
Branlebas de combat la semaine dernière après la publication par le Petit Bulletin d’une chronique salée sur un tout nouveau bar à cocktails (plutôt au rhum) ouvert dans le 6e arrondissement de Lyon. Les jeunes patrons de l’établissement lâchent des propos hasardeux sur la période de la colonisation, « cool » et « accueillante », que la journaliste retranscrit en s’étranglant.
Les deux jeunes patrons ont tenté de s’expliquer, via un droit de réponse premièrement, puis au micro de différents journalistes locaux : ils n’ont pas mesuré leurs propos et avouent un manque de connaissance historique. Ils passent pour deux écervelés et sont aussi présentés comme les victimes d’une vindicte populaire passant par les internets.
L’hebdo le Petit Bulletin, dans lequel a été publiée la chronique de tous les dangers, a écrit qu’en rien ces deux-là n’étaient racistes. L’auteure de l’article, quant à elle, a condamné les menaces de violence faites à l’encontre du bar. Pour autant, ceux-là sont la cible de militants anti-racistes et une pétition du collectif Dé-Racinées notamment recueille un grand nombre de signatures, qui gonflent encore l’agacement du web envers le bar la Première Plantation.
Pendant ce temps, la journaliste se voit d’une part félicitée, aussi bien par des confrères que par des lecteurs, satisfaits de voir qu’une chronique de lieux peut être honnête et, tout simplement, non publicitaire. Mais, d’autre part, elle devient la cible d’une foule au moins aussi dense que celle qui critique la Première Plantation, l’accusant d’en vouloir personnellement au lieu, ou de ne pas parler de ce qui compte vraiment, c’est à dire la qualité des cocktails… Pour les moins féroces.
« Qui connaît cette journaliste ? Nous sommes à la recherche de son adresse exacte »
D’autres, allumés pour leur part, se saisissent de ce buzz-web et publient sur un obscur site, « democratieparticipative.biz » (dont la punchline est « le site le plus raciste de la fachosphère), les termes cités plus haut, dans des billets qui sont donc à la fois haineux, injurieux, menaçants.
Des photos personnelles de la journaliste sont utilisées pour illustrer leur prose. Des appels à la violence sont lancés à l’encontre de la rédactrice : sa boîte mail personnelle a été inondée, au point que la rédactrice l’a définitivement fermée (un extrait ci-après des messages reçus).
Les intimidations sont de cet ordre (de façon idiote, l’auteur du message confond le tchat et les commentaires du site raciste avec la boîte mail de la journaliste) :
« Qui connaît cette journaliste ? Nous sommes à la recherche de son adresse exacte. »
Les adresses IP sont multiples. Une plainte pour injure publique et diffamation a été déposée dès ce week-end.
Le site raciste tombe en désuétude puis réapparaît, avec ses billets aberrants. À chacune de leur republication, ils suscitent toujours plus de commentaires haineux.
D’après les premières recherches, il apparaît que le site est hébergé aux Etats-Unis. Il a une apparence graphique très basique, la plupart des rubriques (vidéos par exemples) ne fonctionnent pas.
« Une soirée dédiée aux drames de la colonisation »
La journaliste et l’hebdomadaire pour lequel elle travaille en tant que free lance ont pris une vague à laquelle ils ne s’attendaient pas. Nombreux sont les messages de soutien.
— Pierre Scheurette (@PierreScheu) September 16, 2017
Et pour ce qui est du bar la Première Plantation ? Le soir qui a suivi la publication de la chronique, leur établissement aurait affiché complet, de « clients soutiens ». Depuis, ils ont parlé à France3Région de jets de pierre reçus sur leur vitrine.
Finalement, les deux entrepreneurs ont déclaré qu’ils comptaient changer le nom de leur établissement pour arriver vers quelque chose qui mette en valeur les origines du rhum et des cocktails. Ils compteraient également organiser « une soirée caritative dédiée aux drames de la colonisation ».

À Rue89Lyon, on croit en un journalisme qui déniche l’info, qui fouille là où ça dérange, qui demande des comptes, qui parfois égratigne celles et ceux qui nous gouvernent, et surtout qui n’attend pas le sujet mais va le chercher.
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Les pauvres nous sommes tous esclave de ce système à un tel point que nous cherchons à valoriser l'abjecte.
Qu'ils sache que tous les peuples ont été esclave, nous sommes tous des enfants d'esclave ,je pense réellement que le rhum et d'autres substances ont détruient l'essentiel des neurones et synapse en bon fonctionnement qui leur restaient ,alors bon entendeur salut.
Le dialogue et l'empathie seront toujours plus forts.
S'ensuit une pétition appelant à la "fermeture de la Première Plantation" signée par des personnes venues de nulle part : depuis quand une quelconque autorité judiciaire ou administrative a-t-elle le pouvoir de s'en prendre à l'investissement de deux entrepreneurs qui ont simplement fait preuve a maxima de mauvais goût ?
Et enfin, la journaliste se fait menacer et doit désormais se protéger et vivre en insécurité. Tout comme les patrons de la Première Plantation.
Et tout ça, à cause de quoi ? Du manque de clairvoyance et de courage de Madame Hainaut d'aller chercher, en privé, par exemple, des représentants d'associations de défense des descendants d'esclaves dont le dialogue aurait permis le même résultat : changement du nom et surtout éclaicissement de deux personnes manifestement pas très au fait des drames liés à la colonisation.
Au lieu de cela, elle les a traités comme deux vulgaires boneheads obtus et bornés et les a descendus en flèche publiquement. Qu'elle s'estime déjà heureuse de ne pas être attaquée en difammation tout comme le Directeur de sa publication, que je connais et apprécie mais pas comme journal à contenu politisé.
Cette affaire ne fait que rappeler un triste fait : en France, dans les années 2017 et suivantes, apparaître sur le radar de groupes d'individus à la bêtise crasse se solde par une traque virtuelle qui peut aboutir à des conséquences physiques bien réelles.
Le politiquement correct et la bien-pensance savent désormais se retourner contre leurs hérauts en raison d'un espace de liberté d'expression anarchique et anonyme que sont les réseaux sociaux, en réaction au muselage des années précédentes de tout ce qui est susceptible de choquer.
Encore combien de temps allons-nous nier ce fait et continuer à apporter notre soutien à des victimes qui sont, dans les faits, leur propre bourreau ?
De plus, pourquoi serait-elle attaquée en diffamation puisque tout ce qu'elle écrit a été enregistré, et que les proprios ont reconnus avoir prononcé ces phrases malheureuses ?
Enfin dans votre commentaire j'y vois beaucoup de lâcheté "apparaître sur le radar de groupes d'individus à la bêtise crasse se solde par une traque virtuelle qui peut aboutir à des conséquences physiques bien réelles."
Je pense au contraire qu'il manque beaucoup de personne pour dénoncer la bêtise.
Les victimes sont leurs bourreaux? Voici bien une tournure digne des pires beaufs prêt à justifier le harcèlement et les menaces de mort envers les journalistes, mais dans d'autres contexte tout aussi douteux on retrouve le même genre de commentaires à vomir.
Après tout, chaque historien admet sans peine que la colonisation romaine fut un net progrès, et qu’elle améliora le quotidien des peuples barbares qui peuplaient la Gaule. Cette terre a d’ailleurs été nommée par les conquérants, qui lui ont tout apporté et ont qui en étaient les légitimes propriétaires.
Le mot « Africa » est lui-même une invention romaine, et, de la même manière que les romains apportèrent aqueducs, villas, ordre et civilisations aux peuples conquis. Nous, les blancs, avons apporté la science, la médecine et la civilisation (au point que la population africaine s’est multipliée par 10 depuis le début du XXe siècle) et nous serions tout aussi légitimes que les romains pour nous approprier ces territoires auxquels nous avons tout apporté.
Soutien à ces deux commerçants qui ne devraient pas avoir à justifier des choix esthétiques concernant des affaires strictement privées.
Paul est-il simplement un ignorant un peu simplet (qui cache mal le vide de "ses connaissances historiques" derrière des propos vaguement savants) ou un ardent défenseur de l'Occident chrétien qui répète bêtement ce qu'aucun individu sérieux (je n'ose pas dire historien) n'ose plus dire depuis ... au moins Lavisse (sauf peut-être Stéphane Bern et Lorant Deutch) ?
La question se pose.
Mais pour ce qui est de son racisme nauséabond, pas de doute ("l'hystérie haineuse de cette trouble-fête, qui par sensibilité au charme créole et par amour du teint charbon"). La bêtise n'excuse rien, et Rue 89 gagnerait à ne pas laisser la parole à de tels abrutis sans réaction !
Pour avoir vécu dans plusieurs autres villes françaises ou non, de taille comparable à Lyon, je trouve malheureusement que les fachos semblent être (et évidemment trop) nombreux. Ils sont à minima très actifs et visibles, ce qui est déjà un sérieux problème, notamment dans le vieux Lyon. Il ne faut pas se voiler la face...
https://antoniodevereda.wordpress.com/