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Pollution à l’ozone : on est plus exposé à la campagne que sur le bord de l’autoroute

Nouveau pic d’ozone en Rhône-Alpes ce jeudi 5 septembre. C’est le sixième que connait la région depuis le début de l’été. Vous habitez à la campagne et ne vous sentez pas concerné par ces épisodes de pollution ? Détrompez-vous. La concentration d’ozone est généralement plus importante dans les zones péri-urbaines et rurales qu’en plein centre-ville. Rue89Lyon fait le point sur ce polluant complexe.

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Campagne-vache

C’est à la campagne que l’ozone est le plus présent © Charles Sayer / FlickR

Mercredi 4 septembre, les niveaux d’ozone ont dépassé le seuil d’information et de recommandations (180 microgrammes par mètre cube) sur les zones urbaines du Bassin lyonnais Nord-Isère et du Bassin stéphanois, ainsi que sur la zone rurale des Côteaux. En cause ? Des températures élevées et la reprise des activités liée à la rentrée en ce début septembre, comme le souligne Air Rhône-Alpes, qui annonce ce jeudi 5 septembre la mise en place du niveau d’information du dispositif préfectoral.

Surnommé le polluant des beaux jours, l’ozone (O3) se manifeste uniquement durant les périodes les plus clémentes de l’année, généralement à partir de la fin du mois de juin. Au contraire de la pollution aux particules fines, qui s’observe en hiver.

L’ozone est un polluant secondaire qui ne sort pas directement des pots d’échappements, comme l’explique Florence Troude, ingénieure modélisation à Air Rhône-Alpes :

« Il se forme par une réaction chimique déclenchée par les rayons UV du soleil, à partir de polluants pré-existants dans l’air, appelés « précurseurs ». Ces derniers proviennent notamment du trafic routier, de certains procédés industriels et de l’usage de solvants comme dans la peinture ou la colle. »

 

Médaille d’argent pour Rhône-Alpes

Mis à part lors des pics d’ozone en été, c’est-à-dire lorsque la concentration en ozone dépasse les 180 microgrammes par m3 (µg/m3) en moyenne en 1h, on entend peu parler de ce polluant. Pourtant, Rhône-Alpes est la deuxième région la plus exposée à la pollution à l’ozone après la région Provence-Alpes-Côte-D’azur. Et les nombreux chassés-croisés des vacanciers dans ces deux régions en période estivale ne suffisent pas à expliquer ce classement. Frédéric Bouvier, directeur du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA), met en avant un autre paramètre à prendre en compte :

« Comme l’ozone se forme sous l’action du soleil, plus on descend dans le sud de la France, plus on a de chance d’avoir des épisodes d’ozone. Mais il faut aussi prendre en compte l’aspect continental : l’ozone se retrouve davantage à l’Est du pays qu’à l’Ouest. »

Présent dans les basses couches de l’atmosphère, ce polluant se déplace très vite. Ainsi la majorité de l’ozone se trouvant en France est importé par des vents d’Europe du Nord ou de l’Est.

 

Moins d’ozone au bord des périphériques

Rien ne sert de courir vous abriter à la campagne lorsqu’un nouveau pic d’ozone est annoncé : ce polluant présente la particularité de toucher davantage les zones péri-urbaines, rurales et d’altitude. En fait, c’est au bord des périphériques que l’ozone est le moins présent. Le directeur du LCSQA en fait la démonstration :

« Même s’il se forme en ville, lorsqu’il est au contact des gaz d’échappement, une nouvelle réaction se produit dans la foulée et l’ozone est consommé. En revanche, transporté par les masses d’air loin du trafic automobile, ce polluant reste stable. »

Ce qui signifie qu’on pourra observer de fortes concentrations d’ozone au beau milieu du massif montagneux des Ecrins, alors même qu’on pensait y prendre un bon bol d’air pur. Et Frédéric Bouvier d’ajouter :

« C’est le weekend que les villes sont davantage exposées à la pollution à l’ozone, lorsqu’il y a moins de circulation. »

Cartographie ozone Rhône Alpes 2011

La valeur cible est définie en France comme étant le seuil à partir duquel il existe des risques pour la santé.

Ainsi, en 2011, trois zones de la région ont été plus particulièrement exposées à l’ozone :

  • Le sud de la région, soumise aux masses d’air chargées d’ozone provenant du sud de la France,
  • Le Beaujolais et les Monts du Lyonnais, impactés par l’ozone provenant de l’agglomération lyonnaise,
  • Les bords du lac Léman, au nord-est de la région, sous l’influence de l’agglomération genevoise.

Une exposition chronique mortelle

Toux, diminution des fonctions respiratoires, maux de tête, irritation des yeux… Les effets de l’ozone sur la santé sont nombreux et touchent plus particulièrement les personnes fragiles (enfants, personnes âgées ou asthmatiques). En 2011, plus d’un tiers des Rhônalpins ont été exposés à la valeur cible de 120 µg/m3 en moyenne sur 8h, définie en France comme étant le seuil à partir duquel il existe des risques pour la santé.

La pollution à l’ozone peut également être à l’origine de décès. D’après une étude européenne, intitulée « projet APHEKOM », si la concentration en ozone à Lyon ne dépassait jamais les 100 µg/m3 en moyenne sur 8h, on retarderait huit décès par an et on éviterait sept hospitalisations.

Et c’est l’exposition prolongée à l’ozone qui s’avère être la plus dangereuse, comme le souligne Jean-Marc Yvon, épidémiologiste à la cellule de l’Institut de veille sanitaire (INVS) de la région Rhône-Alpes :

« Les effets sur la santé d’une exposition chronique à la pollution à l’ozone sont plus importants que ceux d’une exposition à court-terme. Il n’existe finalement pas de seuil en deçà duquel l’ozone ne présente pas de risque sanitaire. »

C’est donc à la campagne, où les records de concentration sont moins facilement atteints qu’en ville, mais où l’exposition des habitants à l’ozone est plus régulière, que les effets sur la santé sont les plus conséquents.

L’épidémiologiste précise toutefois que les effets sur le long-terme des particules fines sont plus importants que ceux de l’ozone. D’après les chiffres du « projet APHEKOM », si on ne dépassait pas la valeur guide de 20 µg/m3 annuels pour les particules fines PM10, on retarderait à Lyon 18 décès par an et 64 hospitalisations. Et pour les PM2,5, si on ne dépassait pas les 10 µg/m3, on retarderait 246 décès.

 

Des limitations de vitesse contre-productives

La réglementation en matière de qualité de l’air définit deux types de seuils de concentration d’ozone au-delà desquels certaines mesures d’urgences sont prises :

  • Le premier seuil est atteint lorsque l’ozone dépasse les 180 µg/m3 en moyenne sur une heure. Un dispositif préfectoral, dit « d’information et de recommandations » est alors activé : des actions d’information de la population et de recommandations sanitaires aux personnes fragiles sont mises en place.
  • Le second est le niveau d’alerte, déclenché à partir de 240 µg/m3 en moyenne sur une heure. Des mesures de restriction ou de suspension des activités concourant à l’élévation du niveau de concentration du polluant sont mises en place : limitations des vitesses maximales voire même circulation alternée lorsque l’ozone atteint 360 µg/m3 en moyenne sur une heure, ou encore suspension de certaines activités industrielles (dégazage, chargement/déchargement, etc.)

Difficile d’évaluer l’efficacité de mesures d’urgence telles que la réduction de vitesse. Mais si l’on suit la logique de ce polluant qui se stabilise uniquement loin du trafic automobile, une telle mesure parait presque contre-productive.

Lydie Nemausat, chargée de mission RESPIR (Réseau environnement santé pollution industrie et risque) à la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature) défend des mesures de fond :

« C’est sur le long terme qu’il faut réduire les limitations de vitesse et pas seulement quand il y a un pic d’ozone ».

Schéma ozone

Schéma explicatif de la formation de l’ozone réalisé par Fo3rest.eu

 

De plus en plus d’ozone avec le réchauffement climatique

Du côté de l’Agence régionale de santé (ARS), Jean-Marc Yvon partage ce point de vue. Pour lui, il faut prendre le problème à la source :

« Il est clair qu’il faut d’abord lutter contre la pollution de fond avant de lutter contre les dépassements de seuil. »

D’autant qu’avec le réchauffement climatique, l’ozone risque fort de devenir de plus en plus envahissant, comme le souligne l’épidémiologiste :

« Il faut s’attendre à avoir des épisodes d’ozone plus intenses et plus fréquents, ce qui ne sera pas sans conséquence pour la santé. Lors de la canicule de 2003, une partie de la surmortalité était déjà attribuable à l’ozone. »

 

Des Plans de protection de l’atmosphère toujours en discussion

Progressivement, des mesures sur le long-terme se mettent en place. Dans la région, il existe quatre Plans de protection de l’atmosphère (PPA), créés suite au décret du 25 mai 2001 : à Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et dans la vallée de l’Arve. En vigueur depuis 2010, ces PPA sont aujourd’hui en cours de révision pour y intégrer de nouvelles mesures. L’ozone dépassant régulièrement les valeurs limites dans la région, il devient l’une des priorités de ces PPA.

L’objectif affiché ? Agir directement sur les « précurseurs » (polluants pré-existants dans l’air) de l’ozone pour empêcher sa formation. Et puisque ce polluant se déplace avec le vent, agir localement ne suffit pas, comme l’indique par exemple le plan de Lyon :

« Ces actions doivent porter sur de vastes territoires pour avoir un effet réel. Elles seront donc prises de préférence aux échelles européennes et nationales. »

Pour lutter contre la pollution à l’ozone, ces PPA visent principalement les émissions liées au trafic automobile et aux activités industrielles : prévoir systématiquement une desserte par des transports collectifs lors de la création d’équipements commerciaux, ou encore inciter à la mise en place de plan de déplacement inter-entreprises pour les sociétés au delà de 250 salariés… Voilà le type de mesures prévues par ces nouveaux PPA, actuellement toujours en discussion.

La préfecture de Rhône-Alpes n’a pas souhaité communiquer sur les mesures mises en place pour lutter contre la pollution à l’ozone.

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