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[En vidéo] « La camisole ne fait pas le fou » : les vêtements dans l’hôpital psychiatrique

L’exposition « Sens dessus dessous » à la Ferme du Vinatier interroge les usages et les représentations du vêtement à l’hôpital psychiatrique : une manière métonymique d’envisager la place du malade et les enjeux, anciens et actuels, de la psychiatrie.

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[En vidéo] « La camisole ne fait pas le fou » : les vêtements dans l’hôpital psychiatrique

« Par Moi-peau nous désignons une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi à partir de son expérience de la surface du corps », écrivait en 1974 le psychanalyste Didier Anzieu.

Si la peau est la modalité figurative sur laquelle s’appuie le sujet pour à la fois délimiter son monde intérieur et effectuer ses échanges avec le monde extérieur, le vêtement peut se comprendre de manière analogue, comme une seconde peau. Il contient, il enveloppe, il est aussi surface d’échange symbolique avec le corps social : du jean grunge clamant la révolte à l’uniforme claironnant le conformisme…

Et c’est bien ainsi, comme symptôme autant que comme scène symbolique, que l’exposition très réussie du Vinatier envisage le vêtement (des soignants comme des soignés) à l’hôpital psychiatrique. Il est le symbole d’une évolution historique de la psychiatrie, comme le montrent des images d’archives, des objets et des témoignages audio : de l’enfermement asilaire du 19e siècle avec ses camisoles de force et ses austères uniformes de gardiens, à l’ouverture progressive après 1945, où l’on tente d’humaniser la garde-robe psychiatrique.

Et jusqu’aux innovations de la psychothérapie institutionnelle où patients et soignants portent tous des habits “normaux”, fissurant ainsi les frontières entre malade et non malade (à ce propos on pourra revoir le documentaire de Nicolas Philibert sur la Clinique de La Borde, La Moindre des choses).

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Pyjama raillé

Dans une autre section, l’exposition s’interroge sur le bien-fondé du vêtement, en particulier du pyjama, comme outil thérapeutique. Plusieurs sont suspendus au-dessus de nos yeux : des jaunes, des verts, des à fleurs, selon les tailles ou selon les sexes…

Pour certains psys, le pyjama permet au malade d’entrer dans un processus de soin, voire d’accepter sa maladie. D’autres sont plus sceptiques et une patiente remarque avec clairvoyance que :

« Être en pyjama toute la journée, c’est pas génial… Tu ressembles à tout le monde, alors qu’en fait on est tous différents ».

Et il semble effectivement que pour des patients psychotiques ayant déjà du mal à se différencier de l’Autre et à délimiter leur propre identité, le pyjama uniforme semble peu approprié. C’est justement sur la notion d’identité (personnelle, professionnelle) que se termine l’exposition.

On y découvre que chacun se réapproprie à sa guise cette seconde peau qu’est un pyjama ou une blouse d’infirmière, joue avec ses détournements possibles : une pliure singulière, un tee-shirt porté à l’envers ou une veste qui se transforme en turban.

Cela pourrait se dire aussi : faire de petites folies de son corps.

Sens dessus dessous
À la Ferme du Vinatier jusqu’au 3 juillet

> La Moindre des choses
Projection et rencontre avec Nicolas Philibert
Au cinéma Les Alizés jeudi 4 février à 20h

Par JED sur petit-bulletin.fr.


#Culture

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