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Centrifugeuse de visionnage, épisode 15

Un gros bisou à tous ceux qui, le jour de la Fête de la Musique, se réfugient dans une salle de cinéma. Les vrais savent.

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Man of Steel de Zack Snyder

Après ces deux entreprises de démolition de la culture comics contemporaine qu’étaient 300 et Watchmen, comment donc Zack Snyder allait-il s’y prendre pour pisser sur la tronche des fans de Superman ? L’attente était à la limite du supportable pour bon nombre d’ayatollah offensés par la disparition du slip rouge survalorisant de leur Clark Kentounet.

Miracle, ironie suprême du mektoub, Snyder et son producteur Christopher Nolan investissent l’univers kryptonien avec vigueur, premier degré et émotion. Si l’on fait abstraction de grosses fautes de goût dans la direction artistique (le gloumoute volant de Russell Crowe est encore plus abominable avec la 3D) et dans la mise en scène (ces putains de zooms brutaux qu’on retrouve également dans le nouveau Star Trek), le premier tiers de Man of Steel tient bien la route grâce à son casting et à l’incroyable partition d’Hans Zimmer : mettez-là à fond dans le casque, descendez dans la rue, et vous vous mettrez automatiquement à marcher au ralenti, le menton levé, toisant les badauds de votre air divin.

Arrive alors le personnage de Loïs Lane, dont les péripéties, toutes plus grotesques les unes que les autres, soulignent cruellement des problèmes d’écriture insurmontables. Dans la dernière partie, Snyder et Nolan prennent leurs enjeux, leur font « fuck that » et troussent grosso modo la même fin qu’Avengers. Un bukkake discontinu d’images parfois magnifiques et toujours über spectaculaires, à l’issue duquel (SPOILER, OBVIOUSLY), après avoir détruit une bonne cinquantaine de buildings, Superman refuse de laisser mourir une chtite famille et se débarrasse de son adversaire façon Jack Bauer des mauvais jours. C’est alors que déboule l’épilogue le plus honteux et absurde vu depuis longtemps sur un écran. Pour citer Axel, Bauer lui aussi, « A trop vouloir y croire, on n’y croyait plus ».

Star Trek Into Darkness de JJ Abrams

La bande-annonce ne disait qu’une chose : il faut aller voir ce film pour le grandiose Benedict Cumberbatch, incarnation ultime de Sherlock Holmes, acting killing machine dont même les variations capillaires innommables à la Nicolas Cage n’entachent pas la superbe. Et le film, très habile variation sur l’univers trekkie plombée par l’écriture télévisuelle déjà ringarde de ce gros boulet de Damon Lindelof, ne fait que le confirmer. Benedict, you rock so hard it hurts.

Struck de Brian Dannelly

Dans le jargon jargonneux, on appelle ça un “Vanity project” : un film gaulé sur l’autocélébration de son acteur principal, histoire de montrer à quel point il est beau, puissant, biiiiiiieeeeeeeeeeen au-dessus de la masse mais quand même super sympa, dans le fond. Là, le produit qu’on nous vend est Chris Colfer, têtard rescapé de Glee qui a poussé le vice jusqu’à écrire le scénario. Carson, le personnage principal, est genre trop intelligent, du coup, il est un peu rejeté à l’école. Mais pas trop. Puis c’est compliqué à la maison, mais bon, ça va. Le ton est gentiment pince-sans-rire, puis à la fin ça vire drame à la Petits Mouchoirs. Struck, c’est du cinéma indépendant américain destiné à tous ceux qui avaient trouvé Juno beaucoup trop borderline.

The Bling Ring de Sofia Coppola

Une spectatrice sortie du film avant la fin me disait « Ces gens, ce monde, c’est Satan ». N’exagérons rien. D’un fait divers superficiel, Sofia Coppola tire une œuvre dont la mise en scène, à force de s’effacer, finit par disparaître complètement. Ces gens, ce monde, ce film, c’est avant tout le vide.

Room 237 de Rodney Ascher

Ce documentaire concept aux partis pris casse-gueule se révèle, sur la distance, plus astucieux qu’il n’y paraît. L’intérêt n’est pas tant dans les théories avancées sur le Shining de Stanley Kubrick que dans le déploiement d’obsessions quasi pathologiques pour le sujet. Rodney Ascher décortique à la fois l’investissement personnel de passionnés, la tentation galopante de la surinterprétation critique, et même les stratagèmes purement narratifs du complotisme. Room 237 est une pyramide scénaristique brillamment mise en forme, source permanente de surprises, de doutes et d’émerveillements inattendus, un hommage forcément manipulateur au maître de la manipulation visuelle, le gigantesque Stanley Kubrick.

The Bay de Barry Levinson

Oui, ah ah AH AH, de guerre lasse, à force d’en bouffer jusqu’à la nausée, je veux bien reconnaître que ce film d’horreur en found footage est sans doute le meilleur du genre. Maintenant, s’il vous plaît, laissez-moi pleurer devant Cannibal Holocaust.

Et enfin, pour finir, deux excellents films qui ne sortiront jamais en salles.

Found de Scott Schirmer

Entamée comme un petit film indé agité de soubresauts bien gorasses, cette micro-production s’emballe subitement dans sa deuxième partie pour se conclure dans le chaos total. Et ce récit initiatique dévoyé, où un jeune fan de film d’horreur découvre que son grand frère est tueur en série, de se transformer en projet à l’ambition peu commune : confronter la fascination pour le genre à l’horreur quotidienne – racisme, homophobie, intolérance, violences et ambiguïtés familiales – tout en célébrant ses vertus cathartiques. Fort de son apocalypse finale, le propos de Found sur le cinéma horrifique est plus pertinent que deux décennies de productions hollywoodiennes “ironiques“, de Scream à La Cabane dans les Bois. En fait, à quelques performances en demi-teintes près, on n’est pas loin du chef-d’œuvre.  

A Liar’s Autobiography : The Untrue Story of Monty Python’s Graham Chapman de Bill Jones

Bien sûr, être fan des Monty Python est un plus indéniable pour savourer cette élégie vaguement inspirée des mémoires de Graham Chapman, mais – et c’est là le signe évident de la réussite – ce n’est pas indispensable. Bill Jones livre, avant toute chose, son interprétation forcément distancée d’un livre à la richesse stylistique exemplaire ; il trahit sa source pour en donner sa vision : un vaste délire à l’animation inventive, héritier des montages de Terry Gilliam et des transgressions narratives coutumières des Python, et dans le même temps porté par sa propre folie. Cette biographie sublimée de Graham Chapman est l’histoire d’un homme brillant, d’une réincarnation frondeuse d’Oscar Wilde tiraillée par ses contradictions et ses démons. Et c’est une belle histoire, tortueuse, politiquement incorrecte, sale et tendre à la fois.


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