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La « clause de langue française » de Laurent Wauquiez dézinguée par le préfet

Une leçon juridique et un soufflet pour Laurent Wauquiez. Le préfet Michel Delpuech vient de quitter Lyon mais, avant son départ, il a tenu à laisser au président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes un petit cadeau sur la table.

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Laurent Wauquiez

Il s’agit d’un courrier dans lequel il lui demande de revoir sa clause de langue française dite « Molière », celle qui oblige les travailleurs sur les chantiers BTP (commandés par la collectivité) à parler le Français ou à se le faire traduire par un professionnel. 

En faisant voter la clause Molière lors de la dernière assemblée plénière, Laurent Wauquiez avait dans l’idée de créer, pour l’obtention d’un marché public de la Région, des conditions telles que les entreprises candidates ne pourraient en aucun cas être celles ayant recours aux travailleurs étrangers -dits détachés.

Or, le travail détaché, s’il est décrié par les politiques de tout bord, n’est pas illégal et il n’est donc pas possible d’interdire l’accès à un marché public à une société qui le pratique.

 

Saisi par Jean-François Debat, président du groupe d’opposition « socialiste et apparentés », le préfet Michel Delpuech a passé au scanner la délibération sur le travail détaché, votée en assemblée plénière et qui contient donc la clause Molière. Il a en effet la charge du contrôle de légalité des actes pris par les collectivités.

Dans un courrier que Rue89Lyon a pu consulter, Michel Delpuech descend la délibération, et la clause Molière en particulier. Il juge :

« Cette clause, susceptible de créer une discrimination fondée sur la nationalité des entreprises candidates, est contraire aux principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats. »

L’argument de la « sécurité » des ouvriers (qui seraient donc mieux protégés sur les chantiers en parlant la langue »), n’est nullement valable selon le préfet.

Pas de super-pouvoir pour Laurent Wauquiez

De la même façon, Laurent Wauquiez avait érigé la collectivité en super-policier prêt à débouler sur les chantiers BTP pour vérifier leur bon fonctionnement et à sanctionner sans faire de détail, en cas de situation jugée non conforme. Ce qui relèverait dans tous les cas de l’action de l’inspection du travail.

Le préfet écrit :

« Ces sanctions administratives sont prononcées par l’autorité administrative compétente parmi lesquelles ne figurent pas la Région. [Elle] ne saurait instaurer un régime de sanctions qu’elle ne tient d’aucun texte. »

Le président de Région a désormais deux mois pour retirer sa délibération, ou pour apporter au préfet « tous les éléments de nature à lever ces difficultés ». Mais le cabinet de Laurent Wauquiez a déjà fait savoir, à l’AFP notamment, que la délibération pas plus que la clause Molière ne seront retirées.

Laurent Wauquiez, qui n’a de cesse de dire qu’il sait ce qu’il fait en tant que juriste (il est titulaire d’un DEA en droit public et il est conseiller d’Etat, c’est à dire magistrat de la plus haute juridiction administrative), se dit prêt à défendre sa délibération devant le tribunal administratif si l’avertissement du préfet devait se transformer en procédure.

Le socialiste Jean-François Debat espère quant à lui que contraindre Laurent Wauquiez à un rétropédalage pourrait stopper le recours de plus en plus fréquent à cette clause Molière :

« À l’heure où de plus en plus de collectivités introduisent cette clause de langue française dans leur décision, il serait salutaire de bénéficier enfin d’une décision à valeur jurisprudentielle sur la question », a-t-il écrit à l’ex-préfet du Rhône.

Michel Delpuech est désormais remplacé par Henri-Michel Comet, auquel Laurent Wauquiez doit donc répondre d’ici deux mois, échéance qui correspondra à l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle.

Interrogé au cours de la sa première conférence de presse, le nouveau préfet de région a posé le débat :

« Mon prédécesseur ou moi, c’est la même chose. Mon prédécesseur a fait une analyse juridique dont il ressort qu’un certain nombre de points d’une délibération n’étaient pas conformes aux textes européens et nationaux, je/il (c’est pareil), a/ai fait part des observations au président du conseil régional. C’est tout. »

Et de poursuivre, dans le but de minimiser la portée politique d’un tel contrôle de légalité et de la saisine des élus d’opposition de Laurent Wauquiez :

« Le président du conseil régional appréciera s’il veut donner suite au contrôle de légalité porté par le préfet. La question se reposera à ce moment là. Il y a plusieurs hypothèses. Soit il donne suite aux observations, et le sujet est clos ; soit il ne donne pas suite aux observations. Soit le préfet saisit le juge. Soit il ne saisit pas le juge et quelqu’un d’autre le saisit. Il n’y a pas que le préfet peut le faire. Et le juge appréciera. On est dans une démarche de contrôle de légalité tout à fait habituelle. On fait ça pour toutes les délibérations. »


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