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29/03/2024 date de fin
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Un groupe hyperactif de « faux travailleurs » sur Facebook

Presque 500 témoignages en quelques jours. Ils nourrissent depuis une semaine la page Facebook du groupe « je suis un faux travailleur », initié par un Lyonnais qui s’est senti visé par les propos de Nicolas Sarkozy (qui a regretté depuis sa formule) sur le « vrai travail ». Supposant qu’il y en aurait donc un faux.

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Glandus, branleurs, fainéants, artistes, thésards, chômeurs, retraités, fonctionnaires, commerçants, indolents, poilus dans la main, et d’autres encore. Ils se sont fendus de témoignages, autant d’autoportraits, sur la page Facebook d’un groupe opportunément baptisé « Je suis un faux travailleur ».

Julien Ribeiro, qui « travaille » à la gestion d’une salle de spectacles à Lyon explique :

« Je fais partie des faux travailleurs, je ne supporte plus ces politiques d’exclusion (les immigrés, les pauvres…) alors j’avais envie de faire quelque chose pour fédérer. Un espèce de mur des lamentations ou l’on expie ses péchés de faux travailleur ! »

En voici quelques traces…

 

A la veille du 1er mai

Ebenezher s’inquiète franchement :

« Quand on est un malade allocataire handicapé (700 euros par mois, à peine), on va à quel manif, le 1er mai? »

Cathy est travailleuse sociale :

« Je passe mes journées à faire de la prévention des conduites à risques, à prévenir le décrochage scolaire, pour une collectivité territoriale…. Bien sûr, je suis sur-payée… Et ma cantine, c’est le Fouquet’s…. Grâce à mon faux travail ! »

Jacques quant à lui est las et compte le faire entendre sur la page des « faux travailleurs » :

« Je suis travailleur indépendant. Mon CV « atypique » et mon « grand âge », 54 ans, ne m’ouvrent pas les portes du travail salarié. Je consacre ma vie à lutter contre les discriminations en apportant mes compétences de formateur et de communicant à des associations qui en ont besoin.

J’ai un peu l’impression de faire le boulot du gouvernement (surtout ces derniers temps), mais de ne pas toujours avoir accès aux subventions qui, normalement, sont là pour financer ceux qui font le boulot de l’État. Évidemment, quand les subventions tardent à arriver, je bosse bénévolement.

Je paye tous les mois des arriérés de dettes aux impôts, dus aux crises du système bancaire. J’ai parfois l’impression de travailler pour rien, juste pour rembourser la dette. »

Inclassable, Faye annonce :

« J’ai un vrai travail, mais une fausse paye… »

Alix se veut lucide :

« Je suis une future fonctionnaire… Ca se passe de commentaire. »

Renan pousse le bouchon :

« Après des années dans la presse (gay !), le théâtre et la danse, je pensais gagner mes galons de vrai travailleur en rejoignant la fonction publique. Filière culturelle, il ne faut pas exagérer. Rien à faire : on ne change pas de vocation en passant un concours. Faux travailleur jusqu’au bout… »

 

Le vrai du faux

Jean Viviane Vintage fait un peu de provocation :

« Bonjour, je suis commerçant, j’ai 24 heures d’ouverture de boutique hebdomadaire, mais je pense passer à 18 heures dans les semaines à venir, mais une semaine sur deux pour commencer. »

Sébastien quant à lui développe un vrai programme de fainéant :

« Prof des Ecoles depuis 10 ans en ZEP, je n’en glande pas une et n’attends qu’une chose : les vacances, bien-sûr ! Mon salaire (de ministre) me permet de fréquenter les plus beaux hôtels du monde (…). Je me fous complètement de la réussite de mes élèves puisque ce qui compte le plus pour moi, c’est de pouvoir défiscaliser (…).

Oui, je peux l’affirmer, je suis vraiment un imposteur qui pratique le « faux travail » depuis des lustres… D’ailleurs, ça me fait penser que non, décidément, je n’ai pas envie de retourner bosser lundi prochain. Allez, hop, un petit tour chez le doc’ pour simuler une petite grippe, histoire de creuser encore un peu plus le trou de la sécu… »

Les militants

Ebenezher, encore lui (s’il passait son temps à autre chose que faire du Facebook, aussi…), pose une question :

« Quand on est un malade allocataire handicapé (700 euros par mois, à peine), on va à quelle manif, le 1er mai ? »

Thierry S. n’y va pas de main morte :

« Je suis travailleur du sexe. La gauche veut criminaliser mes clients et me ré-inserer socialement pour mon propre bien, car je suis aliéné et je ne me rends pas compte qu’en réalité je me fais violer presque tous les jours depuis 10 ans. »

Myriam est énervée et sonne la charge :

« Je suis metteur en scène – je « travaille » trois mois par an, les années fastes…
Je m’entoure d’assistants en tout genre : diffusion, mise en scène… Afin que nul n’ignore que je suis vraiment une assistée ! Je fais encore plus fort en ne m’entourant que de faux travailleurs : acteurs, scénographe, ingénieur son, auteur, musicien (…).

J’en rajoute encore un maximum : j’anime aussi des ateliers théâtre pour des personnes en difficulté – en psychiatrie – je propage vraiment mes idées avec les plus démunis, pour les convaincre qu’ils ne sont pas assistés mais acteurs : là, je suis presque dangereuse. Je signe, participe et relaie régulièrement les appels du réseau éducations sans frontières : au lieu de travailler j’encourage les faux travailleurs étrangers et étudiants à prospérer. »

« Enfin, non contente de ne rien foutre, je prétends diffuser la culture au plus grand nombre possible afin de créer chaque jour de plus en plus d’inclinaison au faux travail et à la réflexion. Je pense remplir pas mal de conditions pour être interdite de manifester le 1er mai et le pire c’est que je m’en réjouis. »

Stanislas exagère carrément :

« Je fais de la sociologie appliquée. Je travaille sur les putes, les pédés, les toxs et les étrangers dans le champ de la lutte contre le VIH alors qu’on sait tous que le sida, c’est bien une maladie de toxs, de pédés, de putes et d’étrangers, et qu’ils nous font chier à l’année à réclamer toujours plus de droits.

Mon projet est financé par un dangereux lobby droit-de-l’hommiste : l’Union Européenne. Pour finir, je travaille en Martinique où on n’arrête pas de se plaindre parce que nos RSA ne suffisent pas à payer le coût de la vie trop chère, alors qu’on a du soleil à l’année ! Je suis vraiment un faux travailleur. »

 

Récits de vie

Marie avoue :

« Assistante de direction en contrat aidé (CUI-CAE, assistanat un jour, assistanat toujours), j’ai l’honneur et la chance d’avoir trouvé un contrat à temps plein (35h/semaine selon la loi, 45h selon mon patron). En bonne fausse travailleuse que je suis, je suis depuis deux mois en arrêt maladie suite à un burn out. Le trou de la sécu, c’est moi. »

Céline a, pour sa part, fait le point sur sa situation :

« Assistante de direction pendant 4 ans en province, une petite paye confortable… Marre des réunions à rallonge où rien ne se décide… Ai préféré l’ouvrir… Rompre mon contrat et respirer à nouveau !!! J’ai profité de 2 ans de chômage pour aujourd’hui être auto-entrepreneur… Je suis une fausse travailleuse. »

Kév aussi :

« Ma compagne a demandé sa mutation dans le Nord pour se rapprocher au niveau familial. J’ai donc démissionné de mon poste et donc depuis 7 mois, je suis sans emploi, je suis donc un faux travailleur mais un vrai chômeur. »

Olivier pourrait presque nous faire rêver :

« Je travaille à 4.17 euros net de l’heure, en CDD, c’est le tarif pour tous les skippers comme moi en Martinique. Et ça n’a pas augmenté depuis plus de 10 ans.

Mission : des CDDs qui durent 8 X 24 heures, non stop. Assurer la conduite et l’entretien de bateaux d’une valeur de 400 000 euros à 600 000 euros, la sécurité permanente des passagers, rôles touristique ( pour les clients) et commercial (pour l’employeur). Je dois veiller à la sécurité 24h/24, que ce soit en navigation ou à l’arrêt.

Sur mes bulletins de salaire : un brut très bas pour minimiser les charges sociales, et rattrapé par une indemnité de nourriture, pour atteindre 4.17 euros net de l’heure alors que je suis nourri par les clients…

Quand je ne travaille pas : j’ai l’allocation chômage, à taux assez faible puisqu’il n’y a pratiquement pas de cotisation. Surtout que j’assure mon rôle tellement discrètement que j’ai l’air d’un touriste. »

 

Inspirations artistiques

Grindr a sans doute compris pas mal de choses :

« Moi, je suis une vraie fausse travailleuse. Je branle rien de mes journées, et je ne me réveille que pour râler quand il n’y a plus de croquettes. Faites comme moi : soyez chat. »

Et quand Ebenezher,toujours lui, dit : « Je suis prof. Le travail, on s’en fout, couvrez-nous de bijoux », certains rappellent à notre bon souvenir quelques paroles bien senties sur le travail. Une valeur chantée, finalement.

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#Nicolas Sarkozy

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