D’une certaine manière, l’avocat de la société Monsanto a raison. Paul François n’est pas un « petit paysan ». Il est loin du cliché de l’agriculteur peu causant, uniquement préoccupé par son travail sacerdotal, voire méfiant des « choses de la ville ». Avec un look smart, chaussures pointues et jeans, Paul François a fait face à la multitude de journalistes qui se sont bousculés ce lundi après-midi au TGI de Lyon :
« Je me battrai jusqu’au bout, au-delà de ce procès ».
L’agriculteur céréalier est globalement affaibli par les ennuis de santé qu’il cumule. Mais il s’est dit « reboosté » ces dernières semaines, à l’approche du procès contre la société Monsanto, fabricant d’un produit désherbant désormais retiré du marché, le Lasso.
Des bégaiements, des migraines… et Parkinson ?
En avril 2004, Paul François, qui cultive maïs, blé et colza en Charentes, procède au nettoyage d’une cuve d’une capacité de 2500 litres, à l’aide d’une solution Lasso et eau. Une mixture qu’il utilise depuis 15 ans. Quand il ouvre la cuve, il s’avère qu’elle n’est pas vide, il reste environ une centaine de litres, et Paul François prend en pleine figure les vapeurs du produit dilué. « Plus qu’une inhalation, on peut parler de gazage », décrit François Lafforgue, avocat de l’agriculteur. C’est un accident. La femme de l’agriculteur, infirmière, le conduit tout de suite à l’hôpital. Mais la réactivité du couple n’empêchera pas ce qu’on peut assimiler à une descente aux enfers, avec des étapes bien identifiées.
Cela commence par des bégaiements, pendant une dizaine de jours. Apparaissent des vertiges durant tout l’été et le mois de septembre qui suivent le « gazage ». Paul François connaît alors des absences, dont l’une au volant de sa moissonneuse-batteuse. Entre temps, il a fait appel au centre anti-poison de Bordeaux. Puis à celui d’Angers. Aucun ne prescrit quoi que ce soit. L’agriculteur multiplie les visites dans différents hôpitaux, avant d’atterrir à la Pitié-Salpêtrière, en février 2005. On y procède enfin à des analyses d’urine, et on conclue à une intoxication au monochlorobenzène, l’ingrédient solvant du Lasso. En mai 2005, une seconde analyse, des cheveux cette fois, aboutit à la conclusion que Paul François a aussi été intoxiqué à l’alachlore, le principe actif du produit fabriqué par Monsanto. On retrouve davantage de produit sur les pointes que sur les racines, ce qui induit que l’intoxication date un peu.
La reconnaissance de sa maladie professionnelle relève du parcours du combattant. Tant au niveau de la recherche de preuves scientifiques qu’au niveau juridique, dans la bataille qui l’oppose à Monsanto. La cour d’appel de Bordeaux confirme en 2010 le lien entre l’inhalation du produit et la maladie neurologique qui frappe Paul François.
Seconde étape aujourd’hui : le procès au TGI de Lyon, qui pourrait permettre à Paul François de faire retenir la responsabilité civile de Monsanto, avant de demander une énième expertise qui évaluera le préjudice subi. L’avocat détaille : des douleurs cérébrales réveillent l’agriculteur, obligeant sa femme à lui administrer en piqûres des doses de cheval d’antalgiques, en pleine nuit. Il évoque une déficience du bras gauche chez Paul François, « qui peut être le signe d’un Parkinson », précisant toutefois que des tests doivent être faits prochainement.
Monsanto admet sans complexe la nocivité de ses produits
Pour Jean-Philippe Delsart, l’avocat de la société Monsanto, une question reste entière : « Que s’est-il passé ce 27 avril 2004 ? ». Non seulement la société américaine met en doute la réalité du « gazage », mais elle affirme qu’aucun lien de cause à effet ne peut être fait entre l’inhalation du Lasso dilué dans de l’eau, et les pathologies avérées de Paul François. Une bataille d’experts s’est engagée depuis de longs mois entre l’agriculteur et Monsanto. Les dossiers pèsent lourds, chacun voulant s’attribuer l’argument scientifique.
Selon Jean-François Lafforgue, Monsanto a manqué à son devoir de vigilance et d’information, notamment sur l’étiquetage du produit. Pendant l’audience, l’avocat de l’agriculteur a tenu à démontrer la toxicité du Lasso, retiré du marché en 1985 au Canada, puis en 1992 au Royaume-Uni, en Belgique également, et en 2007 en France. Ce que Monsanto n’a pas cherché à nier. Jean-Philippe Delsart est formel : l’étiquetage du produit Lasso précisait bien qu’il fallait l’utiliser en se protégeant, il était en conformité avec la réglementation en vigueur.
« La société Monsanto a toujours prétendu vendre un produit qui est nocif. Et contre lequel il faut se protéger ».
La phrase résonne. Paul François aurait été négligent dans la manipulation du produit dont il était familier depuis 15 ans. Est-il donc le seul responsable de ses maux ? L’agriculteur évacue la question :
« La protection telle que Monsanto la préconise n’est pas suffisante ! Et puis parfois il peut vous arriver de ne pas mettre votre ceinture de sécurité, c’est comme ça. J’aurais pu raconter des bobards, dire que j’avais tout l’équipement nécessaire quand j’ai ouvert la cuve. J’étais seul quand c’est arrivé. Mais non, j’ai été transparent. »
Impossible de travailler sans « la firme »
L’affaire opposant Paul François à Monsanto fait parler d’elle depuis longtemps. À côté des journalistes, les représentants de la Confédération paysanne se sont eux aussi massés dans la salle d’audience. Certains voudraient bien qu’il s’agisse là du procès d’une profession en souffrance contre le lobby industriel, surpuissant et incontournable. Pourtant, Paul François refuse toute récupération syndicale. Pas un souci pour Véronique Léon, secrétaire nationale de la Confédération paysanne :
« Il n’a pas fait appel aux syndicats, ce n’est pas grave, on le soutient quand même dans son procès contre Monsanto. Il y a encore beaucoup de paysans qui traitent leurs récoltes, c’est sûr. Mais nous on se bat pour une agriculture paysanne. Pas forcément bio, mais qui respecte la nature, l’emploi, et le consommateur. »
Ils attendent beaucoup de ce procès, « il fera jurisprudence », affirme Jean-Luc Juthier, représentant de la Confédération paysanne de la Loire.
Quand on lui pose la question de l’agriculture intensive, celle qu’il a donc longtemps pratiquée et dont il a été victime, Paul François répond avec des formules qui sonnent comme des slogans :
« Aujourd’hui, c’est plus d’agronomie, moins de chimie ».
Il ne parle pas de bio, mais il assure ne plus faire de l’agriculture « comme dans les années 80 ». Plus jamais de Monsanto dans son exploitation ? Trop compliqué encore aujourd’hui, selon lui :
« Je vous mets au défi de trouver des semances qui ne soient pas du Monsanto. Ils ont la majorité du marché. »
Le céréalier est sorti de la salle d’audience « confiant », sous les lumières des caméras. Dans un article que lui consacrait Libération en 2008, le journaliste écrivait que Monsanto n’avait pas eu de chance de tomber sur Paul François. Le tribunal rendra sa décision le 13 février prochain.
Aller plus loin
Le Parlement adopte une proposition de loi sur les semences réutilisées par les agriculteurs d’une année sur l’autre.

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Merci à lui et autres productivistes, merci à Monsanto, merci...
Bon courage à lui pour son combat.
Quand à la justice, vous voulez peut-être qu'on renverse les rôles, La pauvre victime Monsanto si riche, si puissante qui va faire pression pour être lavée de soupçons d'empoisonnement.
Je trouve cet agriculteur courageux, seul face à ce lobby.
respectueusement.
Pat.K
Mais, de la même manière, ne devrions-nous nous interpeller nous mêmes, lecteurs/citoyens de notre inertie, passivité et consentement à prendre pour de l'argent comptant ces flux d'informations/désinformations/vérités/contrevérités sans fournir de notre part aucun effort, ou si peu, pour tâcher d'approcher mieux ce que nous vivons et de la confronter avec ce que nous subissons comme contre-information de ce qu'est notre réalité?
Par exemple, l'on nous parle de "la dette", de "la crise" comme si c'étaient des plaies envoyées par des extraterrestres surpuissants, et nous nous replions sur nous mêmes, tremblotants de la même manière que, j'imagine, nos ancêtres primitifs regardaient la tonnerre lorsque elle grondait.
Ce que je veux dire, c'est qu'en tant que citoyen(ne)s nous avons aussi des obligations, et si "personne ne sait tout sur tout, pas plus l'élu que le citoyen, pas plus le technicien que l'usager..." nous pouvons aussi essayer de mieux comprendre le monde qui nous entoure.
A propos des pesticides, voici une université populaire participative proposée en 2009, où d'ailleurs la parole était donne à Paul François, et où bien d'autres intervenants ont pu exprimer leur différents points de vue: http://www.desirsdavenir.org/upp/universites-popu...
toutes les interventions sont ici disponibles.
De la même manière, quantité de réunions et débats participatifs sont organisés sur tous les territoires, proposés sur de sujets d'intérêt collectif par pas mal d'associations citoyennes, qui devraient nous aider à enrichir notre perception et à avancer " dans la compréhension de ces affaires", à aiguiser notre sens critique sans nous contenter "de lynchage médiatique", à exercer notre rôle actif citoyen.
Je pense qu'il y a un soucis dans la rédaction : il nétoie la cuve qui contient une solution de lasso et pas à l'aide, non ? On utilise pas un herbicide pour laver une cuve je pense?
Il a tenté et il a gagné
sur ces terres on pourrait faire vivre plus de monde et plus sainement. Il a tenté mais il va surement perdre. Mosanto a raison. c'est toxique ces merdes de produits alors mets un masque mon paulo ! Après je comprend que sa vie a basculé, mais la notre aussi avec leur agriculture intensive!
La conf se met a défendre les grands céréaliers ??? c'est étrange non.
les modele fascisant du chantage de la finance sur nos societes est le meme probleme avec ces monsanto et compagnie
Mais les règles de sécurité sont justement faites non pour pallier ce qui se passe habituellement, mais ce qui pourrait arriver.
Il prend l'exemple de l'omission de la ceinture au volant. Et alors, en cas d'accident, il aurait poursuivi le constructeur de la voiture ?
Ça paraît idiot. Mais c'est pourtant très exactement ce qu'il fait en poursuivant Monsanto ! Le quel n'est pas blanc-bleu, je vous l'accorde ! Mais, dans cette affaire, le responsable, c'est l'agriculteur, pas son fournisseur.
Défendons un payant Français courageux contre cette société ignoble qui détruit la nature !
Donc le paysan aurait du prendre plus de precautions.
Maintenant, c'est nous les decideurs en fin de chaine : arretons d'acheter leurs m**des et ils proposeront des trucs plus respectueux de l'environnement ...
Monsento fait de la merde,les cultivateurs le savent mais beaucoup n'en tiennent pas compte de façon à rentabiliser au max leurs récoltes tout en empoisonnant le consommateur.
Une agriculture Bio ne produit bien sur pas assez pour ce genre d'accros au rendement car il y a les maladies et les parasites.
Quand on veut produire de la merde,on ne vient pas cracher dans la soupe après.
Durant ces 15 années de culture pourrie combien a t'il gagné?
La nature est sous la responsabilité de tous et elle est le patrimoine de tous (présents ou à venir). Elle ne doit pas devenir l'apanage de quelques uns. La science peut permettre beaucoup à l'humanité si est n'est pas confisquée par un monopole incontrôlable. http://jonastree.blogspot.com/2011/12/science-san...
Qui passent pour des crétins en Europe ?
Sans commentaire.
Il a le culot de nous dire qu'il n'y a pas que les consommateurs à se faire gruger mais que, lui aussi, le paysan, il souffre des pratiques de Monsanto...mais qui a voulu s'allier au diable pour se faire plus de pognon, produire plus et nous vendre sa merde ?
Bien fait pour sa gueule !
Vous croyez quoi ?! Qu'un agriculteur c'est un bouseux ! Il va falloir se réveiller ! L'agriculteur d'aujourd'hui c'est avant tout un chef d'entreprise.
1 ( Paul François ) l' utilisateur des poisons monsanto n' a pas respecté les regles d' utilisation : il s'empoisonne et empoisonne tout l' environnement
2 pas un seul paysan (petit ou gros ) ne viendra témoigner en sa faveur....tous sont utilisateurs de ces poisons qui nous tuent ...( chut ! chut ! ..)
3 pas un seul syndicat agricole ne viendra témoigner en sans faveur !
4 Les paysans sont parfaitement informés de la toxicité de tous ces produits mais ils savent aussi que sans ces produits les rendements des récoltes tombent en dessous du seuil de "rentabilité" !!...toute relative ...
5 Heureusement il y a de plus en plus d' agriculteurs "courageux", conscients des risques mortels qu'ils encourent eux-mêmes et qu'ils font courir à l' humanité, qui se reconvertissent dans des méthodes culturales dites "raisonnées" ou "bio" ..mais la lutte sera dure, féroce, ..surtout que suivant d'où souffle le vent les pesticides sont dans les ciels le plus bleus !!
6 Paul François est victime des poisons monsanto, mais hélas il n'est pas le seul ( voir si possible les stats Mutualité S. Agricole ) ..ce procés mérite d'être médiatisé pour mettre en évidence, une fois de plus, le réel et dramatique danger de l' utilisation des poisons utilisés aussi en agriculture ...pour faire toujours plus de "fric" sur la santé des êtres vivants..!
7 A ce sujet voir et revoir encore le courageux et remarquable documentaire de Marie-Monique ROBIN "Le monde selon Monsato" une multinationale qui vous veut du bien !
De plus, m'étonnerai qu'il ne savait pas ce qu'il risquait, allez donc voir dans certaines régions quand ils traitent leurs champs, on se croirait sur le tournage d'un film catastrophe vu leur acoutrement... et là je parle de choses que j'ai vues il y a déjà plus de 20 ans.
Je ne défends pas Monsanto, mais les agriculteurs qui ont utilisé ces produits sont responsables aussi vis-à-vis de la santé du consommateur.
Quand au paysan-empoisonneur-pour le profit, c'est un peu rapide comme raccourci.
Avec la formation que nous recevons (les journaux agricoles sont surtout financés par la pub dont celles des pesticides) et la pesanteur habituelle du métier c'est pas facile de se défaire du moule.
Après passer en bio, trouver des semences autres que celles de monsanto, ça se fait bien, j'en sais quelques chose (conversion il y a 3 ans). Mais la bio fait peur, avant d'y passer, quand on est en chimie.
Ensuite on s'aperçoit, moi en tout cas, que ce n'est pas forcément la galère, qu'on peut avoir de belles récoltes aussi, que les champs ne se "salissent" pas spécialement si on ne traite pas, etc
Félicitation Paul François ,on est derrière toi chacun a notre niveau on pose des actes citoyens et ensemble on arrivera a faire tomber les "monopoles irresponsables pour une planète + propre et solidaire ;