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Tribune : un dictateur islamiste délivre-t-il des certificats d’athéisme ?

C’est la question que je pose, moi, Saïd Niroumand. Je suis un jeune communiste iranien, je vis à Lyon et j’ai demandé l’asile en France. Les réponses que j’ai reçues de l’administration française sont très intrigantes.

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J’ai déposé ma première demande d’asile en juillet 2009, après avoir quitté l’Iran précipitamment. L’office français pour la protection des réfugiés et apatrides – l’OFPRA – me l’a refusée le 7 août 2009 au motif que mes « déclarations (…) peu spontanées et invraisemblables, ne sont étayées d’aucun élément crédible ».

 

Certes, je n’ai aucun document officiel qui atteste de mes distributions de tracts la nuit, pas plus que de la journée d’interrogatoire subie par mon père, ni de la disparition de mon cousin. Car c’est bien là le propre du régime autoritaire iranien : on ne s’encombre pas avec les lois, les procès verbaux et autres procédures.

 

 

 

Visa et « craintes de persécution »

 

 

Lorsque j’ai fait appel à la cour nationale du droit d’asile, ma demande a été rejetée le 30 mars 2010 au motif que mes « explications n’ont pas emporté la conviction de la cour quant au fait qu’il serait devenu athée postérieurement à un engagement dans les pasdarans ». Car comme tous les iraniens, j’ai été obligé d’intégrer le service militaire à 18 ans, en l’occurrence chez les pasdarans. Je ne m’y suis pas engagé de mon plein gré.

 

Lorsque j’ai contesté une OQTF (obligation de quitter le territoire français) le 19 octobre 2011, le représentant de la préfecture déclare qu’on « ne peut pas attester de l’athéisme de Monsieur Niroumand ».

 

Mais comment peut-on attester de l’athéisme de qui que ce soit ? En France, on ne cesse de dénoncer le fanatisme du régime islamique iranien, liberticide et violent, où le moindre pas de côté peut vous coûter la vie. L’OFPRA (office français de protection aux réfugiés et apatrides) n’est-il pas au courant de la situation là-bas ?

 

Bien sûr les fonctionnaires ont à coeur de respecter les procédures, de vouloir vérifier la véracité des propos, cela s’entend. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, on se demande s’ils ne feignent pas la bêtise, on les craint de mauvaise foi, et ce dont on est sûrs, c’est qu’ils ne craignent pas le ridicule. Il serait ainsi commode d’imputer l’absurdité des décisions de l’OFPRA à la personnalité de ses fonctionnaires, mais la réalité semble tristement plus rationnelle.

 

Si l’on jette un oeil au rapport d’activité 2010, on découvre par exemple que le président du conseil d’administration se félicite en avant-propos que « pour la troisième année consécutive, l’OFPRA est parvenu, à effectifs constants, à accroître le nombre de décisions rendues ». L’OFPRA a « travaillé plus » : voilà qui est prometteur.

 

L’office français de protection aux réfugiés et apatrides a reçu 52.762 demandes d’asile en 2010 et n’en a accepté que 13.5%. Mais quels sont les critères d’admission ? Et sur quels critères ma demande d’asile est-elle invalide ? Au paragraphe concernant l’Iran on peut lire : « Dans la continuité des actions entreprises en faveur des iraniens, des visas au titre de l’asile ont continué à être délivrés à des personnes dont les craintes de persécution paraissaient particulièrement fondées ».

 

L’OFPRA est en faveur des iraniens, me voilà rassuré. Mais le flou demeure quant aux critères d’admission. Il est donc difficile de comprendre pourquoi j’ai vu ma demande rejetée. En revanche, voici plus en détail les faits qui m’ont amené vers la France.

 

 

 

Mon départ de la République islamique d’Iran

 

 

Tout commence en décembre 2008 à Kavar, ma petite ville, en République islamique d’Iran. La nuit, avec mon cousin et un ami, nous semons des tracts dans les rues de notre ville.

 

Depuis quatre ans nous formons avec d’autres un groupe de réflexion politique clandestin. Mais voyant notre nombre stagner et la situation politique du pays empirer, nous décidons de passer à l’action en diffusant des tracts la nuit. La première fois, nous avons dénoncé les discriminations envers les femmes, la deuxième fois les contradictions du Coran et la troisième fois nous avons remis en cause l’existence de l’imam caché.

 

 

Mais la troisième nuit, mon cousin a disparu pendant la diffusion des tracts. Pensant qu’il a été enlevé par les pasdarans, j’ai pris peur et j’ai quitté la ville. Quatre jours plus tard, mon père m’appela et m’apprit que notre maison avait été perquisitionnée, lui interrogé et brutalisé.

 

 

J’ai quitté l’Iran trois semaines plus tard, le temps de me trouver un passeur. Avant de partir, je n’ai même pas pu repasser chez moi. Je suis arrivé en Turquie en janvier 2009.

 

 

 

Dublin II puis les feux d’artifice

 

Mais entrer en Europe n’a pas été simple. Avec mon passeur on est resté en Turquie quelques temps. Puis on a pris un avion pour Paris avec des passeports Danois. De Paris, j’ai pris le train seul pour Lyon, où un autre passeur était sensé m’attendre.

 

Mais personne ne m’attendait, et je me suis retrouvé absolument seul. Je ne parlais pas un mot de français. Je dormais dehors. Je n’ai pas tardé pas à me faire cueillir par la BAC, qui m’a confié à la PAF. On m’a pris mes empreintes digitales et une procédure de demande d’asile a été lancée. Lorsqu’on m’a relâché, je suis parti en Angleterre, et j’y ai demandé l’asile.

 

Mais en Angleterre, on m’a retracé avec le fichier centralisé européens des empreintes digitales pour les migrants. En vertu des accords Dublin II, les demandeurs d’asile doivent faire leur demande non pas dans le pays de leur choix, mais dans le premier « pays sûr ». Or, la France est « un pays sûr ». Alors on m’a expulsé vers la France. Je suis arrivé à Lyon le 13 juillet 2009, en même temps que le feu d’artifice. A ce jour, je suis toujours sans titre de séjour en règle.

 

 

 

Le militantisme en France

 

 

Parallèlement à mes déboires avec l’administration française, j’ai rencontré à Lyon d’autres opposants au régime iranien, des membres du Parti Communiste Ouvier d’Iran. Ensemble nous avons organisé des manifestations pour défendre Sakine Mohamed Ashtiani, une iranienne condamnée à la lapidation.

 

Je suis également militant à la CGT, au comité des chômeurs et des privés d’emploi. Un comité de soutien s’est formé. C’est ensemble que nous avons écrit ce texte.

 

 

 

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