
Dans le langage carcéral, la « cantine » n’est pas le lieu de restauration mais le magasin interne, où les détenus peuvent acheter ou commander des produits alimentaires, des journaux, du tabac ou encore des vêtements. Ce qui a tout d’un commerce en milieu carcéral n’est pourtant pas soumis aux lois du marché
comme l’explique François Korber, ex-taulard et président de l’association Robins des Lois, qui milite pour l’amélioration des conditions de détention :
» C’était un véritable racket institutionnel. Ces boutiques, dont la gestion est souvent sous-traitée, profitait d’une situation de monopole. Elles n’ont aucune concurrence alors qu’elles ont « clients » par centaines. On ne reproche pas à l’administration pénitentiaire d’être malhonnête mais d’être incompétente.
Les produits étaient achetés dans les boutiques les plus proches à des tarifs excessifs. Ils ne profitaient pas de prix de gros. Les détenus n’avaient pas d’autre alternative que de payer le prix fort. «
Grand écart tarifaire
La fixation des tarifs des 200 produits les plus achetés doit justement compenser cet abus. L’administration pénitentiaire a signé un accord cadre national qui rentre progressivement en action dans les 191 prisons françaises. C’était le cas ce week-end dans les prisons de la région Rhône-Alpes.
Les prix ont été indexés à la moyenne des tarifs les plus bas des différents établissements pénitentiaire afin d’éradiquer la disparité des prix d’une « taule » à l’autre, second effet pervers de ce commerce carcéral. Jean-Luc (nom d’emprunt) est actuellement détenu à Varces, près de Grenoble, mais il a connu d’autres prisons. Il témoigne par l’intermédiaire de son avocat :
» Un savon coûtait 2 euros à la maison d’arrêt de Corbas contre 90 centimes à la prison de Varces. Il y a certains produits du quotidien dont le prix varie du simple au triple d’une taule à l’autre comme le papier hygiénique ou les boites de sardines. »
Cet écart des prix a été signalé à de multiples reprises par les associations militantes. Un rapport de la cour des comptes de 2010 évoque même « la nécessité d’une remise en ordre ». C’est ce texte qui est d’ailleurs à l’origine de cette réforme.
« Un somptueux cadeau » ?
Si la semaine dernière encore, le tarif des cantines avait de quoi indigner les détenus et les militants associatifs, ce sont désormais les syndicats de surveillants qui se soulèvent contre ce qu’ils appellent un « somptueux cadeau ». Inévitablement, les prix fixés par l’administration pénitentiaire ne correspondent pas toujours à ceux des entreprises sous-traitantes ou des fournisseurs.
A titre d’exemple, le lot de quatre piles LR6 doit désormais être commercialisé 22 centimes d’euros, 1,10€ pour la livre de beurre demi-sel et 1,22€ le pot de 400 grammes de Nutella. La différence entre le prix d’achat et le prix de vente aux détenus doit être prise en charge par l’administration carcérale. C’est le principal point d’échauffement des syndicats de surveillants, à l’image de Pascal Rossignol, secrétaire général de l’UFAP Rhône-Alpes, majoritaire :
» C’est l’argent du contribuable qui vient compenser les bénéfices que se font les entreprises privées sur les cantines. A l’inverse, les restrictions budgétaires nous sont systématiquement opposées pour l’évolution de nos statuts. Le budget d’amélioration des conditions de travail a été divisé par deux à la maison d’arrêt de Corbas. Cette mesure veut préserver le pouvoir d’achat des détenus alors que dehors, les citoyens n’ont pas ce droit là. »
A l’extérieur, le pouvoir d’achat n’est cependant pas le même qu’en prison. En 2010, date des derniers relevés disponibles, seul 24% des détenus avaient accès à un travail en milieu pénitentiaire et la rémunération moyenne était de 318€ par mois.
« Fouquet’s carcéraux »
Pour l’UFAP, les critiques se portent donc davantage sur le financement que sur le principe général de cette réforme carcérale. Ce n’est pas le cas de FO Pénitentiaire qui fait circuler un tract en salle de repos des surveillants de Corbas, Bourg-en-Bresse et Varces depuis plusieurs semaines. Le secrétaire général adjoint signataire du prospectus s’en prend directement à l’administration pénitentiaire, en tenant des propos salés à l’encontre des détenus :
» Honte à ces décisionnaires de notre administration, qui une fois de plus, nous montrent leur vrai visage en mettant en place une tarification de cantine nationale à un prix défiant toute concurrence pour les crapules, qui remplissent nos détentions.
A l’heure de la lutte contre la récidive, dada du gouvernement, tout est fait à travers cette mesure pour conforter la voyoucratie et l’école du crime ! Comment voulez vous que ces individus fassent l’effort d’une éventuelle réinsertion sociale ? Nos prisons sont devenues des Fouquet’s carcéraux. »
Autant de réactions syndicales qui ne sont pas restées longtemps sans riposte. L’association Robin des Lois envisage de porter plainte contre FO Pénitentiaire. De son côté, l’Observatoire international des prisons (OIP), association d’origine lyonnaise devenue baromètre des lieux de détention à travers le monde, a envoyé un courrier le 24 février dernier à Michel Mercier, Ministre de la Justice pour solliciter des mesures disciplinaires :
« Afin de mettre un terme à ce qui relève de pratiques injurieuses malheureusement fréquentes de la part de certains syndicats pénitentiaires, il appartient à vos services de veiller au respect du code de déontologie du service public pénitentiaire (…).
Plus largement, si la liberté d’expression et la liberté syndicale constituent des droits fondamentaux garantis par la constitution et qu’il convient de protéger, l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’Homme les limite notamment à « la protection de la réputation ou des droits d’autrui ». »
L’administration pénitentiaire ne porte pas grand intérêt à cette grogne syndicale qu’elle qualifie de « feuille de choux » et préfère répondre sur le fond de cette réforme par la voix de Francis Le Gallou, sous-directeur de l’organisation et du fonctionnement pénitentiaire :
« Le budget de l’Administration Pénitentiaire n’est pas directement impacté par cette mesure. L’équilibre de trésorerie est assuré par les recettes du travail pénitentiaire. En 2011, les dépenses de cantine représentaient 93 millions d’euros contre 94 millions de recettes. C’est seulement si l’équilibre n’est pas atteint que l’administration pénitentiaire va renflouer. «
Un système carcéral « à deux vitesses »
Dernier hic de cette mesure déjà controversée. Elle ne s’applique pour l’instant qu’aux 132 établissements pénitentiaires en gestion publique sur les 191 prisons françaises, confirmant ainsi la mise en garde d’un second rapport de la cour des comptes datant de 2011 et qui soulignait « le risque de voir s’installer un système à deux vitesses, avec des prisons de première et d’autres de deuxième classe ».
Les détenus des 59 établissements en gestion déléguée ou en partenariat public privé (PPP), où les prix sont pourtant 10% à 15% plus chers, devront encore mettre la main à la poche un an ou deux, le temps que l’administration pénitentiaire renégocie les contrats qui les lient aux gestionnaires privés (Sodexo, Elior, Compass, entre autres).
Selon Pascal Rossignol de l’UFAP :
« L’Etat se désengage de ses missions par manque d’argent. L’exception tarifaire des cantines en gestion privée n’est qu’un seul des points noirs de cette privatisation progressive de tous les services « .
La tendance à la privatisation des services carcéraux est une nouvelle fois mise en avant. Si l’Etat conserve ses fonctions régaliennes de direction, de surveillance et de greffes, les autres services, blanchisserie, restauration, transport et maintenance, n’échappent pas à la tendance des partenariats public-privé. Syndicats et militants associatifs trouvent ici un point d’accord.
Pour Elsa Dujourdy de l’OIP, « le choix de la privatisation pose de sérieux problèmes. Avant, l’accueil des familles pour les parloirs était géré par le milieu associatif, ce qui n’avait pas de coût. Désormais c’est en gestion privée. Le lien social se restreint alors que les familles ont souvent besoin de conseils juridiques et de soutien. »
Des prisons cotées en bourse
L’intervention du privé est censé permettre de réduire les coûts de détention et d’améliorer la vie quotidienne. Mais la modernité des nouveaux établissements pénitentiaires a déjà subi quelques revers : déshumanisation des relations, augmentation des agressions de surveillants, durée des trajets décuplée pour les familles de détenus… Quant aux économies, l’avantage de la privatisation est atténué lorsqu’on y ajoute le coût des constructions.
François Korber de l’association Robin des Lois, s’inquiète pour l’avenir :
« La dérive à l’américaine des prisons cotées en Bourse, on n’y va pas, on y court. »
C’est dans ce contexte que l’Assemblée nationale a adopté le 29 février dernier une loi de programmation de 25.000 places supplémentaires dont la plus grande partie devrait être en gestion privée pour un coût de 16 milliards d’euros. Alors que la cour des comptes divise le budget par deux si le programme était réalisé sur des fonds publics.
Cliquer pour accéder à 1_GestionDeleguee.pdf

À Rue89Lyon, on assume un journalisme engagé. Notre rôle, en tant que journaliste, c’est d’alerter, de demander des comptes, parfois d’égratigner celles et ceux qui nous gouvernent, souvent de donner la parole aux personnes à qui elle est confisquée.
Pour que ce journalisme continue de vivre à Lyon, dans sa banlieue, mais aussi dans la proche ruralité : parlez de nous autour de vous, offrez un abonnement à vos proches, ou faites un don à Rue89Lyon.
S'il faut bien reconnaître que les coûts sont grevés par une gestion assez lourde, il n'y a, comme souvent dans l'Administration ¨pénitentiaire, aucun désir de mieux faire !
Après d'âpres négocations, j'étais arrivé à faire adopter par l'A.P. un mode de calcul des prix dans lequel les prduits "de luxe" subventionnaient les produits "de nécessité", partant du principe que les détenus "nantis" (entendre : fortement "assistés") qui cantinaient des produits chers pouvaient par solidarité subventionner les produits de base accessibles aux infortunés : ainsi, l'huile d'arachide voyait son prix baisser tandis que l'huile d'olive se vendait encore un peu plus cher.
Mais la vraie solution est ailleurs : une gestion des cantines - et du service socio-éducatif dont elles dépendent - véritablement organisée, avec le concours de détenus élus par leur pairs au bureau d'administration de cette association (car cantines, bibliothèque, sports, etc, sont gérés par une association dont le directeur de la maison d'arrêt est membre de droit tandis que les détenus en sont exclus !).
Alors que, depuis la réforme de 94, la majorité des détenus n'est plus p^rivée de ses droits civils et civiques, la liberté d'association est toujours contrestée au peuple du dedans : il serait temps d'appliquer la loi !
Certes, cela se comprend sachant qu'ils sont logés/nourris, mais vu le prix des denrées supplémentaires (pas forcément du Nutella... parfois juste du PQ, du dentifrice, des rasoirs, ou du sel pour donner un tant soit peu de goût aux aliments servis), cet argent part très vite.
Ceux qui sont en détention pour un moment peuvent parfois avoir pour projet de se réinserrer, de faire quelque chose de leur vie. Dans ce cadre, certains décident de faire des études par correspondance et, parfois, ont besoin d'acheter un ordinateur (avec leurs sous à eux hein encore une fois) pour travailler. Sauf que pour des raisons de sécurité, ils n'achètent pas la machine qu'ils veulent. On leur propose donc quelques modèles sur catalogue... et là, le racket continue, puisque les prix, à performance égale, sont entre 2 et 4 fois supérieurs aux tarifs extérieurs. Il faudra donc régulièrement débourser 800€ pour une machine qui en vaut 300.
À ceux qui trouvent tout cela normal parce que "ils sont en prison, la prison c'est pas fait pour être agréable, non-mais". Je rappellerais une phrase d'un affreux gauchiste :
"La prison, c'est la privation de la liberté d'aller et venir, et rien d'autre."
Et RIEN d'autre, qu'il vous dit, le monsieur. Réfléchissez-y.
Au fait, qui était cet affreux gauchiste ? C'était un certain Valéry Giscard d'Estaing, Président de la République (UDF).
et dehors il n'y a pas d'honnêtes gensqui crève la faim......
SI ELLE MET FIN AUX ABUS ABRACADABRANTESQUES DE CETTE INSTITUTION J'EN SUIS TRÈS HEUREUX POUR CEUX QUI RESTENT
N' EN DÉPLAISE AUX MATONS QUE DE TOUTE FAÇON JE N AI JAMAIS VU APPRÉCIER UN CHANGEMENT DE CONDITIONS DE VIE...OUTRE DE LA LEUR.
POUR AVOIR VÉCU L' ARRIVÉE DE TÉLÉVISIONS DUE AU GRANDISSIME MINISTRE DE LA JUSTICE D ALORS JE SAIS QUELS PROFITS EXORBITANTS L' AP A TIRE ET TIRE TOUJOURS DE CETTE MANE.
JE RAPPELLE QUE LA DÉTENTION C EST "LA PRIVATION DE LIBERTÉ"...ET RIEN D'AUTRE.
CETTE MESURE PERMETTRA ENFIN AUX DÉTENUS "PAUVRES" QUI SE LÈVENT LE MATIN POUR TRAVAILLER ASSEZ DUR POUR DES SALAIRES DE MISÈRE ET IL Y EN A DE VIVRE COMME LES DÉTENUS"RICHES"QUI EUX REÇOIVENT DES SUBSIDES EXTÉRIEURS ET NE BOSSENT PAS....ET IL Y EN A AUSSI.
CECI DIT JE N'EXCUSE PAS LES DÉLITS...JE PRÔNE SIMPLEMENT UNE DÉTENTION JUSTE.
j'adore l'argument. non content de bien nous faire sentir tout le respect qu'il peut avoir pour un détenu ( ce qui se comprend, il est bien connu que tous les détenus sont soit des pédos, soit de dangereux terroristes alors bon... ), il essaye de nous faire gober que le fait de ne plus acheter un malheureux savon 3 euros mais 1 euros supprimera toute envie de réinsertion sociale des détenus?
discution entre deux codétenus : pourquoi t'as tué la petite vieille?
-bah, pour me prendre 20 piges, pardi.
-heu, c'est pas un peu con comme raison, ca?
-hé, mec, t'es au courant qu'ici, on paye le savon qu'un euro?
bon, je dois y aller, faut que j'aille postuler dans une boite de merde avec un patron très con ou j'avais déjà travailler. pas que j'y sois bien mais, le café est a seulement 25cts a la machine alors.......
Leur corporatisme étriqué est malheureusement indécrottable, génétique, en quelque sorte.
un ancien directeur de prison
qui à promu votre jolie carrière, les avancements etccc. grace aux syndicats
un ancien syndicaliste
Pardon, mais si ce sont des agents pénitentiaires qui ont écrit ce torchon, ils ne sont pas dignes du poste qu'ils occupent. Ce sont de vulgaires matons.
Je ne connais pas les prisons françaises, seulement les belges, en tant que marraine de détenu. Enfin, d'ex-détenu. Et, non seulement, même si les prix des cantines étaient diminués de moitié, les prisons n'auraient rien d'un "Fouquet"s" http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/728791/la-prison-de-forest-c-est-le-bagne.html)" rel="nofollow">(http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/728791/la-prison-de-forest-c-est-le-bagne.html)> mais, pour les familles, avoir un proche en prison coûte très cher. On l'oublie souvent, ce sont essentiellement les familles,souvent modestes, des détenus qui supportent les frais de cantine (et même parfois les frais de cantine du codétenu sans attaches familiales. Beaucoup de détenus partagent, en prison). Je ne me plains pas, c'était fait de bon coeur, j'informe, c'est tout.
ils ne sont pas un plaindre dans les prisons francaises il n'est pas necessaire de cantiner tout est fourni par l'administration , les cantines servent juste pour le raquettes et les echanges pour des trafics.......les familles de ppsmj ne supportent rien l'etat prend tout en charge.
FIER DE TON ECRIT
colis de noel fois gras chocolat et meme caviar parfois
Est-ce parce qu'il y a des pauvres dehors que le tarif des cantines doit être prohibitif (celui de la TV l'était encore il y a peu en France et l'est encore en Belgique) et que le service doit être désorganisé et donc très cher - au profit de qui, soit dit en passant ?
Je me permets de vous faire remarquer que les personnes qui paient les cantines des détenus savent pour la plupart ce qu'est une situation précaire, parce que c'est ce qu'elle vivent au quotidien, et que la plupart des détenus le savent aussi, parce que c'est ce qu'ils ont vécu dehors.
Le cadeau offert au détenu n'aura coûté que 12000 euros au contribuable, sur le mois de mars pour 45000 produits vendus.
3400 euros pour canal+.
Ce qui fait un total de 15000 euros que le contribuable va payer.
Ce qui fera à ce rythme, 150 000 euros pour cette année, pour une seule prison.
Les détenus doivent payer leurs produits au même prix que les gens dehors, ni plus ni moins.
Ce n'est pas aux honnêtes gens de payer les à-côtés des détenus.
En sachant qu'un détenu qui reçoit moins de 50 euros dans le mois, il reçoit 20 euros d'argent de poche de l'Administration, ainsi que des produits d'hygiène.
Pour cité un seul exemple :
Les détenus achètent le pot de Nutella 1,11 euros
L'Administration l'achète 2,76 euros, prix négocié par les cadres de l'Administration
Dans les grandes surfaces, il coûte 2,30 euros
La différence de 1,65 euros va être payé par les impôts, càd le contribuable.
Pourquoi un détenu devrait payer le même prix un article à Marseille qu'à Lille, alors qu'en même temps, la ménagère ne paye pas le même prix ?
On critique les prisons pour dire que les détenus ne sont pas payés, ok, augmentons les salaires. Allez voir les entreprises qui travaillent en prison et dites-leur que vous voulez que les détenus soient payés au SMIC. Dans une semaine, plus aucune entreprise ne donnera du travail en prison.
Les prisons sont en concurrence avec les pays de l'Est où la main d’œuvre est moins chère qu'en prison.
Et aucune entreprise ne "donne" du travail à qui que ce soient. Il y a des entreprises qui utilisent les détenus comme main-d'oeuvre sous-payée. Qu'elles partent donc dans les pays de l'Est. Bon débarras.