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Le porno féministe sert à « ne pas laisser aux hommes le discours sur la sexualité »

Féminisme et pornographie, des termes contradictoires ? Seulement si l’on manque d’imagination. Depuis les années 80, des femmes prennent, un pied après l’autre, les rênes de ce mode d’expression et de représentation injustement squatté par les hommes.

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Le porno féministe sert à « ne pas laisser aux hommes le discours sur la sexualité »

« Dans la pornographie féministe, on trouve toutes sortes d’esthétiques et de discours. Il existe des débats sur ce qu’est une pornographie féministe, explique Wendy Delorme, écrivaine et ancienne performeuse, invitée au festival Only Porn.

« Je crois pour ma part que cette contradiction apparente entre « pornographie » et « féminisme » se résout dans la volonté des femmes de produire leurs propres discours et représentations, de ne plus être objets du discours des autres, otages des images faites par d’autres et de renverser le rapport de pouvoir : passer derrière les caméras, devenir productrices de leurs propres images. »

Wendy Delorme, écrivaine et ancienne performeuse.
Wendy Delorme, écrivaine et ancienne performeuse.

« La réponse au mauvais porno, ce n’est pas d’interdire le porno, mais de faire du meilleur porno ! »

C’est donc avant tout du porno fait par des femmes : l’enjeu est de s’emparer des moyens de production et de donner à voir d’autres sexualités que celles très stéréotypées de la production pornographique mainstream, accaparée par des hommes et globalement machiste et sexiste, aussi bien dans la représentation de la femme à l’écran que dans le fonctionnement de l’industrie.

Là où certaines féministes sont tentées de diaboliser la pornographie qu’elles jugent dégradante, d’autres s’inscrivent dans le courant du féminisme pro-sexe, né dans les années 1980 aux États-Unis et issu du milieu queer. L’objectif : explorer et montrer la sexualité féminine, tout simplement.

Annie Sprinkle, artiste et militante pour les droits des travailleurs-euses du sexe.
Annie Sprinkle, artiste et militante pour les droits des travailleurs-euses du sexe.

« La réponse au mauvais porno, ce n’est pas d’interdire le porno, mais de faire du meilleur porno ! » dixit Annie Sprinkle, la pionnière du genre.

D’abord actrice, elle devient rapidement artiste et militante pour les droits des travailleurs-euses du sexe et prône une sexualité libre et joyeuse. Elle réalise Deep inside Annie Sprinkle en 1982, premier manifeste porno féministe. Elle est aussi connue pour ses performances, la plus célèbre étant Public Cervix Announcement, où elle invite le public à contempler son col de l’utérus.

Une manière d’inverser les rôles et de remettre en cause la place d’objet sexuel souvent attribuée à la femme. On peut la voir dans le documentaire de Virginie Despentes dédié au féminisme porno punk : Mutantes. Cette dernière y sillonne l’Amérique à la rencontres des « activistes, auteures, artistes, réalisatrices, travailleuses sexuelles et théoriciennes qui ont initié dans les années 80 un mouvement révolutionnaire : le féminisme pro-sexe » avant de parcourir Barcelone à la rencontre de la relève.

Barcelone, capitale du porno féministe

La capitale catalane semble être devenue la plaque tournante du porno féministe : c’est là aussi que la réalisatrice suédoise Erika Lust vit et travaille. Diplômée en sciences politiques et droits des femmes, l’étudiante d’alors ne trouve pas son compte dans la pornographie existante qui lui semble « moche et de mauvais goût » et surtout trouve « outrageux de laisser entre les mains des hommes le discours le plus important sur le genre et la sexualité. »

Elle explique pourquoi elle a ressenti le besoin de créer du porno différent dans sa conférence TED intitulée It’s time for porn to change.

Aujourd’hui à la tête de la maison de production Lust Films, elle a reçu de nombreuses récompenses, notamment des Feminist Porn Awards, créés en 2006 par le sex shop canadien Good for her, dont le site annonce « des orgasmes féminins authentiques » et des « scènes de sexe non conventionnelles. »

À Barcelone toujours, la française Lucie Blush promeut, via son site We love good sex, le Alt-porn, une nouvelle approche de la pornographie la reliant à différents mouvements alternatifs. Une sorte de contre-culture érotique voulant surtout montrer autre chose que de la pornographie produite à grande échelle.

La réalisatrice suédoise Erika Lust ne trouve pas son compte dans la pornographie existante qui lui semble « moche et de mauvais goût ».
La réalisatrice suédoise Erika Lust ne trouve pas son compte dans la pornographie existante qui lui semble « moche et de mauvais goût ».

Des confusions entre porno féministe et porno « pour les femmes »

Enfin du porno pour les femmes ? Attention à la confusion, prévient Clarence Edgard-Rosa, journaliste spécialisée dans les questions de société liées aux féminismes, aux genres, aux sexualités et auteur du blog Poulet Rotique :

« Il y a une grande confusion entre porno féministe et porno « pour les femmes ». La seconde catégorie est seulement du marketing ! Elle s’appuie sur une idée essentialiste de la sexualité féminine. Tous les hommes n’aiment pas la même chose, il en va de même pour les femmes. Il est erroné de croire qu’elles ont toutes une sexualité plus douce, plus romantique que les hommes.

C’est à nouveau leur dessiner une petite case qui ne leur correspond pas, simplement parce que les sexualités féminines sont multiples. Le porno féministe ne s’adresse pas qu’aux femmes, il s’adresse à celles et ceux qui ne prennent ni les hommes pour des beaufs, ni les femmes pour des objets ! »

Coucou Lucie Blush. DR
Coucou, Lucie Blush. DR

Par Lisa Dumoulin, sur petit-bulletin.fr


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