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Cultures 

Friche RVI : une histoire lyonnaise en film

par Dalya Daoud.
Publié le 1 juin 2012.
Imprimé le 27 septembre 2023 à 19:43
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Elle a fermé en janvier 2011. La friche RVI s’est vidée de ses résidents, des artistes, des activistes, des squatteurs, beaucoup de monde, de passage dans ces 25 000 m2. Une immensité. Le lieu aura ainsi vécu pendant plus de 10 ans, objet de désirs, théâtre de guerres intestines et épine dans le pied des pouvoirs publics.

Les hauts murs, une verrière, des gens en t-shirt, des planches de bois, une scie électrique, des matelas, un élevage de cailloux, des micros, un ventilateur, un adjoint au maire, une composition florale, un chien, des disputes, une centaine de vélos.

La friche RVI a accueilli dès 1999 une vaste activité artistique, et personne ne sait dire le nombre de personnes qui y sont passées. Sans doute plusieurs milliers. Des artistes et d' »autres ».

« C’est difficile pour les pouvoirs publics d’entendre qu’une démarche ne soit pas uniquement artistique, et qu’elle s’intègre dans un lieu inoccupé, qu’elle le fasse vivre », explique Christina Firmino.

Elle signe le film « À côté du paradis », qui retrace les deux dernières années de vie de la friche RVI, avant sa fermeture définitive. Les images de ce lieu exceptionnel, tendu entre le refus de s’institutionnaliser et la nécessité de contractualiser avec la Ville, défilent avec grâce, offrant des vues inédites. Elle donne largement la parole aux artistes mais, sans revendiquer pour autant un travail journalistique, Christina Firmino fait entendre d’autres voix. Celle de l’adjoint au maire du 3e arrondissement, délégué à la Culture.

Celle d’un membre d’une association de quartier, anti-friche :

« Je suis face aux camions brûlés, aux matelas, aux détritus. Bin la friche, ça fait plus penser à une déchèterie. Y’a des familles de Roms, là, derrière nous. On est plus dans le site du bidonville Les artistes sont enfermés cloîtrés, dans leur espace. »

Celle d’une habitante de la rue Feuillat, qui avait les clefs de la friche :

« Dans le quartier, c’est très stigmatisés. « C’est des va-nu-pieds, des voleurs, c’est des drogués. Y’a rien bon là dedans. Mais l’un dans l’autre, si les frichards n’étaient pas là, s’ils n’avaient pas investi les locaux, je crois qu’il y aurait eu de gros problèmes ici.

Il y a eu à plusieurs reprises des incidents mais tout de suite canalisés parce qu’il y a toujours de la circulation et des gens pour jeter un oeil. C’est sécurisé, c’est nettoyé. Non c’est bien. C’est vrai que j’ai pas vraiment le look, on n’est pas habillé pareil! »

Beaucoup de passages, des plaintes, une association, le collectif de la friche autogérée, sans chef mais avec des chapelles. RVI a été le théâtre de disputes et de désaccords quasi sanglants. Finalement, l’entrée a été fermée par une grille et des clefs.

« Ça a signé la mort de la friche », estime un des frichards.

 

 

Une utopie « cloîtrée »

Une autre raconte la suite :

« On me dit que c’est difficile de rentrer ici, qu’il faut être accompagné. Et puis c’est toujours l’émerveillement quand les gens rentrent ici. On nous dit mais vous avez trop de chance. »

Une ancienne adjointe de Gérard Collomb, l’écologiste Pascale Bonniel-Chalier, regrette l’attitude politique et le « paradoxe ». Pour elle, il était incohérent que d’un côté le lieu soit fermé au public, et que de l’autre il figure sur la liste par le Grand Lyon des visites dans le cadre des Journées du Patrimoine, « c’est l’un des paradoxes des pouvoirs publics ».

Christina Firmino parle sans complexe de film « militant ». Dans la lignée de Chris Marker, elle voudrait ne pas porter seule le statut de réalisatrice:

« Je ne fais pas du film d’auteur, avec un regard, particulier. Les personnes filmées participent à la création du film lui-même. »

Militant, il l’est, dans sans sa forme : la douceur avec laquelle le film enveloppe un lieu désormais totalement fermé qui doit accueillir de nouveaux projets urbains. Il sera d’ailleurs diffusé ce week-end pendant la seconde édition de la Nuit du film militant, à la MJC du Vieux-Lyon. Pas de nostalgie pour autant dans À côté du paradis, mais un propos sur les l’utilisation de l’espace urbain, vide ; la pratique et la création artistiques, encombrante.

RVI fermée, c’est Lamartine qui a ouvert. Un lieu dix fois moins grand, à la porte duquel il a fallu monter un dossier, validé par la mairie de Lyon. Tout le monde ne s’en plaint pas. RVI est un souvenir. Un chantier pour agrandir le pôle de formation de la SEPR et construire son gymnase, a démarré là-bas.

 

2e Nuit du cinéma militant, à la MJC du Vieux-Lyon, samedi 2 juin de 19h à 4h.

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L'AUTEUR
Dalya Daoud
Dalya Daoud
Cofondatrice de Rue89Lyon

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