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Attaque du local des kurdes par des « Loups Gris » à Lyon : pourquoi maintenant ?

Ce samedi 3 avril en plein après-midi, la Maison de la Mésopotamie (7e arrondissement de Lyon) a été la cible d’une attaque d’un commando d’ultra-nationalistes turcs. Bilan : quatre blessés. La communauté kurde, qui exploite le local, accuse les « Loups gris » et dénonce une attaque liée au récent rapprochement entre Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan.

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Dimanche 4 avril, départ de manifestation kurde depuis la Maison de la Mésopotamie, place Mazagran (Lyon 7ème), le lendemain de l'attaque des "Loups gris". © GB.

Devant la Maison de la Mésopotamie, place Mazagran, environ deux cents personnes se sont réunies ce dimanche 5 avril pour manifester leur solidarité envers la communauté kurde lyonnaise.

La veille, samedi vers 14h30, le local politique et culturel des Kurdes de Lyon, situé rue Mazagran (à la Guillotière, 7ème arr.), était attaqué par un commando constitué d’une vingtaine d’ultra-nationalistes turcs (autrement appelés « Loups gris ») cagoulés et munis de battes de baseball et d’armes blanches. Vitres cassées, intérieur vandalisé et, surtout, quatre membres de l’association, qui faisaient le ménage dans le local, sérieusement blessés.

Trois d’entre eux ont été conduits à l’hôpital. Ce lundi matin, l’un d’eux était toujours hospitalisé. L’association « Espace Culturel Mésopotamie », qui exploite le local, ainsi que trois des blessés ont porté plainte. 

Policiers devant l’entrée de la Maison de la Mésopotamie rue Mazagran (à la Guillotière – Lyon 7ème) après l’attaque des « Loups gris » le 3 avril. Crédit : DR.

« Un camarade a reçu des coups de batte de baseball et a huit points de suture à la tête. Un autre a douze points de suture à cause d’un coup porté par un point américain. Après l’attaque, des policiers sur place nous ont dit de ne pas nous inquiéter, qu’ils allaient trouver les agresseurs. Mais ce que nous voulons c’est que les services de renseignement les arrêtent avant qu’ils agissent. Au lieu de ça, ils ne font rien », affirme Amed, adhérent de la Maison de la Mésopotamie.

Ce dimanche, c’est aux cris de « Erdogan assassin, Macron complice », que la manifestation constituée de membres de la communauté kurdes et de leurs soutiens (syndicalistes, organisations antifascistes et libertaires, Parti Communiste Français…) ambitionnait de se diriger jusqu’à la préfecture.

Sol et tables maculées de sang dans la Maison de la Mésopotamie à Lyon après l’attaque des « Loups gris ». Crédit : DR.

Sur le trajet, un commerce turc situé à l’angle de la grande rue de la Guillotière et du boulevard Jean Jaurès, et identifié par des manifestants comme appartenant à des nationalistes turcs, a été la cible de jets de pierre.

La manifestation, stoppée à grands renforts de gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre, n’est pas parvenu jusqu’à la préfecture.

Les signes avant-coureurs d’une attaque

L’attaque menée par les « Loups Gris » contre le local des Kurdes à Lyon ce 3 avril était annoncée. Littéralement.

Le 20 mars dernier, des menaces ont été retrouvées taguées en turc sur la porte de la Maison de la Mésopotamie : « Akili olun » traduire « soyez intelligents », comprendre : « faites attention ». Un message agrémenté des trois croissants, logo du MHP, (parti ultra-nationaliste turc) et des initiales RTE pour Recep Tayyip Erdogan. Elles laissent peu de doute quant à l’identité de leurs auteurs. 

Ces dégradations répondaient à la mobilisation de la communauté kurde qui, ce même samedi 20 mars, organisait un rassemblement de plusieurs centaines de personnes place Bellecour à l’appel du collectif Solidarité Kurdistan.

« Là encore, une vingtaine de « Loups gris » avaient suivi plusieurs de nos camarades qui rentraient à la Maison de la Mésopotamie à la fin de la manifestation. Ils ont agressé deux d’entre eux à la Guillotière.

Depuis trois ans, les violences des fascistes turcs augmentent à Lyon « , soutient Amed.

Dimanche 4 avril, départ de manifestation kurde depuis la Maison de la Mésopotamie, place Mazagran (Lyon 7ème).Photo : GB.

Les agissements des « Loups gris » dans le Rhône ne visent pas seulement la communauté kurde.

A l’automne, les ultra nationalistes turcs avaient organisé des manifestations anti-arméniens à Vienne et à Décines. Plusieurs centaines de personnes avaient alors défilé dans les rues, ce qui avait valu au groupuscule « Loup gris » d’être dissous en conseil des ministres le 4 novembre 2020 et au jeune Ahmet Çetin, identifié comme l’un des organisateurs de ces manifestations, d’être condamné pour « incitation à la violence ou à la haine » à la suite de propos anti-arméniens, tenus sur Instagram.

« On remarque aujourd’hui que ces mesures n’ont eu aucun effet », commente Roseline Kisa, co-présidente de l’association France-Kurdistan Rhône.

Une attaque des « Loups gris » après le rapprochement diplomatique turco-français »

« Il n’est pas anodin que ces attaques violentes et organisées des « Loups gris » à l’encontre de la communauté kurde en France interviennent à l’issue du rapprochement diplomatique turco-français », écrit le Conseil Démocratique Kurde en France dans un communiqué.

« Ce rapprochement entre Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan participe au sentiment d’impunité des « Loups gris », commente Roseline Kisa.

Début mars, un entretien téléphonique entre les deux présidents signait la fin d’une longue période de tensions qui durait depuis septembre 2020, Paris dénonçant les vues turques sur les hydrocarbures chypriotes et grecs; Ankara fustigeant la « loi séparatisme » et taxant la politique française « d’islamophobe ».

Manifestant kurde, dimanche 4 avril, place Mazagran tenant une pancarte que l’on peut traduire par « main dans la main contre le fascisme ».Photo : GB.

« Depuis ce rapprochement, la communauté kurde est dans le viseur de l’État français. On le voit avec les opérations de police qui ont eu lieu le 23 mars à Paris et à Marseille : des locaux associatifs ont été perquisitionnés et plus d’une dizaine de personnes placées en garde à vue », soutient Roseline Kisa.

Cette thèse est d’ailleurs reprise par plusieurs organisations politiques et syndicales françaises comme le syndicat Solidaires ou encore le Parti Communiste Français qui déclare dans un communiqué qu’Emmanuel Macron « normalise ses relations avec Recep Tayyip Erdogan sur le dos des Kurdes. »


#Extrême-droite

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