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Centrifugeuse de visionnage, épisode 7

Vous connaissez les règles : un homme, des films, des séries, d’autres trucs, et les chroniques en cascade qui résultent de ces confrontations disproportionnés. Ah, et sinon, le numéro 3 de So Film est sorti en kiosques, et ça poutre toujours autant.

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Les mouvements du bassin de HPG

En grande partie délesté du pesant ego-trip masochiste qui plombait dangereusement On ne devrait pas exister, HPG, le météore éternellement crashé du porno français, rebondit une nouvelle fois là où personne ne l’attendait. Sa nouvelle expérience dans le cinéma traditionnel, guidée par une mise en scène instinctive qui se branle de perdre le fil, enchaîne les chocs de corps étrangers – le pimp Cantona et sa monstrueuse prostituée, la paumée Rachida Brakni et la romantique Joana Preiss, HPG et le bulldozer Jérôme Le Banner. HPG et la dépression, la bêtise frontale, la peur du sida ; HPG et ce cinéma d’auteur français qu’il tentait, souvent maladroitement, de baiser par tous les trous dans On ne devrait pas exister. Le réalisateur et le scénariste tentent de greffer leurs différentes histoires au jugé, l’acteur se torture pour gagner en épaisseur. D’abord effrayée par sa propre monstruosité, la sauce finit par prendre entre deux giclées (gentiment) trash et des foulées expérimentales. Les mouvements du bassin manque sérieusement de maîtrise, mais c’est ce qui construit justement son identité, sa sincérité parfois déplacée, et au finish son intérêt. Il n’y a rien de pire dans les arts franchouillards que cette increvable tendance de l’autoportrait de l’artiste en loser ne demandant qu’à être flagellé. Dans ce registre trop souvent merdeux, HPG vient de s’imposer en passionnant chef de meute.

Wrong de Quentin Dupieux

Autre chef de meute, mais dans un chemin de traverse de moins en moins honoré par le talent, Quentin Dupieux assure quasiment à lui seul la survie de l’absurde comme moteur cinématographique, entre l’écrasant héritage des Monty Python et le décalage “naturel“ de l’American Way of Life. De fait, ses films donnent avant tout l’impression d’être des dispositifs bien rôdés, des bijoux d’esthétisme tirés vers le haut par la force de leurs concepts narratifs. Que se passe-t-il lorsque cet univers se replie sur lui-même sans autre but que la résolution d’une intrigue basique, dont on nous balance de toute façon l’issue à la moitié du parcours ? C’est à vrai dire l’unique question posée par Wrong, sa nouvelle bande hallucinée aux hoquets merveilleusement grotesques. On s’y love dans des gimmicks sans aucun sens, on y jouit de performances irrésistibles, de gags somptueux, d’un timing comique quasi parfait. Quentin Dupieux est définitivement en pleine possession de ses moyens, et même si l’on peut bitcher à foison sur le manque de substance de son petit dernier, ce genre d’expérience en salle obscure est suffisamment rare pour nous clore le clapet. Pour le moment.

Killer Joe de William Friedkin

La collaboration entre le dramaturge Tracy Letts et le cinéaste William Friedkin est sans doute l’une des meilleurs choses qui soient arrivées au cinéma “indépendant“ américain, depuis son étouffant cloisonnement par les dogmes esthétiques en vogue à Sundance. Poisseux, claustro, cauchemardesque, glaçant d’ironie, le binôme Bug / Killer Joe transcende la subversion complexe des pièces originelles à la grâce de son regard cinématographique percutant, qui sait ménager ses effets pour mieux assommer d’un violent coup de trique. Comme Bug, Killer Joe est la lente montée d’un bad trip qui ne peut que mal finir – le tout étant de savoir jusqu’à quel point. Guidé tant bien que mal par des personnages tous plus abrutis les uns que les autres, le film se joue habilement du malaise des situations avec un savoureux mauvais esprit, ne regarde jamais ses crétins de haut mais prend un malin plaisir à les cogner, les torturer, les enfoncer dans leur propre veulerie. A priori moins puissant que Bug dans son discours, Killer Joe reprend du poil de la bête dans son tétanisant climax, véritable uppercut à toute bienséance.

Motorway de Soi Cheang

Révélé en 2006 avec le brillant Dog Bite Dog, Soi Cheang a depuis beaucoup de mal à soulever autant d’enthousiasme. Habile faiseur, metteur en scène capable d’épatantes fulgurances dans des récits balisés, il n’est pas l’unique responsable de l’ennui ressenti à la vision de ce simili décalque policier de Drive : l’intolérable endive Shawn Yue a beau faire ronronner les moteurs et serrer ses petits poings rageurs lorsque son copain se fait buter, il n’est jamais crédible. Ryan Gosling, à côté, c’est Jim Carrey en montée d’acide. A défaut du charisme indispensable pour supporter ce genre de rôle, le film tombe dans la catalepsie, avec de vagues sursauts lors de scènes de poursuite superbement exécutées.

Eastbound & Down, saison 3 (HBO)

Ah Kenny Powers, intolérable connard arrogant, égoïste et irresponsable en perpétuelle quête d’un come-back sur les terrains de baseball, tu nous avais vendu du rêve frelaté dans la saison 2 de ton show, sommet de méchanceté gratuite en terres mexicaines. Au point qu’on craignait que tes créateurs n’aient plus rien à te faire dire. Et malheureusement, c’est pas loin d’être le cas. Ton ultime tour de piste est une poussive accession à la maturité, où tous les guests prestigieux (Will Ferrell, Don Johnson, Matthew McConaughey, Craig Robinson…) viennent faire coucou une dernière fois et-puis-s’en-vont. Les meilleures scènes sont celles avec ton alter ego (puis son jumeau), joué par le grand Jason Sudeikis, et cette prière équivoque avec celui qui reste le meilleur guest du show. Tu brilles toujours de mille feux, mais tu ne nous surprends plus. Tu aurais dû partir dans un bang, tu as choisi le chuchotement. Your choice, asshole.

Le discours de Clint Eastwood à la Convention Nationale Républicaine

Pièce de résistance de l’absurde raout autour du mollasson candidat républicain Mitt Romney, Clint était donc ce fameux invité mystère du jeudi sur lequel les médias ont tenté d’entretenir le buzz. Appelé sur scène au son du thème du Bon, La Brute et Le Truand, Clint s’installe et entame les hostilités en rappelant que tous les acteurs hollywoodiens ne sont pas démocrates – la preuve, il venait juste de croiser Jon Voight dans les rues de Tampa, où se déroulait la convention ! Le ton est hésitant, le phrasé bredouillant. Qu’importe, il a préparé un sketch : un dialogue imaginaire avec le président Obama, figuré par une chaise vide à ses côtés, qui ne répondrait à ses invectives que par « Go Fuck Yourself » (« Mais non enfin, je ne peux pas faire ça », répond-il, cherchant le rire forcé de son public pourtant gonflé à bloc). Peu importe l’euphorie partisane : le moment est profondément gênant, y compris politiquement. Les deux plus gros reproches adressés à Obama sont la guerre en Afghanistan (initiée par Bush) et son désir de fermer Guantanamo (parce que c’est dommage d’avoir investi autant d’argent pour stopper cette glorieuse initiative au bout de quelques malheureuses années), le tout asséné par un vieux monsieur qui n’a pas l’air d’avoir toute sa tête. Au bout d’une pénible dizaine de minutes, à l’invite pressante du public, il conclut sa harangue sans queue ni tête par sa réplique emblématique de L’Inspecteur Harry, « Go ahead, make my day », sans y croire. Triste.

 

 


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