
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un livre numérique ? Les puristes diront que ce n’est pas un livre, mais un gadget. Une réponse pas tout à fait fausse, mais pas tout à fait vraie non plus. Le livre numérique désigne aussi bien la liseuse, c’est-à-dire l’objet, que le texte lu. Or, le texte en question n’appartient pas toujours au lecteur, à l’inverse de la liseuse, bien qu’il ait acheté les deux.
Crédit : Martin Vidberg/Lemonde.fr
1) Lire ce qui ne plaît pas à Amazon et Apple
Eh oui, ce que vous achetez n’est pas forcément à vous. Ainsi en a décidé Amazon. Imaginez que vous venez de vous procurer un livre physique qui, à la suite d’une polémique quelconque, se retrouve interdit. Votre libraire sera dans l’obligation de retourner tous ses exemplaires à l’éditeur. Mais vous, lecteur, vous aurez votre livre bien au chaud, prêt à être dévoré avec d’autant plus d’appétit. Dans l’univers numérique, les règles sont bien différentes. Amazon et Apple règnent en maîtres sur le marché du livre virtuel, avec les dérives que cela suppose. Ainsi, Amazon peut retirer un ou plusieurs ouvrages de votre liseuse, même si aucune controverse n’éclabousse les titres en question.
De quel droit ? Vous n’avez pas téléchargé un livre, mais seulement sa licence d’utilisation. Une clé d’accès que vous pouvez perdre à tout moment, sans aucune explication ni remboursement. Et si vous voulez tout de même lire un livre vendu par Amazon, vous devez posséder sa propre liseuse, le Kindle. Car le leader de l’e-book édite ses titres au format Mobi (ou KF8 pour Kindle Format 8) impossible à déchiffrer pour les autres tablettes. Apple n’hésite pas non plus à faire régner sa loi, notamment en refusant les livres qui lui feraient mauvaise presse. Totalitarisme ? Rappelez-vous qu’en 2009, Amazon avait créé la polémique en supprimant de toutes les bibliothèques les romans de George Orwell, La Ferme des animaux et 1984…
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2) Faire une sieste au soleil
Maintenant, imaginez-vous en pleine lecture d’un haletant polar. Le soleil tape. Vous êtes peinard sur le sable chaud, et le suspense ne parvient pas à vous maintenir éveillé. Vous vous dîtes qu’une petite sieste ne serait pas de refus. Eh bien, vous ne pouvez pas. Tout simplement parce que vous lisez votre roman sur un écran. Et vu le prix des tablettes et autres liseuses, entre 70 et 500€, on comprend que vous ne souhaitiez pas vous endormir l’objet posé sur les deux yeux. Objet qui, de surcroît, ne doit pas tellement apprécier les rayons UV. Alors bien sûr, vous pourriez mettre vos lunettes de soleil, mais serait-ce bien raisonnable de laisser votre « livre » sans surveillance ?
Car ce livre en contient plusieurs. C’est même la principale force de l’e-book. Avec une mémoire interne de 1 à 3Go, les liseuses sont capables de contenir jusqu’à 3000 romans, voire plus si le modèle permet l’ajout d’une carte SD. L’offre payante légale s’étendant entre 1 et 15€ par livre, l’avantage économique semble indéniable. Il n’en est rien. Les coûts d’impression et de transport des livres sont remplacés par les frais de numérisation, de stockage et de sécurisation des ouvrages par DRM (Digital Rights Management) qui verrouillent numériquement un fichier pour empêcher son piratage. Un dispositif de moins en moins systématique, car source de mécontentement. En effet, les DRM vous empêchent aussi de prêter votre livre.
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3) Caler la bibliothèque du salon
Cela étant dit, voilà que votre étagère pleine de vieux livres est toujours bancale. Et bien sûr, vous n’allez pas utiliser votre e-book pour la rehausser. Vous me direz, à quoi bon conserver une bibliothèque physique quand on en possède une virtuelle beaucoup plus fournie ? Ce serait oublier que cette étagère a une fonction décorative évidente, même pour celui qui ne lit pas. L’objet livre recèle quelque chose d’esthétique, par sa reliure, sa couverture, le toucher du papier jauni sous les doigt, l’odeur des vieux ouvrages… Sans parler des beaux-livres, qui portent bien leur nom. Alors bien sûr, la poussière qui s’incruste dans les recoins de ladite étagère est particulièrement pénible à nettoyer. Mais que voulez-vous, on n’a rien sans rien.
En poussant le vice, vous pourriez rétorquer que l’allergie à l’e-book, elle, n’existe pas. Tout est prévu pour le confort du lecteur, de l’encre électronique anti-reflet à l’absence de rétro-éclairage (à la différence des tablettes) pour éviter la fatigue oculaire. La taille du texte s’ajuste d’un glissement de doigt, ce qui permet de lire à volonté, en rangeant ses lunettes. Surlignage, annotation, définition d’un mot… Vous pouvez même corner virtuellement la page ! Grâce à l’évolution du format standard ePub3, les ouvrages illustrés tirent également profit de l’interactivité du web. Ces catalogues plus riches trouvent leur place dans les librairies virtuelles qui fleurissent sur le net. De leur côté, les libraires traditionnels expérimentent des offres croisées pour attirer les lecteurs du futur… et alimenter leurs étagères.
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4) Tuer une araignée (ou toute autre bestiole)
Mesdames, combien de fois vous êtes-vous retrouvées face à un monstre à huit pattes, sans parvenir à mettre la main sur l’objet idoine qui mettra un terme à son existence ? Oui, je sais, c’est cruel et quelque peu cliché. Quoi qu’il en soit, n’imaginez pas une seconde que vous pourrez aussi facilement écraser Aglaé l’araignée avec un Kindle, qu’avec Guerre et Paix. Son design ne s’y prête pas du tout. Petites et légères, les liseuses ont l’avantage de faire de vous une personne branchée, en phase avec le XXIe siècle. Ainsi, vous pouvez lire de grands classiques, dont Tolstoï, tout en étant hyper moderne. Ce qui plaira aux plus jeunes, ainsi qu’à leurs parents. Ces textes sont, qui plus est, souvent gratuits car libres de droit.
Des livres gratuits ? Et la loi Lang dans tout ça ? Très bonne question. La loi sur le prix unique du livre s’applique aux e-books depuis 2011. La France les soumet également à un taux de TVA réduit de 5,5% depuis le 1er janvier 2013, dans une logique d’alignement sur le livre papier. Ce qui n’est pas pour plaire à la Commission européenne. Bruxelles a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne en février dernier, considérant que les livres numériques ne sont pas des biens de première nécessité, à l’instar du livre physique. Ils constitueraient plutôt des services procurés par le web et devraient donc être imposés à 19,6%.
5) Faire dédicacer son livre préféré
Les adeptes de l’e-book doivent faire face à une frustration de taille : celle de la séance de dédicaces. Ce lien unique entre un auteur et son lecteur, ce dernier étant parfois capable de patienter des heures avant de rencontrer son écrivain fétiche. Quelques mots échangés, des sourires, un message personnalisé sur un livre qui devient instantanément un trésor pour son propriétaire… Il s’agit bien de chaleur humaine, d’émotions. Un domaine qui semble être l’apanage du papier. Quelques alternatives numériques se développent bien outre-Atlantique. Mais force est de constater que la « e-signature » est froide, distante et impersonnelle. Rien de comparable avec sa version papier.
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Cet amour du papier, culturellement ancré dans l’Hexagone, semble expliquer l’impopularité du livre numérique auprès des Français. Du moins, en partie. Aujourd’hui, le numérique peine à atteindre les 3% de chiffre d’affaires des éditeurs, alors qu’il en représente 20% outre-Atlantique. Une différence de taille également due à l’organisation de la chaîne du livre française, certes plus avantageuse pour les libraires que le schéma économique anglo-saxon, mais plutôt complexe à adapter à l’univers numérique. Ainsi, les initiatives se développent surtout au niveau régional, tandis que l’élaboration d’une stratégie numérique nationale ne semble pas prête à voir le jour.
Pourtant, le baromètre OpinionWay présenté en mars 2013 au Salon du Livre, indique que les « e-lecteurs » français sont de plus en plus nombreux, mais qu’ils n’ont pas renoncé au papier pour autant. Car l’un ne remplace pas l’autre, ils se complètent. Ainsi, la numérisation d’ouvrages non-réédités, dans le respect de la propriété intellectuelle, pourrait séduire les plus fervents défenseurs de l’imprimé. Car quoi de plus excitant pour un lecteur que de lire un livre qui, concrètement, n’existe plus ?
Non. Le texte est un livre numérique, l'objet est un livre électronique.
>1) Lire ce qui ne plaît pas à Amazon et Apple
Faux, il existe bien d'autres sources qu'Amazon et Google, et même des légales. Si vous n'êtes pas foutu d'aller chez un libraire numérique comme Feedbooks, tant pis pour vous. C'est comme dire qu'on ne peut lire que ce qu'il y a chez Leclerc ou la Fnac.
>2) Faire une sieste au soleil
De la même manière que l'on n'est pas forcé d'aller chez Amazon et Apple, on n'est pas obligé de passer par les fourches caudines des DRM et ce, toujours légalement. C'est fou, on avait l'impression que vous connaissiez le sujet et en réalité vous êtes à côté de la plaque.
Pour ce qui est de l'avantage économique ce sont les éditeurs qui sont à blâmer et ils fixent les prix des livres numériques comme des livres papiers.
>3) Caler la bibliothèque du salon
Là vous vous limitez au livre comme objet. Moi ce qui m'intéresse, c'est le texte. L'objet m'indiffère. Il n'est destiné aux lecteurs, mais aux bibliophiles. D'une manière générale, ce n'est pas là un défaut du livre numérique mais une caractéristique, la même qui fait gagner de la place dans le sac. Ce n'est ni mieux ni moins bien, c'est une caractéristique.
>4) Tuer une araignée (ou toute autre bestiole)
>Mesdames, combien de fois vous êtes-vous retrouvées face à >un monstre à huit pattes
Bon, ça, c'est du sexisme ordinaire. Le reste est inattaquable : effectivement, pour plomber l'essor du marché du livre numérique, les éditeurs lobbyient avec succès pour le prix unique sur le livre numérique. Le prix unique est une très bonne chose pour sauvegarder (et non sauver) un marché déjà existant (celui du livre papier en 1981) ; c'est aussi un très bon moyen d'empêcher un marché de se créer/développer rapidement. A qui profite le crime ? Aux éditeurs.
>5) Faire dédicacer son livre préféré
Je n'ai jamais compris l'intérêt de ces dédicaces, mais ça c'est moi. J'ai cru comprendre que c'était encore un truc de bibliophile pour accroitre la valeur d'un objet. Petit plaisir onaniste du collectionneur ou visée intéressée du commercial.
Comme vous le pointez en fin d'article, le livre numérique et papier se complètent. En ce qui me concerne, je continue à acheter beaucoup de livres papiers et de lire sur les deux supports. Je ne lis que de la littérature en numérique, je n'arrive pas lire de philo/d'essai sur ce support. Je ne lis pas en numérique chez moi, uniquement en voyage, dans le bus, le métro... L'un ne remplace pas l'autre. Ils se complètent.
Bref, le livre numérique c'est bien pour les lecteurs, pas pour les bibliophiles. Moi, je suis un lecteur, je suis bien content. :)
L'objet n'est pas un livre électronique, mais plutôt une liseuse ou une tablette par exemple. Il faudrait aussi dissocier support de lecture (de l'ordinateur à la tablette en passant par le smartphone et la liseuse) et dispositif de lecture qui permet *réellement* une lecture - numérique (liseuse ou tablette).
"Ce qui m'intéresse c'est le texte" : oui mais le design du livre numérique est pourtant extrêmement important, comme l'est le design du livre papier : choix typographiques, mise en page du texte, bonne adaptation sur petit ou grand écran. Donc non il n'y a pas que le texte...
"Pour plomber l’essor du marché du livre numérique, les éditeurs lobbyient avec succès pour le prix unique sur le livre numérique" : ah si seulement c'était si simple... Vous admettez qu'Amazon ou Google ne sont pas réellement des libraires puis vous défendez le fait que le prix unique du livre numérique bloque le développement du marché ?... Étrange contradiction ! Dans la chaîne du livre vous avez pensé aux auteurs et aux libraires ?... Avec un prix "non unique" pas sûr que les auteurs s'y retrouvent, et les éditeurs jouent déjà avec le prix unique du livre numérique (voir les ventes flash de certains éditeurs).
Et vous avez raison d'insister sur le fait qu'il existe des ebooks sans DRM !
Pourtant je me pose la questions: Qu'est-ce qui est mieux pour l'écologie? A première vue, je dirais les livres numériques, mais ca bouffe de l'energie aussi et puis je ne connais pas la durée de vie d'un ebook.... Qu'en pensez vous?