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Grève du nettoyage à Lyon-Perrache : le premier conflit social géré par la Métropole écologiste

Alors que la grève des agents de nettoyage de la gare routière de Lyon-Perrache prend fin, retour sur le premier conflit social géré par les écologistes à la tête de la Métropole de Lyon. Un épisode qui aura duré dix jours.

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grève métropole de Lyon

En temps normal, une vingtaine d’agents se relaient à la gare de Lyon-Perrache pour frotter le sol, vider les poubelles ou nettoyer l’ascenseur quand quelqu’un vient d’y uriner. Mais ces dix derniers jours, les agents de nettoyage de la société Arc-En-Ciel se sont massivement mis en grève.

La gare routière de Perrache au bout d’une semaine de grève du nettoyage. Crédit : GB.

En cause : le comportement d’un contrôleur qualité de la Métropole de Lyon, Monsieur H., qu’ils accusent de harcèlement. Ainsi, si les agents de nettoyage ne sont pas employés par la Métropole mais par le sous-traitant Arc-En-Ciel, la nouvelle majorité métropolitaine, directement mise en cause par les grévistes, aura eu à gérer son premier conflit social.

Harcèlement et ingérence à la gare routière de Lyon-Perrache

Sur leur piquet de grève, les employés d’Arc-En-Ciel s’accordent tous pour parler de harcèlement :

« Lorsque je suis à la douche après le karcher, il tape sur la porte pour me faire sortir plus vite, ou éteint la lumière. » « Il m’interdit d’avoir une chaise alors que je reste pendant six heures debout dans les sanitaires », « Nous n’avons pas le droit de parler aux usagers de la gare. » « On ne peut pas utiliser le parking des personnels, contrairement à tous les autres salariés en sous-traitance. »

« Monsieur H. veut tout savoir sur les agents : qui s’occupe des toilettes, qui parle avec qui, qui vient à quelle heure », explique M.Barchouchi, responsable du site pour Arc-En-Ciel et véritable supérieur des agents de nettoyage, lui aussi en grève à la garde routière de Lyon-Perrache.

Cet agent de maîtrise, qui effectue le contrôle qualité du nettoyage de la gare en binôme avec Monsieur H., explique avoir longtemps cédé aux injonctions du salarié de la métropole, qui, pour se faire obéir, agite une menace bien réelle : celle des pénalités financières pour soi-disant mauvaise tenue du lieu.

« Au début j’étais diplomate, j’ai cédé à son ingérence et j’ai consenti à ces amendes, ça me mettait dans une situation compliquée car je devais toujours dire aux agents de mieux travailler alors qu’ils travaillaient déjà bien. Et puis au bout d’un moment ça a été trop », explique M.Barchouchi.

Les grévistes de la société Arc-En-Ciel sur leur piquet de grève. Crédit : GB.

Plainte pour racket 

D’autres faits graves sont rappelés par les grévistes. En 2017, alors que le marché du nettoyage de la gare n’appartient pas encore à la société Arc-En-Ciel, mais à l’entreprise Onet, un agent de nettoyage porte plainte contre Monsieur H, qu’il accuse de lui avoir racketté un smartphone et une montre. 

Dans la plainte, que Rue89 Lyon a pu consulter, l’employé de la Métropole est décrit comme un véritable manipulateur faisant chanter les salariés pour obtenir ce qu’il désire.

« À la fin de ma période d’essai, il ne voulait pas qu’Onet m’embauche car il me trouvait trop proche des usagers », déclare l’agent de nettoyage dans sa plainte.

Finalement embauché, Monsieur H. multiplie les brimades à l’encontre de l’agent de nettoyage : « Il me faisait travailler en extérieur en janvier alors que j’étais normalement affecté en intérieur. » Alors même qu’il n’a aucun pouvoir en la matière, il lui fait aussi subir un chantage à l’emploi :

« Il me promettait qu’il allait passer mon contrat à 35 h alors que j’étais en temps partiel ». Dans la crainte de voir son contrat prendre fin, il affirme lui avoir donné le téléphone portable de sa femme ainsi qu’une montre de luxe. »

L’agent n’aura pas de nouvelles de sa plainte. 

Si cette plainte demeure la seule plainte au pénal réalisée par un agent de nettoyage de la gare Perrache à l’encontre de Monsieur H, ce dernier aurait également été visé par trois plaintes aux prud’hommes émanant une fois encore d’agents de nettoyage entre 2019 et 2021, selon les informations de Médiacités. 

Le rôle central de la Métropole de Lyon

La Métropole de Lyon a été informée des plaintes concernant le comportement problématique de son salarié dès le mois de février 2020. A l’époque, la CNT-SO, syndicat auquel ont adhéré plusieurs agents de la gare de Perrache, lui communique une dizaine de témoignages dénonçant ses agissements.

La Métropole convoque M. Monteil, directeur d’Arc-En-Ciel, le 11 mars. A la suite de cette discussion, il est déconseillé à Monsieur H. de rentrer en contact avec les agents de nettoyage. Mais la mesure rate sa cible.

« Après cette réunion, ça a été encore pire, il ne nous parlait plus mais nous sifflait, nous prenait en photo. Il continuait à maintenir la pression », témoigne Mannaï Mehrez, agent de nettoyage en grève.

Sabri M. et Mohammed G. agents de nettoyage de la gare de Perrache. Crédit : GB.

Relancée par la CNT-SO fin avril, la vice-présidente déléguée aux ressources humaines Zemorda Khelifi indique dans un courrier daté du 1er juin que le « positionnement » de Monsieur H. « nécessite une explication auprès des salariés d’Arc-En-Ciel qui ne semblent pas être bien informés des missions qui lui sont confiées ».

« La Métropole explique que les agents de nettoyage ne sont pas contents parce qu’un contrôleur qualité évalue leur travail… », analyse Marion Alcazar, juriste à la CNT-SO. Ces mots sont mal reçus par les agents de nettoyage qui se mettront en grève une semaine plus tard.

Mise en retrait de l’agent et sortie de conflit après dix jours de grève à Lyon-Perrache

En dix jours de grève, les agents de nettoyages ont été reçus deux fois à des réunions tripartites réunissant la direction de la société Arc-En-Ciel, la Métropole et les grévistes.

« Lors de ces réunions, la Métropole a semblé apprendre des choses, je pense qu’ils ne se rendaient pas vraiment compte de ce qu’il se passait », estime M.Barchouchi. « Pendant toute la première semaine de grève, nous avons tenté d’établir les faits », fait savoir la Métropole de Lyon.

Finalement, ce mercredi 16 juin, lors d’une réunion avec la direction d’Arc-En-Ciel, la Métropole communique à l’entreprise de nettoyage sa décision de « mettre en retrait » Monsieur H. afin d’apaiser la situation. Une décision « prise avec l’accord de celui-ci », fait-elle savoir, sans toutefois préciser la nature ni la durée de cette « mise en retrait ».

Les grévistes, non associés à cette réunion et peu au fait sur les conditions précises de cette fin de conflit reconduisent tout de même la grève le lendemain, le temps qu’un protocole de conflit clair puisse être établi.

Finalement, les agents de nettoyage obtiennent le retrait de Monsieur H. ainsi que le paiement de la totalité de leurs jours de grève : trois payés par la Métropole, le reste par la société Arc-En-Ciel. Les poubelles seront ramassées à partir de ce vendredi 18.


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Photo : Houcine Haddouche/Rue89Lyon

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