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Marche blanche à Échirolles : le calme après la tempête

Trois jours après le double meurtre à Echirolles, la visite-éclair de François Hollande lundi soir suivie du classement de ce quartier de l’agglomération grenobloise en zone de sécurité prioritaire, une marche blanche en mémoire des deux adolescents lynchés a stoppé le temps sur ce territoire isérois. Comme en 2010, Grenoble remet sur le devant de la scène les ques

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tions de sécurité… et excite le FN local.

Marche blanche à Echirolles le 2 octobre 2012 ©PHOTOPQR/LE PARISIEN/MATTHIEU DE MARTIGNAC

Une ville à l’arrêt. C’est à cela que ressemblait Echirolles à 18 heures. Des terrasses de restaurants vides, le trafic routier suspendu et le tramway à l’arrêt, devant l’affluence exceptionnelle des personnes décidées à marcher silencieusement en mémoire de Kévin et Sofiane, les deux victimes de l’expédition punitive de vendredi soir âgés de 21 ans. Selon les premières estimations, près de 10.000 personnes seraient venus défiler derrière les parents des victimes. Un lâché de colombes a clôturé cet hommage silencieux, parfois entrecoupés d’applaudissements de soutien de la foule aux familles. Une ville à l’arrêt, après quatre jours d’agitation autour de cette affaire.

Chronologie d’un « fait-divers »

Comme un refrain déjà entendu sous l’ère de Nicolas Sarkozy, interpellations en nombre et annonces politiques ont succédé au drame.

6 heures : 10 personnes, âgées de 16 à 22 ans, ont été interpellées à l’aube à la Villeneuve et au Village Olympique à Grenoble par le GIPN et une cinquantaine de policiers, dans le cadre de l’enquête sur le lynchage à mort des deux garçons.

11 heures : Manuel Valls sort de l’Hôtel de Police et informe un parterre de journalistes venus nombreux que les quartiers sud de Grenoble bénéficieront d’un renforcement des forces de l’ordre.

Une annonce attendue par tous dans la capitale des Alpes. Les élus locaux et les syndicats de policiers avaient d’ailleurs été surpris qu’elle ne figure pas dans la liste des 15 premières zones de sécurité prioritaires (ZSP) présentée fin juillet par le ministre de l’Intérieur, garantissant une augmentation d’effectifs dès cette rentrée.

« On se retrouve en deçà des effectifs que nous avions au moment des événements de La Villeneuve », lorsque ce quartier avait connu trois nuits de violents affrontements en juillet 2010, affirmait ce matin Daniel Chomette, secrétaire départemental du syndicat Unité SGP Police.

D’après lui :

« Il arrive qu’il y ait parfois, à certaines heures de la semaine, une seule patrouille de deux fonctionnaires pour assurer toute la sécurité des Grenoblois ».

Illusion des chiffres

Après les émeutes de 2010 et le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, 42 policiers supplémentaires avaient été affectés sur l’agglomération iséroise. Depuis « les effectifs supplémentaires ont fondu comme neige au soleil », selon le député-maire (PS) de Grenoble, Michel Destot. Principal raison à cela, le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans le cadre de la RGPP. Au total, il manque huit officiers de police pour retrouver l’effectif de juillet 2010.

« Et comme la nature a horreur du vide, ça laisse le champ libre à certains qui ont une autre notion de la vie en collectivité. C’est la loi de la violence et des caïds », analyse Daniel Chomette.

Chicago-sur-Alpes

Les faits lui donnent raison. Depuis le début de l’été, l’agglomération grenobloise a connu une recrudescence du banditisme et de la criminalité.

A deux reprises, à Saint-Egrève et à Saint Martin d’Hères, des carrés de bijouteries de supermarché ont été la cible de braqueurs armés de Kalachnikovs et juchés sur des scooters à l’intérieur même des magasins.
Autre braquage à main armé, cette fois-ci en plein cœur de Grenoble et à l’heure de l’apéro, des malfaiteurs dévalisent une bijouterie de l’hyper centre, à seulement 400 mètres du commissariat central de Grenoble, sous le regard atterré des passants assis aux terrasses de cafés de la place Notre Dame.
Deux entrepôts d’Emmaüs ont également été la cible de braqueurs à Sassenage et au Versoud pour un préjudice financier de 8.500 euros.

Dernière en date, une fusillade mortelle le 8 septembre dernier sur le parvis de l’Eglise Notre Dame du Rondeau. Un homme de 48 ans, du « milieu » stéphanois a été abattu par un homme à pieds à quelques mètres du marché dominical. Un passant a également été blessé par balle à la cheville.

Autant d’affaires non résolues pour le moment. « On est totalement démuni, nous nous retrouvons à gérer l’urgence », commente sur ce point Daniel Chomette.

Hollande, loin de la « réactivité maximale » de Sarkozy ?

Une visite présidentielle, dix interpellations à l’aube, l’annonce du renforcement des effectifs de police ; le temps d’une matinée, Grenoble est revenue deux ans en arrière au moment des émeutes urbaines du quartier de la Villeneuve. François Hollande a fait le déplacement aux pieds des Alpes hier soir accompagné du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, pour une visite surprise aux familles des victimes du double meurtre d’Echirolles.

Interpellé depuis son balcon par une habitante du quartier réclamant la sécurité en comparant les quartiers Sud de Grenoble au « Texas », le président de la République a justifié son déplacement :

« Le droit à la sécurité, c’est ce que je suis venu leur apporter. Sécurité, justice et réussite ».

Une prise de parole nocturne, tête levée, dans un quartier sensible qui n’est pas sans rappeler une autre image. Celle de Nicolas Sarkozy dans la même position à Argenteuil en 2005 annonçant qu’il allait débarrasser le quartier de cette « racaille ».

Début septembre pourtant, dans un entretien au journal Le Monde, François Hollande prenait ses distances avec la « réactivité maximale » de Nicolas Sarkozy et du « je parle, donc je gouverne, j’annonce, donc je décide ».

La pression politique aura eu raison des bonnes résolutions. Car depuis hier soir, ses adversaires politiques n’ont pas manqué de l’interpeller sur les questions de sécurité. Jean-François Copé, numéro un de l’UMP, interrogé ce matin par Canal + sur la venue de François Hollande à Echirolles a estimé qu’il «était temps» que le président «se manifeste».

Le FN dépose une « motion d’ordre » devant l’assemblée plénière du conseil régional

A la Région, c’est Bruno Gollnisch, élu Front national, qui a interpellé par courrier Jean-Jack Queyranne, président de Rhône-Alpes.

« Le Groupe d’élus Front National que je préside souhaite que M. le Préfet de Région (…) vienne personnellement devant notre Assemblée pour (…) nous faire rapport sur l’inquiétante dégradation de la sécurité, spécialement dans les agglomérations de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble, et qu’à l’issue de ce rapport un débat soit organisé sur les moyens de remédier à la situation actuelle ».

Et si le placement de la Villeneuve dans la seconde vague des zones de sécurité prioritaires satisfait les responsables politiques locaux, sur le terrain l’inquiétude persiste.

« Cela signifie que les recrutements n’auront pas lieux avant 2013. Il va encore falloir tenir plusieurs mois comme ça. La police nationale est en pyjama face à la délinquance », estime Daniel Chomette du syndicat de policiers Unité SGP.


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