Lorsqu’on franchit la porte de Mod Tiff, salon de coiffure situé à Charpennes (Lyon 6), c’est le choc. À l’approche des fêtes de Noël, des centaines de cartons sont empilés à chaque recoin de la pièce. « Il y en a partout, jusqu’aux toilettes ! » s’exclame Stéphanie Poncet, gérante du relais-colis placé dans le salon de coiffure de sa mère Sylvie.
Dans ses mains et ses poches arrière de jean, plusieurs scannettes avec lesquelles Stéphanie jongle lorsqu’un client vient chercher ou déposer un colis. Nom, numéro de retrait ou code-barre, chaque transporteur a sa méthode, compliquant ainsi la tâche.
« Je ne sais pas comment elle fait pour s’en sortir », chuchote une cliente qui a attendu de longues minutes devant la boutique, avec une dizaine d’autres clients. Avant de hausser la voix pour se faire entendre : « il faut sacrément être organisée, bravo ! »
Une habituée du salon, la tête couverte d’aluminium sous le casque chauffant, cachée derrière la montagne de cartons, réagit : « Ah, ça fait du bien d’avoir des compliments pour une fois ! Elle a plus de remontrances que de compliments la pauvre ! » Stéphanie répond : « Il y a des gens adorables, mais il y en a d’autres vraiment horribles. Je me suis déjà fait agresser pour un colis, une cliente voulait se battre. Les gens sont hargneux. »
Des centaines de colis par jour
Il faut dire que certains jours, la queue peut s’étendre jusqu’à la brasserie Joko, située à environ 50 mètres de la boutique, barrant ainsi le passage aux habitants des immeubles et aux clients des autres commerces.
Malgré cela, les commerçants voisins sont plutôt solidaires avec elle. « J’ai stocké des sacs de colis chez mon voisin » se rappelle Stéphanie. Dans la foulée, un homme entre dans le salon, une tasse de café chaud à la main, qu’il tend à Stéphanie en guise de mini-pause dans cette longue matinée déjà bien remplie.
« C’était Stéphane, mon sauveur de café ! Il travaille à la brasserie du coin de la rue » commente-t-elle.
Des colis, Stéphanie en brasse énormément par jour. Rien que pour Mondial Relay, sur la seule
journée du mercredi précédent, elle a réalisé 250 livraisons, 325 réceptions et 95 retours. Puis 195
retours et 75 livraisons pour Vinted Go. Pour le reste, elle n’a pas les statistiques.
Relais-Colis : « L’enfer de Noël » à Lyon
Au-delà de la période de Noël, Stéphanie Poncet a observé « une explosion des livraisons ces trois ou quatre dernières années. J’ai même dû recruter des personnes pour venir m’aider cette année, ce qui ne m’était jamais arrivé jusqu’à maintenant. » Pour compenser « l’enfer de Noël », la plupart des transporteurs ont donné des primes sur les mois d’octobre, novembre et décembre selon elle, sauf Vinted Go.
Pourtant, elle est la seule commerçante à prendre les colis du transporteur sur Lyon, dont les lockers (des casiers de dépôt) sont régulièrement pleins. « Les commerçants sont les points de délestage des livreurs, explique-t-elle, mais nous aussi, nous sommes saturés. »
Sa mère réagit : « Les transporteurs n’en ont rien à faire ! La semaine dernière, Vinted Go a livré 16 sacs d’une vingtaine de colis, alors que l’entreprise en avait livré autant la veille. Elle les a appelé pour dire qu’elle ne pouvait pas en gérer autant, mais vous parlez à un mur. »
Colis à Lyon : un impact sur l’activité du salon
C’est sur proposition de sa mère Sylvie, qui tient le salon de coiffure depuis 1986, que Stéphanie a ouvert le point relais il y a 12 ans. « A la base, je suis vendeuse en bijouterie, explique-t-elle. Mais j’ai eu une dysplasie rotulienne sévère qui a nécessité une intervention chirurgicale. Comme je ne pouvais plus marcher et que j’étais une acheteuse compulsive, ma mère courait à droite et à gauche pour aller chercher mes colis. Elle m’a dit : si tu veux j’ai de la place au salon, on peut ouvrir un point relais. »
Son activité débute alors avec Mondial Relay, ajoutant peu à peu d’autres transporteurs pour aujourd’hui les faire tous. Du jamais vu ailleurs. Une seconde cliente sortant du bac à shampoing, les cheveux mouillés, marchant en crabe entre les cartons suivie de la coiffeuse, rappelle l’activité principale de ce lieu.
« Ce n’est pas trop compliqué de travailler dans ces conditions ? », lançons-nous. « Non, mes livreurs sont sympas, ils essaient de faire en sorte que ma mère puisse encore passer et moi je range au fur et à mesure dès que j’ai cinq minutes », répond Stéphanie, déclenchant la réaction de sa mère.
« Pour elle non, mais c’est plus compliqué pour moi ! On fait comme on peut », rebondit-elle, sèche-cheveux en main, avant de démarrer le brushing de sa cliente. La coiffeuse, en semi-retraite, ne travaille déjà plus que les jeudis, vendredis et samedis. Stéphanie récupérera le local lorsqu’elle prendra sa retraite.


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