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« Innovation technologique ou sociale : un choix à 600 millions d’euros pour nos déchets »

La réduction des déchets et le devenir des incinérateurs font partie des enjeux majeurs de cette première élection métropolitaine. Nous vous l’expliquions ici, là ou encore là. Dans cette tribune publiée sur Rue89Lyon, l’association Zéro Déchet Lyon interpelle les futur.e.s candidat.e.s et présente ses propositions.

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Après le déchargement dans la fosse de l'incinérateur par les camions de collecte, le grapin introduit les déchets dans le four. ©Zéro Waste France

Nos futur.e.s élu.e.s de la Métropole de Lyon auront très prochainement un choix à faire concernant la gestion des déchets : dépenser 600 millions d’euros pour renouveler nos deux incinérateurs en fin de vie, équipements technologiques complexes qui ont « besoin » de déchets pour fonctionner ; ou bien miser sur l’innovation sociale, la prévention et le recyclage qui ont déjà prouvé leur capacité à créer des emplois non délocalisables, à diminuer les pollutions et à maîtriser les coûts de gestion des déchets qui ont déjà été multipliés par 4 en 30 ans (page 80 du rapport de l’ADEME sur les chiffres-clés des déchets).

Face à ce choix de société, l’association Zéro Déchet Lyon qui œuvre pour la réduction des déchets fait aujourd’hui entendre sa voix, son expertise mais aussi son impatience. Nous nous préparons depuis 2018. Nous avons mené de manière indépendante des études sur la gestion des déchets de la Métropole de Lyon et notre conclusion est claire, étayée et pragmatique : réduire de 50% le poids de notre « bac gris » voué à l’incinération est non seulement possible, mais financièrement, socialement et écologiquement bénéfique.

L’incinération comme énergie renouvelable : un point de vue dépassé

Depuis 1930, l’incinération nous permet de limiter la mise en décharge et de produire de l’énergie principalement sous forme de chaleur. Celle-ci est qualifiée d’Energie Renouvelable et de Récupération (ER&R) et chauffe actuellement environ 3% des foyers de la Métropole via deux réseaux de chaleur. Ce statut d’ER&R permet d’accéder à des baisses de taxes (TVA et taxe générale sur les activités polluantes) et de bénéficier de diverses aides, ce qui rend cette énergie très compétitive. Tout va bien dans le meilleur des mondes ?

NON, car cette énergie n’est pas « verte » ! Pour produire la même quantité d’énergie, les déchets produisent 28 fois plus de CO2 que le bois. Nos deux incinérateurs représentent ainsi une part non négligeable des émissions des habitant.e.s de la Métropole de Lyon, 5 % en pratique, c’est à dire autant que les voyages en avion.

De plus, ces émissions n’étant pas comptabilisées dans la production d’énergie mais dans le traitement des déchets, elles donnent l’illusion d’une énergie décarbonnée. L’état d’esprit sous-jacent est que les déchets sont inévitables et que donc l’énergie récupérée ne coûte rien environnementalement puisqu’il faudra forcément les traiter. Mais tout change si on considère que l’on peut les réduire !

Arrêtons le gâchis !

Car que brûle-t-on ? Du verre, du métal, du papier, du carton et du plastique ! 44% du bacs gris, soit 98 kg/an/hab., pourraient être recyclés et encore mieux évités par des changements de consommation simples. Qu’en est-il des extensions des consignes de tri effectives depuis le 1er janvier 2020 ? Sans la tarification incitative (voir plus bas), l’effet est marginal sur le bac gris (page 4 du rapport 2017 de Citeo).

Et aussi beaucoup d’eau, qui diminue la chaleur récupérable: en effet les déchets organiques, composés essentiellement d’eau pèsent pour 22% dans les déchets incinérés. Une grande part est pourtant valorisable par compostage pour un retour à la terre et pourrait répondre aux demandes des agriculteurs.rices de la périphérie lyonnaise.

Que contient le bac gris des déchets des habitants de la Métropole de Lyon en 2019 ? Infographie Zéro Déchet Lyon
Que contient le bac gris des habitants de la Métropole de Lyon en 2019 ? Infographie Zéro Déchet Lyon

Une autre vision des déchets, une autre voie

Nombreux.ses sont ceux et celles qui diront que les déchets sont une externalité inévitable de nos modes de vie. Comment changer nos habitudes de consommer puis de jeter, geste magique qui permet de faire disparaître l’objet dont on ne sait plus que faire ? Déjà plus de 400 villes européennes ont déjà prouvé qu’une autre voie est possible.

Parme, 220 000 habitant.e.s, a divisé par 2 le contenu de son bac gris en 4 ans pour atteindre 100 kg/hab./an contre 226 kg/hab./an pour la Métropole de Lyon. La province de Trévise, 500 000 habitant.e.s a atteint un bac gris à 50 kg/hab./an. Milan avec ses 2 millions d’habitant.e.s a organisé une collecte séparée des biodéchets. Le Grand Besançon, 220 000 habitant.e.s, a diminué son bac gris à 150kg/hab./an en partant du constat qu’il est plus rentable de faire de la prévention des déchets plutôt que de rénover son incinérateur en fin de vie.

Des solutions concrètes et éprouvées

La démarche ? Elle est toujours la même : mettre en place une tarification incitative, valoriser les biodéchets, favoriser la vente en vrac et augmenter le budget de prévention et de sensibilisation à 5% du budget total. C’est aussi considérer la réduction et la prévention comme un outil de gestion, sinon le principal.

Nous ne sommes plus dans une phase de recherche et de tâtonnement pour diminuer les déchets résiduels mais bien à une phase de maturité des solutions ; nous avons désormais la chance de pouvoir nous appuyer sur des retours d’expérience éprouvés.

Nos propositions pour une réduction des déchets sur la Métropole de Lyon

1. Mettre en place une pluralité de solutions de gestion des biodéchets adaptées aux différents types d’habitats de la Métropole (dense, pavillonnaire…) ; le compostage de qualité agronomique et de proximité doit être privilégié.

2. Mettre en place une tarification incitative : d’abord la redevance spéciale, pour estimer la part professionnelle et clarifier ce que les entreprises produisent; puis progressivement la TEOMi (Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères incitative) avec une part fixe et une part variable pour une plus grande justice sociale. Le paiement à la levée sera a priori l’option la moins coûteuse à privilégier.

3. Allouer 5% du budget de gestion des déchets à la prévention : formation du personnel administratif et des élu.e.s, campagnes de communication régulières, formation à la démarche Zéro Déchet, concours et animations… Montrer les déchets plutôt que de les cacher !

4. Fusionner les services Gestion et Prévention de la Métropole : la prévention doit devenir un outil de gestion.

5. Avoir une Métropole exemplaire: bannir le plastique à usage unique, systématiser l’éco-conception pour toutes les commandes publiques : cantines, fournitures matérielles, événementiel, construction, informatique…

6. Systématiser l’accès à la réparabilité  sur l’ensemble du territoire métropolitain : formation des référents dans les structures de proximité tels que les MJC, Centres Sociaux, Maisons de la Métropole, Etablissements scolaires… et déployer les points de collecte type déchèteries inversées ou donneries.

7. Encourager et faciliter l’ouverture de commerces « vrac » et de circuits courts sur l’ensemble du territoire : accompagnement sur la recherche de local et de prêt bancaire notamment.

8. Prioriser la rénovation thermique des logements directement fournis en chaleur par les incinérateurs pour compenser la diminution de déchets incinérés et préserver une énergie à bas coût.

9. Mettre en place un plan de lutte contre le plastique à usage unique : fontaines publiques démultipliées, retour de la consigne du verre et des contenants réutilisables pour la vente à emporter, lancement de « quartiers Zéro Déchet »

10. Promouvoir les textiles sanitaires réutilisables : déployer la formation sur les textiles sanitaires réutilisables dans les établissements de petite enfance et diffuser les informations sur les alternatives aux protections périodiques (médecins, centres médicaux, planning familiaux, établissements scolaires, foyers d’accueil etc).

Après le déchargement dans la fosse de l'incinérateur par les camions de collecte, le grapin introduit les déchets dans le four. ©Zéro Waste France
Après le déchargement dans la fosse de l’incinérateur par les camions de collecte, le grapin introduit les déchets dans le four. Plus de 400 000 tonnes de déchets sont incinérés chaque année à Lyon qui contiennent pourtant 66% de matière valorisable. ©Zéro Waste France

La fin de vie des incinérateurs en 2028 est une opportunité historique d’avancer vers une autre société.

L’exécution d’une telle politique reste délicate pour une Métropole de 1,4 millions d’habitant.e.s traversée par de multiples contrastes et qui porte une tradition d’incinération et des réseaux de chaleur. Mais que manque-t-il pour réussir cette évolution nécessaire ? Les compétences techniques dans notre Métropole ? Nous ne le pensons pas, au contraire. C’est le manque de volonté politique que nous déplorons.

Réduire l'incinération des déchets à Lyon de 50% : scénario et infographie Zéro Déchet Lyon
Réduire l’incinération à Lyon de 50% : scénario et infographie Zéro Déchet Lyon

On peut faire le choix de reconduire les capacités d’incinérateurs à l’identique, comme c’est le cas pour le moment (page 43 du Plan Climat Aire Energie Territorial 2020-2030), et ainsi croire que la technologie est l’unique solution : ce serait un leurre. Ce choix bloquerait pour 40 ans encore les initiatives de réduction et de prévention des habitant.e.s de la Métropole de Lyon.

L’alternative existe : la réduction massive des déchets ! Aussi nous demandons qu’en 2021, les élu.e.s à la Métropole décident de réduire par 2 les capacités d’incinération pour 2028. C’est plus économique pour la collectivité, possible techniquement et cela nous engage vers plus de résilience : les citoyens.nes y sont prêt.e.s, nous en avons la conviction.

Aux candidat.e.s à la Métropole ce samedi 18 janvier, lors du débat que nous organisons, nous montrerons que réduire nos déchets de 50%, c’est la création de 4600 emplois non délocalisables, c’est 300 millions d’euros en moins d’investissement pour les incinérateurs, et c’est aussi évidemment une diminution notable des émissions de gaz à effet de serre directs et indirects.

 


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