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Centrifugeuse de visionnage, épisode 12

Résumé des épisodes précédents : des films, un homme, un site, et les critiques qui résultent de ces unions crapuleuses.

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The Ambassador de Mads Brügger

Kamikaze s’il en est, le réalisateur, ancien journaliste de son état, se fait passer pour un ambassadeur de Centrafrique dans le but même pas déguisé de récupérer un gros tas de diamants. Le tout en caméra souvent cachée, dans un exercice documentaire aussi périlleux qu’édifiant. Odieux, hautain et condescendant dans la plus pure tradition coloniale, Mads Brügger se fond dans un décor gangrené par la corruption, et autres malversations de plus en plus inquiétantes – attendez donc la scène avec un ancien barbouze des services secrets français pour saisir l’ampleur du désastre. Si le montage peine à insuffler du rythme à ces péripéties hallucinées, le tableau final témoigne à la fois d’un travail de journalisme borderline mais pour le moins concluant, et d’une performance incroyable de la part de son auteur, faisant en quelque sorte de Mads Brügger la version courageuse de Sacha Baron Cohen.

A Hijacking de Tobias Lindholm

Cinéma danois qui envoie, bis. Récit de l’interminable prise d’otage d’un cargo danois par des pirates somaliens, de la survie de l’équipage et des délicates négociations avec le siège à Copenhague, Hijacking dose avec minutie les allers-retours entre deux acteurs époustouflants de sobriété : le choupinet Pilou Asbæk et le grave Søren Malling (vus tous deux dans l’excellente série Borgen). Respectivement le cuisinier du cargo, intronisé porte-parole de l’équipage, et le PDG de la société attaquée, négociateur novice, animé de bonnes intentions bien loin d’être suffisantes. Deux personnages brillamment écrits et incarnés, âmes d’une œuvre filmée avec distance pour mieux saisir le vertige des situations et leurs impacts réciproques. Jusque dans ses violentes ruptures de ton, Hijacking ne perd jamais de vue les enjeux féconds de son récit, et les mène avec une virtuosité d’autant plus remarquable qu’elle ne succombe jamais à l’épate.

Oblivion de Joseph Kosinski

Une minorité fatalement silencieuse attendait de pied ferme le nouveau film du réalisateur de Tron l’Héritage. Entre la scène ridicule avec Daft Punk et les considérations philosophico pouet pouet d’un Jeff Bridges en pleine mauvaise descente Dude-esque, il y avait tout de même, dans cet objet branlant, de pures idées de mise en scène et l’une des meilleures prostitution de la 3D vue sur grand écran. Adaptant son propre comic book avec un budget confortable et une superstar ultra-motivée, Kosinski avait a priori toutes les cartes en main pour porter sa vision cinématographique. Mais justement, et c’est bien là le problème, de vision, il n’y en a point. Oblivion n’a aucune originalité, à quelque stade de sa confection. Son scénario est un best-of de titres emblématiques de la science-fiction, sa réalisation s’engonce dans un style pompeux pour donner l’illusion du lyrisme, et retombe systématiquement à plat. Quant à la bande-son de M83, c’est bien simple : depuis le tube Midnight City, Anthony Gonzalez doit s’imaginer qu’on attend de lui de la musique de pub pour tablette numérique.

Upside Down de Juan Solanas

Le réalisateur a eu une vision assez marrante : deux planètes jumelles, liées entre elles par des gravités inversées, avec un monde « d’en haut » et un monde « d’en bas » (MESSAGE). Ensuite, il y a greffé une histoire d’amour très arc-en-ciels et petits poneys dans l’esprit, entre des personnages des deux mondes prénommés Adam et Eden (MESSAGE). Ensuite, il a tartiné une direction artistique pas possible, à faire passer les représentations de l’au-delà dans Lovely Bones pour de l’épure bergmanienne (… message ?). Enfin, il a enrobé le tout d’une bande-son qui envoie les violons comme d’autres des panzer divisions. De fait, Upside Down ressemble au trip de LSD d’un enfant de huit ans.

Diaz de Daniele Vicari

Pendant trois quarts d’heure, cette reconstitution de la grosse bavure policière survenue pendant le contre-forum de Gênes en 2001 nous la joue candide. Les divers protagonistes de ce faux film choral sont tous super gentils, et la narration surligne cette naïveté ambiante avec son leitmotiv pas franchement pertinent, à base de « Et dire que tout ça a commencé avec une bouteille lancée » – bouteille dont on aura l’occasion de voir moult fois le vol funeste au ralenti. Une fois la situation posée, Daniele Vicari nous assène l’énorme morceau de bravoure du film, l’assaut des forces de l’ordre remontées à bloc contre des civils désarmés. Et Diaz de se transformer en remake de Bloody Sunday sous stéroïdes, où la violence aveugle des coups de tonfas ne peut que prendre le spectateur à parti et jouer sur sa fibre d’indigné en deuil de Stéphane Hessel. La méthode ne date pas d’hier, mais permet à Vicari de composer un saisissant moment de cinéma : l’attente des résidents du premier étage, les mains levées, avec les bruits de passage à tabac en sourdine. Rien que pour cette monumentale minute, le film vaut le coup d’œil.

Underground : The Julian Assange Story de Robert Connolly

Publicité mensongère : ce film est très loin de raconter toute l’histoire du fondateur de Wikileaks – en fait, il s’arrête quelques années avant la fondation du site. On y suit les aventures très fresh et funky d’un adolescent à la chevelure pas possible, féru d’informatique, qui fait les 400 coups avec ses potes geeks et sa girlfriend vaguement gothique, sous l’œil attendri de sa môman hippie. Taciturne mais envoûtant, Julian démonte un cercle de méchants pédophiles, vole des ordinateurs, embrasse la naissance d’Internet puis celle de son gosse, s’amuse avec le flic qui le traque pour le protéger du méchant FBI. Derrière son effroyable platitude formelle, ce téléfilm de luxe révèle néanmoins une chose entre les lignes : l’indéfectible bienveillance des Australiens envers Assange, sublimé ici en génie du bien torturé par son passé difficile, dont le regard impassible cache un cœur gros comme ça qui a envie de dire « je t’aime ».

The Collection de Marcus Dunstan

Suite du moyennement convaincant The Collector, le nouvel essai de Marcus Dunstan est un pétage de plombs assez drôle mais manquant (une nouvelle fois) cruellement de rythme et de véritables enjeux, outre la survie de ce gringalet de Josh Stewart. De guerre lasse face à l’uniformisation toujours plus accrue du cinéma d’horreur, on pourra tout de même y apprécier l’épique scène de ravage d’une free party à la moissonneuse-batteuse, ou encore la présence dans un second rôle de Lee Tergesen, l’inoubliable Tobias Beecher de la série Oz.

Would you rather de David Guy Levy

Sournoise variation autour du Torture porn, ici dévoyé à l’inconfortable sauce collective, Would you rather repose, comme toutes les productions du genre, sur un dosage à la truelle entre manipulation, surenchère et sadisme. Le cabotinage de notre Jeffrey Combs d’amour et la radicalité cynique de la conclusion n’y peuvent rien : le torture porn a été, est et restera le genre cinématographique le plus viscéralement putassier après le porno.

Maximum Conviction de Keoni Waxman

Tiens, Steven Seagal a encore grossi. Et son binôme d’occasion, le catcheur Steve Austin, joue encore moins que lui – un genre d’exploit en soi.

God Bless Ozzy Osbourne de Mike Fleiss et Mike Piscitelli

Fausse biographie du leader de Black Sabbath et vraie spot de santé publique contre les ravages de l’alcool et de la drogue dans le show-business, ce documentaire passe de fait complètement à côté de son sujet pourtant passionnant – un autre genre d’exploit en soi.

 


#Diaz

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