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20/03/2024 date de fin
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Centrifugeuse de visionnage, épisode 8

Comme ça faisait un bail, aujourd’hui, c’est double ration de chroniques.

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2016 Obama’s America de Dinesh D’Souza et John Sullivan

En fait de pamphlet à charge contre l’actuel président américain, ce “documentaire“ “sulfureux“ s’impose comme la réponse par l’absurde des républicains conservateurs aux gesticulations filmées de Michael Moore. En toute humilité, Dinesh D’Souza évoque son propre destin d’enfant élevé dans la misère des rues de Bombay, puis de brillant étudiant aux Etats-Unis où il accomplit le rêve de tout immigré : bosser pour Ronald Reagan à la Maison Blanche. Barack Obama a étudié en même temps que lui, ils ont eu leur diplôme la même année, et du coup Dinesh ne comprend pas comment il a pu se retrouver loin, si loin à l’autre extrémité de l’échiquier politique US. Dinesh a une théorie : comme Barack n’a que très peu connu son père, il est devenu tout fucké sans sa tête. Il s’est mis à traîner avec des communistes anticolonialistes, puis a fomenté un plan pour se faire élire à la tête des Etats-Unis, grâce à l’Internationale Antiraciste (dénoncée pas plus tard que la semaine dernière par Jean-François Copé – tout se recoupe). Voilà tout ce que nous apprend 2016 Obama’s America : Barack a été élu parce qu’il est noir, et son but secret est d’enlever de sa superbe à l’Amérique pour rééquilibrer le monde et booster les pays pauvres. Pour étayer son propos, Dinesh se filme en train de dire « Oh my God » à divers intervenants dès qu’ils confirment un tant soit peu ses théories, et s’en va même rencontrer le frère kényan de Barack pour tenter de lui arracher des saloperies sur môssieur le président – en vain. Il y a des centaines de questions à poser sur la mandature Obama, des interrogations préoccupantes sur son bilan ; ce stupéfiant exercice de mauvaise foi partisane réussit l’exploit de n’en formuler aucune de réellement signifiante.

Les Enfants Loups, Ame & Yuki de Mamoru Hosoda

Alors oui, les quelques inserts 3D de cavalcade sont sans doute inutiles. Mais BORDEL DE MERDE, un film qui parvient à émouvoir par la seule beauté de son univers et de ses intentions, qui parle aussi bien à l’enfant qu’à l’adulte, qui réconcilie avec la famille, les gosses, les animaux, la nature, et MÊME le cinéma jeune public, qui ne demande qu’un abandon empathique de dix secondes montre en main pour vous tirer des torrents de larmes, qui vous donne envie d’aller forcer tout le monde à le voir à grands coups de pieds au cul, qui pousserait presque à faire des gosses rien que pour pouvoir leur montrer ? Je n’avais pas vu ça depuis Mon Voisin Totoro.

Chained de Jennifer Lynch

Partie tourner un Bollywood apparemment tout pourri contre vents et marées, la fifille à David revient à la raison et à son style de prédilection : le film de genre shooté au malaise complaisamment scarifié. Vincent d’Onofrio, plus Baleine que jamais, élève le rejeton de l’une de ses victimes dans ses préceptes de tueur en série misogyne. Toutes proportions gardées, Jennifer Lynch signe l’équivalent de ce que fut Tideland pour Terry Gilliam : une réponse trash et bien énervée à une énorme frustration artistique ressentie sur un projet précédent. Chained est poisseux, sale, ambigu… et s’égare quand il tente maladroitement de mettre en abyme sa relecture toute personnelle des relations père / fils. Mais le film tient le cap de son dispositif sans jamais jouer sur la manipulation du spectateur, le tout quasiment sans quitter le cadre du huis clos. Mieux : aux incorrigibles qui ne manqueront pas de chercher le sous-texte sur sa relation avec son propre papounet, la cinéaste répond par la mise en scène. Les plans s’étirent, macèrent, implosent en un chuchotement, et fonctionnent sur les deux niveaux de lecture. Au jeu de la dissolution du patriarcat dans ses errances morales, pour l’instant, les réalisateurs japonais (Sono Sion en tête) frappent toujours les plus forts. Mais à l’avenir, il faudra sans doute compter sur les bourrades de Jennifer.

Compliance de Craig Zobel

De la manipulation de spectateur en veux-tu ? En voilà. Plein. De la bonne grosse dose de malsain livrée par palettes entières. Quand Craig Zobel ne fait pas monter la pression à coups de champs / contrechamps aussi subtils qu’un éditorialiste du Point qui se caresserait devant nos yeux en chuchotant « tu le sens, mon gros message ? », il charge les seconds rôles de réexpliquer les actions qu’on vient juste de subir. On ne peut pas lui enlever une certaine cohérence : à travers sa mise en scène, Zobel considère les spectateurs comme ses personnages “inspirés de faits réels“ – comme des abrutis qu’on tient à distance pour se sentir mieux.

Resident Evil : Retribution de Paul W. S. Anderson

OK, ça y est, Anderson et ses producteurs n’ont plus AUCUNE idée pour continuer à alimenter leur lucrative saga. Pas de problème ! Ce cinquième volet sert uniquement de transition entre le quatrième et le sixième film – en jeu vidéo, je crois qu’on appelle ça un sous-niveau. En gros, Alice est retenue dans une base sous-marine d’Umbrella Corporation (située au Kamchatka, pour les malades que ça intéresse), et doit en sortir en traversant des simulations d’infections hardcore dans des grandes villes remplies de clones des acteurs des films précédents. Et c’est tout. Anderson aime bien filmer sa Milla Jovovich de femme sous toutes les coutures, n’importe comment, et on est plutôt content pour lui. Il demande aussi à son casting de reproduire les mouvements emblématiques des personnages originels, et c’est très drôle (regardez Jill Valentine tirer, ça vaut le détour). A un moment, un clone de Michelle Rodriguez refuse de se servir d’une arme à feu, parce qu’elle a « manifesté contre la NRA » (voir image ci-dessus). Derrière son titre mystérieux, Resident Evil : Retribution est un film moral : Michelle succombe à la raison quelques minutes plus tard et démastique du zombie avec un lascif empressement.

The Fourth State de Dennis Gansel

Calmement mais fermement, Gansel se construit la filmographie la plus grandiosement aberrante de la jeune génération de réalisateurs allemands. Après le grotesque La Vague (alias “le fascisme pour les nuls“) et le très drôle Nous sommes la nuit (alias “les vampires lesbiennes pour les puceaux“), Dennis se sent tout chose et se lance carrément dans le film d’espionnage plus ou moins politique ; à Moscou, parce que ça sent bon la guerre froide. Le grand Moritz Bleibtreu joue un journaliste qui ne comprend rien à ce qui lui arrive : il enquête sur les services secrets russes, et il se retrouve en prison ! C’est fou. Bon, au moins, Gansel ne se cache pas derrière le label “inspiré de faits réels“, et tente de faire le film à sa sauce : efficace à défaut d’original, la pédale douce sur les effets pompiers qu’il chérissait tant, et concentré jusqu’à la rupture d’anévrisme sur son script aux enjeux dénonciateurs. Du coup, Dennis pédale gentiment dans la semoule quand il s’agit de tout balancer, mais Moritz, tout concerné et beau dans l’humiliation, vaut bien une valse.

Rock Forever d’Adam Shankman

ARRÊTEZ d’adapter des shows de Broadway au cinéma, ça ne marche pas. C’est gênant pour tout le monde. A l’écran, personne n’a l’air de s’amuser. Ça dure plus de deux heures. Les réarrangements empirent des morceaux déjà atroces. Et s’il lui reste ne serait-ce qu’une once de dignité, la direction artistique s’est pendue.

Take this waltz de Sarah Polley

Sarah Polley avait très envie de faire un travelling circulaire de Michelle Williams et Luke Kirby en train de fucker sur la magnifique chanson éponyme de Leonard Cohen. Mais ça ne fait pas un film. Avant d’en arriver là, il a donc fallu pondre une heure de vide intégral, d’un morne quotidien où Williams s’éclate en pissant dans une piscine, tandis que son époux à l’écran Seth Rogen écrit un livre de recettes de poulet. D’où schisme relationnel, coït en musique (Sarah avait raison, c’est vrai que c’est joli, cette scène), puis une ultime demi-heure de jérémiades inconsistantes. Et hop, vous obtenez une sensation au festival de Sundance.

Crazy Dad de Sean Anders

En fait, Adam Sandler a donné tout ce qu’il avait dans Rien que pour vos cheveux et Funny People. Depuis, il est vidé. En préretraite, à l’affiche de projets tous plus indolents les uns que les autres. Copains pour toujours ? Une simple virée avec tous ses potes acteurs. Le Mytho ? Un décalque, en moins bien, de ses précédentes comédies romantiques. Jack et Julie ? Un sommet de vaudeville pantouflard, qui s’achevait avec la vision d’horreur d’Al Pacino rappant et frétillant du cul dans une publicité pour Dunkin Donuts. Avec Crazy Dad, il franchit un cap. La paresse de son jeu n’était jusqu’ici qu’intolérable ; là, elle donnerait presque envie de le tuer. J’ose : même Vanilla Ice (dans son propre rôle, ah ah) joue mieux. Oh, et toi, Andy Samberg, c’est pour ÇA que t’es parti du Saturday Night Live ? Tu crains.

 

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