
L’énergie publique fait disjoncter Grenoble : qui veut la peau de GDF-Suez ?
Il ne manquait plus qu’une délibération du conseil municipal de Grenoble et c’était acté. Les lampadaires de la ville seraient aujourd’hui sous le giron d’un consortium des géants Vinci et Bouygues.
Mais la délibération n’a finalement pas été soumise au vote. Ou, du moins, pas encore. Car le 20 octobre dernier – soir de conseil municipal – certains salariés de Gaz et Electricité de Grenoble ont fait le coup de la panne au maire de la ville, Eric Piolle, et à ses conseillers. Au moment d’ouvrir les débats, plus de lumière, plus de micro… Plus de jus dans tout l’hôtel de ville.
Le conseil a été ajourné, et la délibération reportée sine die. Ce coup de force musclé des électriciens de GEG était devenu inévitable selon Sophie Cavagna, porte-parole de l’intersyndicale à l’origine de cette action :
« Le vote de cette délibération, c’était la condamnation de tout un pan du service public de l’électricité. Il fallait une autre solution ».
« Un vision de l’entreprise digne du monde de Mickey »
L’appel d’offre est ambitieux. Rénover 80% des équipements d’éclairage publique et réaliser 56% d’économie d’énergie à la fin du contrat, en 2022. Mais l’aguichante médaille comporte quelques revers. Comment cette majorité de gauche (EELV/PG/ADES/Citoyens) pourrait-elle se satisfaire d’accorder sa préférence aux deux géants du CAC 40 qu’ils ont tant décrié par le passé ? Et surtout, que deviendront les 25 emplois locaux affectés à l’éclairage public chez GEG ?
Mardi dernier, le sujet est revenu à l’ordre du jour d’une rencontre plus intimiste cette fois-ci. Ce jour-là, le maire reçoit une délégation des salariés assagis. Eric Piolle condamne d’abord leur action « intrusive et contraire à la sérénité du débat », alors que la parole leur avait été donnée.

Eric Piolle, crédit : VG/Rue89Lyon.
Vincent Fristot l’accompagne. L’adjoint à la transition énergétique et président de GEG présente ses contraintes : les prédécesseurs socialistes ont anticipé la mise en concurrence de l’éclairage public prévu par les textes européens, et la ville doit désormais s’y conformer avant le 1er janvier prochain. GEG a présenté une offre, mais celle du concurrent privé était meilleure aux yeux de la commission d’appel d’offre. Face aux syndicalistes, l’élu-président renouvelle aussi l’engagement de ne licencier personne, malgré la perte de ce marché représentant 1,5 million d’euros de chiffre d’affaire pour GEG.
L’intersyndicale n’y croit pas. Trop simple, trop facile.
« Une conception infantile de l’entreprise, digne du monde de Mickey », lâche Sophie Cavagna.
Les représentants des salariés prennent les devants. Ils sont venus avec un autre scénario.
L’alternative ? Court-circuiter l’appel d’offre
Selon l’intersyndicale, une véritable opportunité s’offre au maire et à son équipe en changeant « simplement » le mode de gestion de ce service. En substance : court-circuiter l’appel d’offre obligatoire en le classant sans-suite pour un motif « d’utilité publique », comme la création d’une régie municipale de l’éclairage public.
Cela permettrait d’y transférer les salariés du service menacé tout en sauvant la face, légalement, sur la privation d’un service public. Tout le monde trouverait son compte. Une sortie de crise opportune aux yeux de Vincent Comparat, le président de l’ADES, parti écologiste local et pierre angulaire de la majorité municipale.
« Si le personnel souhaite une régie municipale de l’éclairage public, pourquoi ne pas essayer ? Tout en passant des marchés avec le privé pour les compétences dont elle ne disposerait pas ».
La réponse du maire est tombée jeudi. Eric Piolle a demandé une étude sur la faisabilité d’un tel scénario. Un processus qui pourrait prendre « de quelques semaines à quelques mois », prévient évasivement Vincent Fristot, dans un mail adressé aux organisations syndicales après la rencontre.
Une simple posture selon l’opposant socialiste Jérôme Safar qui occupait les fonctions de président de GEG sous le précédent mandat.
« Aujourd’hui le temps n’est pas aux manoeuvres de diversion pour déclencher des études comparant tel ou tel mode de gestion. Ces études auraient dû être engagées dès le printemps. La majorité municipale avait les moyens et le temps de le faire ».
« Torpiller GEG et spolier ses actionnaires »
En dehors de ce blocage, c’est l’avenir de GEG dans son ensemble qui questionne déjà le monde politique grenoblois. Pour le socialiste Jérôme Safar, l’issue de l’appel d’offre traduit surtout une volonté politique de la nouvelle majorité :
« C’est soit de l’incompétence, soit quelque chose de prémédité avec l’objectif de démanteler la SEM ».
Il est vite rejoint par le conseiller municipal UMP, Richard Cazenave, qui se montre moins hésitant :
« L’objectif réel d’Eric Piolle est de torpiller la SEM GEG et de spolier ses actionnaires ».
Des actionnaires trop gourmands
La majorité n’a en effet jamais caché son vœu de substituer à GEG une régie publique d’agglomération. C’est même l’engagement de campagne n°23 de la liste d’Eric Piolle, qui juge la SEM pas assez sociale dans son approche de tarification et entichée d’actionnaires privés trop gourmands, selon Alain Dontaine, cadre du parti de Gauche à Grenoble. Depuis la création de la SEM par Alain Carignon en 1986 :
« C’est pas moins de 30 millions d’euros de dividendes qui ont été distribués aux actionnaires… 30 millions payés par les Grenoblois !» s’exclame-t-il.
Une charge contre GDF-Suez (l’actionnaire partenaire de la ville de Grenoble, propriétaire de 42% de GEG), que Jérôme Safar souhaitait modérer dans son allocution prévue lors du conseil municipal avorté.
« Partenaire, qui je le rappelle au passage, n’a pas touché de dividendes depuis 3 ans afin d’accepter de constituer des réserves importantes pour GEG aidant à l’investissement, mais aussi parce qu’il était impensable d’en verser au moment où, dans le cadre du Plan de Performance, des efforts étaient demandés aux salariés de l’entreprise ».
« Amorcer la guerre nucléaire contre GDF-Suez »
Mais pour entreprendre quoi que ce soit en ce sens, la majorité est suspendue à une décision de justice. En 2012, avant de passer les clés de la mairie, la précédente municipalité socialiste avait prolongé la convention de distribution et de fourniture du gaz et de l’électricité de la SEM GEG jusqu’en 2042.
Des opposants écologistes de l’époque avaient rapidement déposé trois recours administratifs pour casser cette délibération. Une partie des requérants siègent désormais dans la majorité et se retrouvent dans une position cocasse : être à la fois accusateurs et défenseurs supposés des « intérêts de la ville » dans cette affaire, dont la phase d’instruction s’achèvera le 28 novembre prochain.
Pour la nouvelle majorité, la victoire est impérative afin d’honorer cette promesse de campagne et pour inscrire un nouvelle ligne à son tableau de chasse « des reconquêtes de services publics ». En 2000 déjà, l’eau de Grenoble avait été re-municipalisée par l’ancien maire socialiste Michel Destot, mis sous pression par ses alliés écologistes d’époque.
Mais en cas d’échec judiciaire, Eric Piolle n’aura pas les moyens d’indemniser les actionnaires comme la convention de DSP le prévoit pourtant, au prorata des bénéfices que la SEM aurait pu réaliser pendant ces trente années additionnelles. Ou alors, seulement en utilisant la manière forte pour faires réviser aux actionnaires leurs éventuelles ambitions financières. Vincent Comparat conclue sèchement.
« Soit GDF-Suez conservera les activités commerciales de GEG qui ne sont pas des services publics essentiels, soit on amorcera l’arme nucléaire en cassant tous les contrats. C’est à eux de voir ».

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Soit y'a un truc pas clair, soit l'UMPS fait comme d'habitude et réagit pour exister.
C'est encore la faute à l'Europe : "la mise en concurrence de l’éclairage public prévu par les textes européens" ! mais de quoi elle se mêle, celle-là ? elle veut faire disparaitre les services publics pour ne laisser que du privé avec une délégation ?
C'est un peu gros que le PS Destot/Safar engage la ville pour 30 ans ! En tout cas, il avait bien voté avec l'UMP contre l'offre de GEG pour le contrat d'éclairage public ... alors, camembert, tous les deux.
Je ne sais pas si les actionnaires n'ont rien touché depuis 3 ans, mais ils auraient été récompensés d'une autre manière, grâce au "plan de performance" à la Safar : en plus de + de 60 suppressions de postes, "Le plan prévoit aussi l’externalisation de plusieurs secteurs, comme la relève des compteurs ou les plateformes d’appels."
http://www.placegrenet.fr/geg-la-cgt-se-rebelle/
qui aurait "hérité" de ces externalisations ?
Attendons la décision de la justice ...
Imaginez que vous n'ayez qu'un seul fournisseur et que la direction en soit assurée par un ami ou mieux encore, un membre de votre famille ?
Ce serait facile, même si le fournisseur est un service public, de tarifer aux contribuables ce que l'on veut !
Vous vous placez dans le cas d'un fournisseur privé dont le directeur pourrait faire ce qu'il veut et favoriser sa famille ... ! C'est impossible, quasiment, avec un fournisseur public, dont les administrateurs sont élus, les tarifs décidés par l'Etat, les finances surveillées par différentes chambres de comptes..
Même s'il y a des problèmes, on peut plus faire confiance à du public qu'à du privé.
La question du contrat perdue ne concerne que l'éclairage public. GEG a d'autres contrats, comme ceux de vente de l'énergie aux grenoblois. Une régie éclairage public est possible.
La seconde question que soulève l'article est le contrat qui lie la ville de Grenoble à la SEM GEG pour l'énergie (et non pour l'éclairage public) par une concession de 30 ans, comme c'est quasi le cas de partout avec ERDF ou GrDF dans les autres territoires. L'objet n'est donc pas l'éclairage public mais bien l'électricité et le gaz sur l'ensemble de la ville de Grenoble.
Le retour en régie de l'énergie (et non de l'éclairage, il y a une confusion sur les deux thèmes dans l'article) supposerait d'indemniser les actionnaires de droit privé qui composent la SEM, et nécessiterait une transformation profonde du statut juridique.
GDF Suez en tant qu'actionnaire de droit privé de GEG a investi au départ pour constituer ladite SEM, et souhaitera nécessairement recevoir le fruit de son investissement, d'autant que c'est la SEM qui investit directement dans les réseaux (contrairement aux réseaux d'eau par exemple où ce sont les villes qui investissent et non le concessionnaire), autant dire que le chéque de sortie pourrait représenter plusieurs dizaines de millions d'euros voire une centaine de millions...
Ce qui me gène c'est que je n'en vois pas l'intérêt, le gaz et l'électricité restent les mêmes, les prix de l'énergie dépendent du code de l'énergie, ils ne peuvent être fixés par une régie, ils sont nationaux (ou presque), et un retour en régie ne pourra directement bénéficier aux administrés sur les tarifs de vente qui sont largement encadrés par le legislateur (tarifs réglementés de vente, tarif d'acheminement...).
Quant à la création d'emplois, je ne vois pas trop pourquoi la situation évoluerait par rapport à GEG qui emploie déjà 400 personnes environ pour faire ce travail...
Bref, si ce n'est qu'une remontée de dividendes qui motive la situation il faudra bien la mettre en regard des bénéfices d'une telle décision de remunicipalisation de GEG pour les administrés, car la sortie d'un contrat d'un actionnaire de droit privé représentera aussi des couts pour les administrés à travers la fiscalité qu'elle représente...
Toutes les autres villes ont ERDF et GrDF comme gestionnaires, bien évidemment ce n'est pas parfait, mais la qualité d'alimentation est là, et le cout également, les contrats qui lient les villes à ces entreprises de service public sont là pour être éventuellement discutés, elles disposent de contrat de service public avec l'Etat également, c'est probablement une bonne solution de prendre ERDF GRDF si GEG continue à perdre des contrats et donc à ne pas être potentiellement rentable, car qui paiera la facture si la remunicipalisation n'est pas rentable...les administrés !
Il faut un peu de temps de réflexion plutôt que de parler de régie, et voir ce qui garantit l'emploi et les contrats de travail des salariés..
Je préfère donc favoriser les consommateurs comme moi !!
J'espère que Mr Eric Piolle fera changer la balance et proposera une alternative.
Déjà que beaucoup d'entreprise font le pas et l'effort de s'orienter vers des solutions écologique. Rien qu'à voir les pros et là je parle de petite PME qui s'engagent et se forment. Les certifications RGE, Qualibat et RT2012 entre autre ne servent pas à faire joli.
Ex : http://www.electricien-paris-express.com/actualites/15-que-signifie-mention-rge/