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Steve Five (King different) : un opéra indispensable pour brûler vos I-Phone

Un opéra de chambre et de chiotte signé Roland Auzet sur l’hystérie démoniaque de Steve Jobs, génial inventeur de machines qui emprisonnent l’homme. Invité de cette création décapante, Shakespeare avec en toile de fond son Henry V si guerrier et sentimental. C’est formidable, allez-y vite, la dernière c’est le 18 mars.

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Steve Five (King Different), opéra de Roland Auzet.

Reportage vidéo par Denis de Montgolfier pour Rue89Lyon.

L’histoire

Steve Jobs et Henri V, deux rois aspirés par la maladie dans leur propre corps. Deux destins brisés par une gigantesque lame de fond qu’ils n’ont pas vu venir.

Henry V, roi combattant en première ligne aux cotés de ses hommes à Azincourt en 1415. Il triompha en écrasant les Français avec des centaines d’archers se tenant loin d’un corps à corps intenable.

Steve Jobs roi inventeur d’un présent au fur et à mesure qu’il se déploie. Roi dévoré par une maladie à retardement qui va payer pour avoir tenté de changer les choses du monde. Dérisoires inventions technologiques qui enferment l’homme et le condamnent.

 

Un texte, une écriture

Fabrice Melquiot observe le monde et rugit contre lui. Ses mots taillent la chair comme une scie électrique ressemblant à un poème pamphlétaire de John Milton pour hurler contre la tyrannie du monde et des hommes.

« Je suis l’hôte d’un renversement planétaire, je cache une lame de fond dans ma poche, ça n’ empêche pas les besoins élémentaires Messieurs », dit Steve devant un serviteur.

Paquets de mots qui entrent dans la peau sans cicatriser avec les effets salutaires de décharges électriques. On n’en sort pas indemne mais cabossés de petits chocs émotionnels.

 

Steve Five (King Different), opéra de Roland Auzet.
Steve Five (King Different), opéra de Roland Auzet.

La musique

Signée Roland Auzet (qui fait aussi la mise en scène). Déconcertante et enivrante. Pauvres de nous, spectateurs peu préparés à la création musicale du 21 e siècle. Comment absorber des mélodies qui gémissent, qui crient et qui résonnent comme un marteau piqueur. Pourtant petit à petit le spectateur sort de sa coquille enveloppante. On inhale une bouffée d’air, devant ce gros temps, sentiment de lessivage comme pour repartir tout neuf. Cela fonctionne avec l’audace du ténor touchant qui joue le rôle du cancer, Michael Slattery.

 

La mise en scène

C’est le rectangle qui dicte l’occupation de l’espace. En arrière plan les musiciens sont cachés derrière un rideau opaque qui se lève à certains moments. Une longue terrasse permet la domination et, en-dessous, toutes formes de soumissions. Ca respire avec peu d’accessoires et beaucoup de souffles. C’est limpide et rythmé avec le piège évité de ne pas envahir l’espace d’ordinateurs ni de vidéos. On aime le final avec l’interview ubuesque de Siri, la voix virtuelle d’Apple qui montre l’absurdité de la technologie inventée par Steve Jobs et la projection des petits ordinateurs de l’inventeur qui le dépossèdent de son intimité.

 

Un regret

Oxmo Puccino est comme une âme en peine. Le rappeur traîne son corps lesté de deux sacs de marché pendant tout le spectacle. Il chante en solo une seule fois, le reste de ses répliques sont chuchotées et retenues. Dommage que cet artiste habituellement généreux et novateur ne fasse pas corps avec le reste de la troupe. Ou alors est-ce génial de l’installer dans un rôle inhabituel, seul être humble et contemporain dans un monde virtuel et faux ?

 

Théâtre de la Renaissance, Oullins.
Jusqu’au 18 mars.


#Fabrice Melquiot

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