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Chez les Maristes, un livre aux passages homophobes utilisé en cours de religion

Utilisé comme support de cours de religion pour les classes de terminale de l’établissement catholique Sainte-Marie, le livre contient des passages homophobes. Plus connu à Lyon sous le nom des Maristes, ce lycée est sous contrat avec l’Education nationale.

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Le livre aux passages homophobe qui est utilisé en cours de religion chez les maristes.

« Le sens des gestes homosexuels est trouble et stérile ». Cette phrase vient d’un ouvrage, « Raisons de croire, petite théologie par les textes » utilisé en cours de religion au lycée Sainte-Marie (Lyon 5ème), planté dans les pentes de Fourvière.

C’est à la page 196, dans un chapitre consacré au « Sens de l’amitié » et à « la question homosexuelle » que se trouve cette phrase, dans un encadré qui détaille également les « réalités complexes » de l’homosexualité :

« Xavier Lacroix propose de distinguer quatre registres :

  1. L’homo-socialité : le besoin de se retrouver entre personnes de même sexe (pour une activité, un sport…);
  2. L’homo-affectivité : le fait de rechercher des relations fortes d’amitié entre personnes de même sexe;
  3. L’homo-sensualité : le besoin de contact physique (un fils cherche le contact avec son père, entre femmes…);
  4. L’homo-érotisme : le fait de rechercher des relations qui engagent le sexuel avec des personnes de même sexe.

Les trois premiers registres ne posent pas de problèmes éthiques. Seul l’homo-érotisme est problématique, favorisant le narcissisme. Si le sens des gestes hétérosexuels (coït) est clair (accueil, don, alliance, fécondité), le sens des gestes homosexuels (sodomie, fellation, cunnilingus) est trouble et stérile. Ce sont des gestes de substitution qui confondent l’oralité, l’analité et la génitalité. Ils sont confus, « intrinsèquement désordonnés. » »

C’est le compte Twitter très suivi dans la défense des causes LGBT+ @ParisPasRose, alias Claire Underwood, qui en a parlé le 10 octobre. Le tweet est accompagné du témoignage d’un parent d’élève et de photographies du livre.

Chez les Maristes, le livre d’un cours obligatoire

Quelques lignes sur lesquelles de nombreux élèves ont pu tomber au fil des ans. Publié en 2006, ce livre est utilisé comme support du cours d’enseignement religieux chez les Maristes, au moins depuis 2014. Dans toutes les classes de terminale, soit dix classes d’une trentaine de lycéens. L’un de ces élèves de terminale (il a souhaité rester anonyme) le confirme :

« Nous étudions des extraits de ce livre en cours de religion. C’est un cours obligatoire à partir de la sixième. C’est pas très intéressant mais bon, on est chez les Maristes. »

Interrogés, deux élèves d’une ancienne promotion (ils ont eu leur bac en 2015) s’en rappellent également. L’un d’eux raconte :

« C’est un livre qui était obligatoire, un peu comme un manuel de maths. »

L’autre, scolarisé dans l’établissement depuis la toute petite enfance jusqu’à son bac, regrette :

« J’aurais aimé savoir à l’époque que ce n’était pas normal d’avoir un manuel comme ça. Nous sommes beaucoup à avoir passé tellement de temps chez les maristes que nous n’avons rien connu d’autre. »

Le site internet de l'établissement mentionne la collection dont fait partie l'ouvrage problématique.
Le site internet de l’établissement mentionne la collection dont fait partie l’ouvrage problématique.

Le site de l’établissement s’attarde sur la collection dont fait partie de l’ouvrage, Les Chemins de la Foi. Ce sont des professeurs de l’établissement qui l’ont créée. Elle a pour but que l’enseignement de la religion soit « considéré à la même hauteur que les disciplines profanes » selon le site internet.

Xavier Dufour, l’un des auteurs du livre et directeur de l’édition du livre est également professeur dans l’établissement. Il enseigne les mathématiques, la philosophie ainsi que la religion à des élèves de première et de terminale.

Une réécriture envisagée de ce passage homophobe

Contactée, la direction des Maristes renvoie vers un chargé de communication. Celui-ci tient à rappeler qu’il n’ y a pas « d’homophobie prêchée par Sainte Marie » et qu’aucun « acte homophobe dans l’école n’a été rapporté à la direction de l’établissement ». Et il ajoute que la direction a pris en compte les critiques à l’encontre du livre :

« L’école s’est penchée sur l’encadré, et a convenu qu’il était mal rédigé, qu’il y avait des raccourcis malencontreux, qui peuvent blesser des personnes. Ce n’était pas leur intention, ils ont compris qu’ils avaient mal exprimé leur position. Ils ont décidé de le réécrire. Il faut comprendre la position de l’Eglise : elle ne condamne pas les personnes homosexuelles mais les actes homosexuels, qui sont pour elle contraires à la nature. »

« Pas de signalement auprès du rectorat »

Sainte-Marie est bien une école religieuse, mais sous contrat avec l’Etat, un statut qui l’oblige à respecter certaines obligations. Le chargé de communication se défend de tout manquement à celles-ci :

« L’établissement est inspecté régulièrement. On est dans une école religieuse, qui enseigne le dogme de l’Eglise catholique. Il n’y a eu aucune plainte. »

Joint par Néon, qui a réalisé un article sur ce sujet, le ministère de l’Education nationale a confirmé qu’il n’y avait « pas de signalement fait auprès du rectorat ou de plainte enregistrée au niveau du parquet de Lyon ». Il considère également que « le cours de religion dans lequel a été utilisé le livre dénoncé ne fait pas partie des « enseignements obligatoires », mais relève de la « vie scolaire » et ne dépend pas du contrat signé avec les établissements privés ». Pourtant, comme l’expose le site de l’établissement et comme le racontent les élèves interrogés, ce cours est bien présenté comme obligatoire, avec une heure par semaine pour tous les niveaux, assurée par un des professeurs de la classe.

« Quelle aide apportez-vous aux personnes homosexuelles ? »

En dehors de l’encadré relevé par @ParisPasRose, les pages suivantes proposent une interview d’un « prêtre et théologien dominicain », le père Jean-Miguel Guarrigues. A la question « Quelle aide apportez-vous aux personnes homosexuelles ? », il répond :

« Dans la pratique, il faut aider les homosexuels à vivre au mieux leur vie affective, hors du schéma familial, puisque celui-ci ne leur est pas accessible. »

Il raconte alors l’histoire de deux hommes homosexuels de sa connaissance. Après avoir commencé à faire chambre à part et décidé d’être chastes dans leur relation, ils ont découvert « un amour d’amitié qui respecte l’autre tout en étant chargé d’affection, mais sans singer la relation conjugale ». L’établissement n’envisage pas de réécriture pour ces pages, selon chargé de communication des Maristes :

« C’est la position de l’Eglise Catholique. Et je ne vois pas pourquoi on la supprimerait, c’est une vraie histoire ».

En matière de discours sur l’homosexualité, il n’y a pas que ce livre qui pose problème, chez les Maristes. En 2014, les élèves ont pu participer à une « Journée du témoignage chrétien ». Au cours de celle-ci un homme a témoigné de la guérison de son homosexualité par la prière. L’établissement l’a rappelé à l’ordre, assure le chargé de communication :

« L’école a pris cette personne à part et lui a dit qu’on ne pouvait pas parler de l’homosexualité comme d’une maladie, que ce n’était pas en accord avec la vision de l’établissement. Un rappel a aussi été fait aux élèves suite à la rencontre. »


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