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Accusés de magouilles, six syndicats de la SNCF condamnés

DANS NOS ARCHIVES / Ce jeudi, six syndicats de la SNCF ont été condamnés pour avoir détourné de l’argent du comité d’entreprise régional. Les amendes sont variables : 40 000 euros pour la SNCF, 10 000 pour l’Unsa, Sud Rail et la CFTC et 5000 euros pour la CFDT et FO. A l’occasion du début du procès, le 26 juin, Rue89Lyon revenait sur l’histoire d’un bras de fer engagé il y a plusieurs années.

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La gare de Perrache, à Lyon. Crédit : Maxppp.

Willy Pasche en a fait l’affaire de sa vie. Ce mercredi démarre le procès de huit syndicats qu’il accuse de malversations réalisées au sein du comité d’établissement Rhône-Alpes de la SNCF. Pour cet employé toujours en poste à la SNCF, dénoncer les pratiques de ces syndicats qui piloteraient cette entité dans leur intérêt est devenu un chemin de croix.

Après des années de bataille, Willy Pasche voit enfin le bout du tunnel. Ou plutôt d’un bras de fer engagé il y a des années contre les syndicats de la SNCF. A partir de ce mercredi, huit d’entre eux comparaissent en effet devant le tribunal correctionnel de Lyon pour abus de confiance, faux et usage de faux. En 2004, avec une de ses collègues, ce salarié du comité d’établissement régional (CER) de la SNCF a déposé plainte pour dénoncer de possibles malversations qui s’y seraient déroulées. Quelques faits étranges, au sein des bureaux à Vénissieux, lui avaient mis la puce à l’oreille :

« J’étais responsable des actions sociales, des colonies de vacances, de l’achat du matériel… Donc je signais des chèques pour cela. Et un jour, j’ai découvert que des chèques avaient été faits à ma place, en imitant ma signature. Je le signale. Et là, on me reprend, on me change de bureau plusieurs fois. J’ai eu le droit à des pneus crevés, des pressions pour que je parte. »

Le CER aurait-il servi à financer les syndicats, par le biais de fausses factures et de formations fictives  ?

 

Une situation financière catastrophique

Des ordinateurs achetés par le CE auraient alors été emportés dans des locaux syndicaux, des minibus destinés à des centres de loisirs étaient utilisés pour d’autres usages… Autant de pratiques étranges qui impliquent huit syndicats (CGT, Unsa, Sud Rail, CFTC, CFDT, FO, FGAAC et CFE-CGC), qui siègent au sein du CER, à la tête desquels se trouve la CGT. L’enquête montre que pendant des années (au moins entre 2002 et 2006), le comité d’entreprise ne se serait pas contenté de gérer l’action sociale du personnel. Mais aurait financé les huit syndicats en question, notamment par le biais de fausses factures de formation. Un point que réfute Bérenger Tourné, avocat du secteur cheminot de la CGT :

« Si on avait trouvé de l’enrichissement personnel d’élus, évidemment que ce serait de l’abus de confiance. On vient nous dire que cela a servi à financer des organisations syndicales. Mais pas du tout, il s’agissait de former les membres du secteur cheminot de la CGT. Par ailleurs, il ne s’agit pas du tout du budget destiné à l’action sociale mais du budget de fonctionnement. S’il ne sert pas à ça, à quoi sert-il ?»

L’enquête ouverte a décelé une situation financière des plus critiques. En effet, comme le révèle un article publié dans le mensuel de juin 2012 de Mag2Lyon, « le CER a accumulé 900 000 euros de dettes et 900 000 euros de rappel de TVA ». Ce qui, selon Willy Pasche, a conduit à des réductions d’effectifs. De 161 employés en 2001, il n’en resterait que 84 cette année.

 

Même s’il se dit « fatigué », Willy Pasche ne regrette rien.

 

« La SNCF achète la paix sociale »

Face à cette situation, il cherche à avertir la direction de la SNCF :

« Assez rapidement, je vais alerter la direction et d’autres syndicats. Parce qu’au début je ne savais pas qu’il y a un accord et qu’ils étaient tous impliqués. On ne m’a pas soutenu. Pourtant en tant que co-présidente du CE, la direction de la SNCF se doit de surveiller les comptes. A partir de là, j’ai eu à la fois les 8 syndicats mais aussi la direction contre moi. »

Depuis, Willy Pasche a la sensation d’avoir été mis au placard :

« On s’acharne sur moi. Ce sont des choses insidieuses. Par exemple, on m’a muté dans un bureau dont je n’ai même pas la clé et dans lequel je ne peux donc pas entré. On ne me donne pas de travail. Et je reste à la vue de gens qui passent devant moi et me provoquent. Aujourd’hui je suis en procès contre le CE mais aussi contre la SNCF aux Prud’hommes. C’est intenable ! »

Ce manque de réaction de la SNCF, qui a pourtant financé à hauteur de 4,8 millions d’euros le CER en 2012 et pourrait donc s’inquiéter de ce que les syndicats en ont fait, interroge. Contactée par Rue89Lyon, la direction de la SNCF ne veut pourtant pas se mouiller :

« Ne mettez pas qu’on ne veut pas s’exprimer, on n’a tout simplement rien à voir dans cette affaire ! »

Pour Willy Pasche, l’explication est simple :

« Je pense que la puissance des syndicats fait peur à la SNCF. Ils achètent la paix sociale. J’ai dénoncé ces agissements auprès de la direction de la SNCF et du comité éthique de l’entreprise. Ils ne m’ont jamais répondu. C’est l’omerta ! Par contre les élus du CER sont reçus, eux. Ils sont persuadés d’être intouchables. Et c’est aussi ce qui a motivé mon combat. Les enjeux sont politiques. Et les gens qui l’ouvrent comme moi dérangent. »

 

« Je ne suis pas anti syndicaliste »

Portant, celui que certains qualifient aujourd’hui de « lanceur d’alerte », ne veut surtout pas que l’on pense qu’il a une dent contre les syndicats :

« Mon père et mon frère étaient syndicalistes à la CGT. Moi je ne m’occupais pas tellement de ces questions. Mais quand j’ai vu qu’on commençait à faire souffrir des gens, à les licencier, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Je ne suis pas anti syndicaliste. Au contraire. Je suis pour qu’il y ait des syndicats reconnus qui fassent leur boulot. Là, ils n’ont même plus besoin de chercher des adhérents et leurs cotisations, ils se servent dans la caisse. J’ai une autre opinion de la démocratie. Je sais qu’il y a plein de gens biens. Il faut juste évincer ceux qui sont corrompus. »

Pour l’avocat de la CGT, pourtant, les enjeux sont bien politiques :

« On veut tuer l’expression sociale chez les cheminots. Et on cherche à stopper la gestion ouvrière des actions sociales parce qu’on veut les privatiser. « 

De l’audience qui démarre ce mercredi et se poursuivra trois jours durant, Willy Pasche attend justice. Et que les syndicats « remboursent ». Même s’il pense qu’au sein de la SNCF, personne ne s’empressera de vérifier que les sommes seront bien rendues. C’est pourquoi il leur a proposé d’être nommé à un poste de vérification des comptes, raconte-t-il en souriant.

 

 


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