Maxi et Aifa Hafiza devant les étals de la Maison engagée solidaire de l’alimentation.Photo : MA/Rue89Lyon

La tarification sociale étendue à la métropole de Lyon pour retrouver sa « dignité »

Vendredi 24 novembre, ces deux femmes et d’autres habitantes ont accueilli tout un parterre de politiques à la Mesa. La préfète du Rhône, Fabienne Buccio, s’y est rendu, tout comme le maire du 8e Olivier Berzane (EELV), l’adjointe du maire de Lyon aux solidarités Sandrine Runel (PS), et le vice-président de la Métropole de Lyon à l’alimentation, Jérémy Camus (EELV).

Un grand raout organisé par l’association Vrac pour annoncer l’extension de cette tarification social à tous leurs groupements points d’achat de la métropole. 14 d’entre eux sont situés en Quartier prioritaire de la ville (QPV) et deux sur des campus universitaires. À la Mesa, sur les 810 adhérents de l’épicerie, ils sont 35% à bénéficier de ce tarif solidaire, après avoir été redirigés par un·e assistant·e social·e (un passage obligatoire). L’association a un objectif plutôt modeste pour la prochaine année : elle espère atteindre 600 adhérents « sociaux » supplémentaires sur la métropole de Lyon.

« On veut toucher les gens qui ont les revenus minimum ou des petits salaires », détaille Loïc Rigaud, directeur de Vrac à Lyon. « Ils ont un peu d’argent à accorder à l’achat de produits alimentaires et d’hygiène, mais ne le peuvent plus aujourd’hui à cause de l’inflation. Ils se retrouvent à l’aide alimentaire », déplore l’associatif. « C’est inadmissible de nourrir neuf millions de personnes en France avec les restes de la grande distribution », soutient Loïc Rigaud.

Un premier pas avant une sécurité sociale de l’alimentation ?

Il souhaite voir émerger un modèle alternatif, où la tarification sociale permet à ces personnes de faire leurs courses, et retrouver leur « dignité », tout en achetant des produits bio ou locaux auprès de paysans.

Pour ça, l’association s’appuie essentiellement sur des subventions de l’État. Grâce à celles-ci, elles peuvent acheter des produits et les revendre à prix coûtant, ou à la tarification sociale, sans avoir besoin de faire de marge. En 2023, l’association a été retenue par le fonds pour une alimentation durable, lancé par la Première ministre Élisabeth Borne. À Lyon, elle bénéficie de 160 000 euros par an sur trois ans pour faire fonctionner cette tarification sociale. Un premier pas, qui ne résoudra cependant pas la crise sociale qui touche les plus précaires des Grand·es lyonnais·es.

L’association a un autre objectif en tête : l’expérimentation d’une sécurité sociale de l’alimentation, où un budget mensuel serait alloué à des habitant·es pour se nourrir. Si les contours du projet sont encore flous, il doit être élaboré en 2024 avec des habitants, et soutenu financièrement par la Métropole de Lyon.


#Agriculture

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