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Blog du Taulard #40 : « Avec la loi renseignement, les matons deviennent des barbouzes »

La loi sur le renseignement va faire des matons des barbouzes. Dans les taules, ce sera la suspicion de tous contre tous qui va se généraliser et aggraver d’un cran supplémentaire le climat tendu à l’extrême.

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Vidéosurveillance en prison.

Vidéosurveillance en prison.
Vidéosurveillance en prison.

La loi sur le renseignement qui a été votée en première lecture par l’Assemblée nationale semble n’émouvoir personne. La droite dure claironne qu’il faut savoir perdre des libertés au nom de la sécurité, la gauche argumente en disant que la vie privée ne fait pas partie des libertés individuelles, et la majorité des gens s’en fout.

Ils sont presque en permanence sous l’œil de big brother dans les rues, les transports etc. On va pouvoir sans raison écouter leurs conversations téléphoniques, les pister sur internet, poser des micros et des caméras chez eux, mais ils s’en foutent. Ils veulent être protégés et donnent les clés de leur cellule aux matons. Ceux du pouvoir ont bien raison de manipuler la peur, ça marche !

La contestation contre la loi renseignement est un murmure de ruisseau

Alors oui, la CNIL proteste, la Ligue des Droits de l’Homme qui fait trop souvent silence râle, Jean Marie Delarue (ex-contrôleur des libertés pour les prisons et actuellement président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) s’alarme, soutenu par l’Observatoire international des prisons (OIP) et le Syndicat de la magistrature, même le juge Trévedic chargé des dossiers terroristes s’inquiète.

Mais leur contestation est un murmure de ruisseau couvert par la tonitruance des bulldozers des sécuritaires et par le silence assourdissant des gens qu’on prétend citoyens.

Les matons deviennent des barbouzes ; ce n’est pas un gag

Et le top, lecteur, le top, c’est que la pénitentiaire rentre dans le processus de surveillance, sous le prétexte fallacieux de la pseudo radicalisation dans les taules. Les matons deviennent des barbouzes ! On pourrait en rire tellement cela ressemble à un gag. Mais voila, c’est sérieux.

Christiane Taubira était opposée à cette mesure. Elle a proposé un amendement pour que que les taules ne soient pas un bureau d’espionnage dans les cellules au service des flics.

Elle a été désavouée par ses collègues et l’assemblée, Urvoas, le président de commission des lois, en tête, lui qui roulait des pelles au Syndicat de la magistrature, qui se sont coalisés avec l’UMP et l’UDI pour faire échec à son amendement.

Un peu de cohérence, Christiane Taubira !

Christiane Taubira déclare que cette idéologie est à l’opposée de la sienne et qu’on lui fait avaler des couleuvres de plus en plus grosses. Je ne suis pas sûr que ça soit dans la bouche qu’ils lui mettent les couleuvres, mais bon. Elle continue à faire semblant en pensant qu’elle va convaincre le Sénat avant que cette loi ne soit définitive. Juste une fanfaronnade de vaincue pour faire croire quelle combat encore.

Mais qu’attend-elle pour démissionner ? Un peu de cohérence, que diable !

Alors, ça veut dire quoi que la pénitentiaire soit un service de l’espionnage intérieur ?

C’est un blanc-seing pour encore plus d’arbitraire et de sadisme dans les prisons. Si, si, je pèse mes mots. C’est offrir des outils pour rendre « la privation de liberté » encore pus asphyxiante.

Cahier électronique de liaison

Je t’explique, lecteur. Il existe dans les ordinateurs de la pénitentiaire un Cahier électronique de liaison (CEL) qui suit le taulard tout le temps de sa détention, même en cas de transferts. On y lit des observations d’une « finesse » sans nom, telle celle-là : « on sent qu’il a le regard mauvais ».

Autrement dit, une logorrhée de stéréotypes de base qui tiennent du ressentiment et de la bêtise insigne, loin d’une observation rigoureuse et impartiale. Évidemment, ne figurent pas dans ces écrits affligeants les provocations et autres événements expliquant la rage des prisonniers.

Seuls sont décrits les « incidents » des taulards, qu’importe qu’ils ne soient que des réactions de désespoir ou de tentative de reconquête de dignité.

Tout sera prétexte pour déclencher l’espionnage d’un prisonnier

Donc, à partir de là, on peut, sans se forcer, imaginer les prétextes qui serviront à déclencher l’espionnage d’un prisonnier. Le gars qui sera mis à la trique, parce que sa gueule ne revient pas ou se rebelle un peu trop, est quasiment sûr de se voir affublé d’une étiquette de recruteur à la radicalisation et d’avoir une cellule équipée pour surveiller tous ses faits et gestes : mini caméra, micro planqué etc.

Au lieu de mettre des brouilleurs de téléphones portables, ils utiliseront l’appareil qui écoute dans un rayon de 100 ou 200 mètres pour suivre les conversations et surtout repérer ceux qui ont un portable, ainsi que celles et ceux qui reçoivent ou appellent.

En prison. Crédit : Sébastien Erome/Signatures.
En prison. © Sébastien Erome / Signatures.

Les familles et amis des prisonniers seront donc fliqués en plus de ce qu’on leur fait subir quand ils viennent au parloir. Parce que, contrairement à la fantasmagorie habituelle, dans nos portables on ne dit rien d’autre que des paroles affectives ou pratiques.

Il n’y a pas d’histoire, ou si peu, de gestion de trafics ou d’organisation d’affaires à distance. Le téléphone est surtout un outil essentiel pour garder les liens et trouver du soutien moral.

On aura donc, de plus en plus souvent, des gens envoyés au tribunal comme complice de la transgression des règles iniques de la pénitentiaire.

Accentuer une pression déjà insupportable

« L’espionnite aiguë » fera chou blanc dans la totalité de ses buts, mais les avantages collatéraux seront énormes pour accentuer une pression qui est déjà insupportable.

Car, qui pourra contester telle ou telle affirmation des matons ? Il n’y a même plus la faible barrière des juges, souvent très complaisants en matière d’écoute arbitraire, pour chercher à étayer les accusations, puisqu’on passe au-dessus d’eux, la loi dispensant de leur accord.

Et comme des chasseurs qui, ne voulant pas rentrer bredouilles, tirent sur un chat ou une poule, les matons affabuleront dans leur paranoïa pour durcir davantage encore les conditions quotidiennes de tel ou tel. Et là, dans les taules la suspicion de tous contre tous va se généraliser davantage et aggraver d’un cran supplémentaire le climat tendu à l’extrême.

On ouvre là la boite de Pandore qui va déverser sur les taulards davantage de sadisme, qu’on justifiera, à coups de médias, lorsqu’on en fabriquera un sur 67 000, pour continuer à persécuter les 66 999 autres.

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