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Référendum écossais : la nuit où rien n’a basculé
Les bruits de Glasgow
Je suis Matthieu Beigbeder, jeune étudiant lyonnais possédant un foie en très bonne santé. J'ai donc décidé d'arranger ça à Glasgow, en Ecosse. Et par la même occasion, de raconter comment c'est, là-bas.
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Référendum écossais : la nuit où rien n’a basculé

par Matthieu Beigbeder.
Publié le 19 septembre 2014.
Imprimé le 08 juin 2023 à 23:33
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Il est environ une heure du matin. Dans le taxi qui nous emmène, ma colocataire, un ami et moi, de la banlieue Ouest au centre-ville de Glasgow, une voix nasillarde vient couvrir notre conversation. C’est un reporter radio qui livre les premiers résultats du vote pour le fameux référendum.

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On entend quelque chose comme « une participation de près de 100% » dans une contrée du Nord dont j’ai oublié le nom. Encore aucun résultat ville par ville n’est connu, l’excitation est à son comble pour une grande majorité des Glaswégiens.

Le chauffeur de taxi, lui, tire une gueule pas possible. Pendant un court instant, je me crois à Lyon, mais du mauvais côté de la route. On lui demande de nous déposer à Georges Square, la grande place du centre-ville où règne ce qu’on peut aisément appeler un bordel monstrueux, ce qui achève de lui inspirer toute joie de vivre.

 

Sur George Square, des canettes de bières vides et des drapeaux écossais abandonnés

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La place George Square, hier soir à Glasgow.
© Matthieu Beigbeder/Rue89Lyon

Quelques heures auparavant, un sondage de sortie des urnes donnait, dès 22h30, le Non à 54% face au Oui. Mais bon, à Glasgow, on a préféré ignorer ces chiffres, du moins au début. Le comté de Clackmannanshire, à mi-chemin entre Glasgow et Edimbourg, révèle ses premiers résultats : 54% de Non, 46% de Oui.

Sur la place George Square, quelque 3000 personnes, favorables à l’indépendance, se sont rassemblés dans une ambiance de « match de foot », raconte le Telegraph. Quand on arrive finalement sur place, il ne reste plus grand chose des 3000 supporters. Tout au mieux, quelques centaines de personnes au milieu des détritus, canettes de bières vides et drapeaux écossais abandonnés.

Des barrières de sécurité ont été érigées autour des statues de la place, pour éviter à d’éventuels passionnés d’escalade de se rompre le coup. Les flics surveillent tout ça d’un oeil de flic, c’est-à-dire en faisant la gueule et en faisant mine de contrôler la situation. En face de la statue principale, une poignée de personnes sont debout sur des bancs, et agitent de grands drapeaux écossais, bières en main, en criant un truc du genre « Scotland, Scotland ! ». Une jeune demoiselle rencontrée aux abords de la place me glisse que ces gens-là lui font un peu de peine et qu’ils ne reflètent pas vraiment l’esprit écossais.

« Ceux-là, ce sont juste une bande d’alcooliques en manque de nationalisme », conclut-elle.

 

En boîte de nuit, les uns regardent les résultats, les autres dansent

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La jeune demoiselle nous accompagne ensuite dans les rues animées de Glasgow. Pendant ce temps-là, les comtés d’Orkney et du Shetland poussent le Non à plus de 64%. A 100 mètres de George Square, on croise des centaines de personnes avachies, affalés, assises sur le trottoir. On ne remarque pas de drapeaux écossais ni de bières parmi eux, mais plutôt des iPads. Et on comprend qu’ils font la queue pour la sortie du nouveau Smartphone d’Apple. Chacun ses rêves.

La région des Western Isles, tout au Nord de l’Ecosse : 53% pour le Non, 47% pour le Oui. La jeune demoiselle nous entraîne dans une boîte de nuit. A l’entrée, des jeunes, tous un verre à la main, fixent l’écran de télévision qui déroule les résultats minute par minute. Visages dépités par dizaines, quelques sourires alcoolisés, compatissants. Les yeux regardent de loin, un peu comme si on n’était pas vraiment concerné. Pas vraiment de larmes, mais un gros contraste avec la piste de danse, où le DJ arbore fièrement, en plein milieu de son set, un drapeau écossais floqué d’un gigantesque « YES ». Renfrewshire : 54% de Non. Dundee : 54% de Oui.

 

« La majorité silencieuse a finalement fait entendre sa voix »

Vers 4 heures du matin, avant que les résultats des grosses villes ne tombent, les résultats sont assez serrés : 49,1% pour le Oui, 50,9% pour le Non. On y croit encore. Puis c’est l’hécatombe. Pendant une heure, ville après ville, comté après comté, le pourcentage du Non augmente inéluctablement. A 4h37, on atteint un pic, avec 56% des votes en faveur de l’Union. Il faudra attendre les résultats de la plus grande ville d’Ecosse, Glasgow, à 5 heures, pour que l’écart se réduise un peu. Ma ville a voté en majorité pour le Oui (à 54%), contrairement à Edimbourg, la capitale.

Au final, ce matin, l’Ecosse et moi-même nous sommes réveillés avec une énorme gueule de bois, et environ 55% des votes pour le Non, 45% pour le Oui. « Reunited Kingdom », titre le Scotland Sun du jour. « The United Kingdom is safe », juge le Daily Telegraph. L’Union est sauvée. Au café du coin de ma rue, Caroline et Pascal discutent des résultats. Elle est Américaine et habite Glasgow, il est écossais et habite Edimbourg. Tous les deux ont voté pour le Oui, mais ne considèrent pas les chiffres du jour comme une mauvaise nouvelle :

« Quelle que soit l’issue du vote, il y aura du changement, explique Pascal. Le Non n’est pas une mauvaise nouvelle, c’est une avancée vers plus de fédéralisme, plus de pouvoir pour le Parlement écossais. »

Si peu d’aigreur qu’on pourrait croire à la mauvaise foi. Est-ce qu’ils s’attendaient à un pareil résultat ?

« Non, pas vraiment, répond Caroline. A Glasgow, on vivait un peu dans une bulle, ces derniers mois. D’ailleurs on l’a bien vu dans les résultats, on fait partie des 3 ou 4 régions qui ont fait passer le Oui. C’est la majorité silencieuse, en dépit de la minorité bruyante, qui a finalement fait entendre sa voix. »

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Article actualisé le 20/09/2014 à 22h00
L'AUTEUR
Matthieu Beigbeder
Je suis un jeune étudiant lyonnais. Après un stage à Rue89Lyon, j'ai constaté que je possédais un foie en très bonne santé et j'ai donc décidé d'arranger ça à Glasgow, en Ecosse. Et par la même occasion, de raconter comment c'est, là-bas, dans un blog baptisé "Les bruits de Glasgow".

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