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Centrifugeuse de visionnage, épisode 10

Hmmm, tu aimes les chiffres ronds ? Moi non plus. Plongeons ensemble dans les chroniques des dernières choses vues.

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Beasts of the Southern Wild de Behn Zeitlin

Pour savourer pleinement ce qui restera à n’en point douter la plus grosse mandale cinématographique de 2012 (le film sort le 12 décembre), le mieux reste encore d’en savoir le moins possible. N’allez pas voir la bande-annonce, ne lisez aucune ligne du scénario, ne regardez même pas l’image qui illustre ce texte, en fait, brûlez votre ordinateur. Découvrez le film vierge de toute attente. Laissez passer les cinq premières minutes, jusqu’à l’arrivée du titre, pour succomber à sa dynamique. N’essayez pas de trouver à quelles œuvres il pourrait vous faire penser, sa singularité disqualifie tout rapprochement. Les émotions qui le constellent sont inédites. Ses multiples beautés foudroient, la dignité rageuse de son héroïne galvanise comme rarement. La fin, succession vertigineuse de gestes cinématographiques puissants, vous terrasse. Entre deux torrents de larmes, vous souriez : non, le temps ne rend pas le cinéphile blasé ; les authentiques chefs-d’œuvre et les visions fulgurantes se raréfient, c’est tout. Beasts of the Southern Wild (Les Bêtes du Sud Sauvage, en français) est de ces films qui vous donnent envie de défoncer des moulins à vent à mains nues, d’hurler pour vous sentir vivant, puis d’étreindre tendrement ceux que vous aimez. Son réalisateur Behn Zeitlin, également coscénariste et coauteur de la magnifique bande-son, est un génie. Si vous ne devez voir qu’un seul film au cinéma avant la fin du monde, autant que ce soit celui-là.

Universal Soldier : Day of Reckoning de John Hyams

Que se passerait-il si Gaspard Noé décidait, comme ça, pour le défi, de réaliser un film d’action avec cette grosse tronche de cake de Scott Adkins, Dolph Lundgren et Jean-Claude Van Damme ? Alors qu’absolument personne ne se posait la question, John Hyams a pourtant décidé d’y répondre. Piquant sans aucune vergogne les multiples trouvailles visuelles d’Enter the Void, avec un gros, gros kiff pour les vues subjectives clairsemées de flashs épileptiques, le quatrième volet de la “saga“ Universal Soldier est ainsi un film d’action tout basique, mais dont la mise en scène tente désespérément de nous faire croire à des enjeux quasi métaphysiques. Pas franchement aidé par un script aux retournements de situation ronflants et un acteur principal en sous-sous-sous-régime, John Hyams tient pourtant bon la barre de ses partis pris complètement à l’ouest, et ouvre une brèche dans l’univers rugueux du cinéma d’exploitation : le bis arty. Loin, très loin de s’avérer indispensable per se, cette catégorie a tout du moins l’immense mérite d’offrir des images inattendues. Attendez de voir Jean-Claude Van Damme débarquer à la fin la gueule peinturlurée en blanc et noir, avant de balancer des aphorismes avec sa tête de chien battu des mauvais jours avant de me contredire.

XIII.2 de Roger Avary et David Martinez

Alors oui, l’arrivée de ce grand taré de Roger Avary aux commandes de la deuxième saison de cette création pas super originale de Canal +, ça avait de quoi exciter et titiller des parties peu avouables du cortex geek. Pas de doute au fil des épisodes : Avary et sa team dévouée ont fait de la série leur bitch. D’un décalque mou du cul de Jason Bourne, XIII a digéré son étrange mue en objet pop, absurde, narquois et rigolard. Les intrigues toutes plus énormes les unes que les autres se chevauchent à la diable, les personnages de seconds plans deviennent des caricatures grotesques, les héros changent de personnalités en un claquement de doigts. De fait, dans le concert de louanges unanimes de la presse, quelques menus détails ont été omis : la série fait toujours aussi cheapos, elle raconte strictement n’importe quoi, souvent n’importe comment, quitte à virer incompréhensible et totalement non-sensique. Ne soyons pas défaitiste : au moins, c’est fun.

Sexy Dance 4 de Scott Speer

Après un troisième volet plus ou moins soutenu par quelques critiques vraisemblablement aveugles et sourds, que pouvait-on attendre de Sexy Dance 4, alias Step Up Revolution ? Certainement pas une dissertation sur la lutte des classes ou sur l’art comme vecteur d’émancipation. ET POURTANT. Une bande de danseurs sauvages (le “Mob“) enchaînent les performances en pleine rue pour battre les 10 millions de vues sur Youtube et ainsi remporter un concours. Pour ce faire, ils bloquent une rue, puis un musée. « On va leur montrer ce que c’est, pour nous, les Beaux-Arts », rugit l’une des meneuses (alors les Beaux-Arts, pour ceux qui se demandent, c’est faire une choré sur du dubstep déguisé en statue). C’est alors que le Mob apprend que son tierquar va être rasé par une grosse société. La meneuse ne se sent plus : « L’art, c’est bon, maintenant faut passer à l’art contestataire » – c’est-à-dire faire une grosse choré sur du dubstep en plein conseil municipal. Ça marche moyen. Du coup, ils refont une choré sur du dubstep, mais avec vachement plus de danseurs : l’affaire est dans le sac. Le quartier est sauvé, et en plus, un dir’ comm’ de chez Nike passait par là et embauche le Mob pour une campagne de pub (je vous JURE que c’est vrai). Le couple du film peut dirty danser et s’embrasser librement devant tout le monde. Fière, la femme regarde son homme : « Regarde, tu as rassemblé tous ces gens derrière ta cause », dit-elle. Si tu crois en une cause, que tu sais danser et que tu aimes le dubstep, juste fais-le.

End of Watch de David Ayer

David Ayer est chez lui, il réfléchit. Des films avec des duos de flics, il y en a plein. (Il reprend une bière) Plein, des films comme ça, il y en a plein. Comment se distinguer ? (Autre bière) MAIS OUI : on n’a qu’à dire qu’il y en a un des deux qui filme tout le temps, comme ça, ça ferait un style vachement heurté, un peu dans l’esprit The Shield, t’sais. (N’ayant plus de bière, il passe au Jack Daniels) Putain, c’était bien, The Shield. (Gros rot sonore) Oui mais si il filme tout le temps, ça va être chiant à regarder quand même. (deuxième Jack Daniels, sans glaçon cette fois-ci) Ah mais on n’a qu’à mettre aussi des CAMERAS DE SURVEILLANCE pour que ça varie un peu. (Il boit à la bouteille) Puis des TELEPHONES PORTABLES, puis on mélange, et à la fin on verra. (Il s’effondre et s’endort du sommeil du juste)

Argo de Ben Affleck

Oui Ben, l’histoire que tu nous racontes a un grand potentiel. Enfin, je veux dire, c’est fou quoi ce truc. Mais si tu n’en fais rien, mais alors, rien, tout juste un montage parallèle sympa à un moment, c’était vraiment pas la peine de nous déranger comme ça, en secouant les bras très forts. NON, BEN, NON. Tu te tais. Va te filmer en train de prendre une douche, ça te calmera.

Pusher de Luis Prieto

Un remake anglais et contemporain du film de Nicolas Winding Refn, sur le papier, ça avait tout de la fausse bonne idée. A l’écran, c’est encore pire. Pusher n’était pas un chef-d’œuvre –  son intrigue était complètement bateau, mais le film glanait son originalité dans sa nervosité, son urgence cinématographique crasseuse. Luis Prieto, lui, gomme toute aspérité esthétique, met des couleurs pour donner l’illusion de la vie, fait prendre plus de coke à son héros, rajoute enfin du mauvais dubstep et de l’électro chiante sur la bande-son. Voilà pour le côté contemporain. Pour ce qui est de l’intérêt cinématographique, c’est bien simple, le film ne soulève qu’une seule question : pourquoi ?


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