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Entre bourdes et polémiques, les premiers pas casse-gueule du député RN Jonathan Gery

Depuis son élection en tant que député de la 8ᵉ circonscription du Rhône, le député Jonathan Gery (RN) ne chôme pas pour se faire connaître de ses concitoyens à bord de son camping-car aux couleurs de Marine Le Pen. Il attaque à toute berzingue certains élus du coin. Quitte à se prendre un peu les pieds dans le tapis.

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Jonathan Géry
Jonathan Géry, député de la 8ᵉ circonscription du Rhône. ©Houcine Haddouche/Rue89Lyon

« Vous pouvez sûrement vous rendre compte par vous-même si ce député est à la hauteur ou pas. » Cette petite phrase lâchée par une élue du Beaujolais en dit long sur l’état d’agacement de plusieurs élus locaux du Rhône sur leur nouveau député, Jonathan Gery (RN). 

Depuis son élection à la tête de la 8ᵉ circonscription, le 7 juillet dernier, ce « bon petit soldat » de Marine Le Pen, pour reprendre son opposante socialiste, Anne Reymbaut, commence à se faire une notoriété à l’ouest de Lyon. Inconnu jusqu’en juin 2024, il cherche sa voix pour se faire entendre, non sans quelques cacophonies.

En termes de com’, le député Gery semble avoir trouvé son rythme. Avec sa permanence ambulante, il parcourt l’ensemble de la plus grosse circo du Rhône avec un camping-car floqué de sa tête et celle de sa cheffe, Marine Le Pen. De village en village, il vient rencontrer les habitants et… se prendre la tête avec les élus.

Notamment avec la maire des Sauvages, Annick Lafay, commune de 600 habitants du Rhône. Son tort ? L’avoir « engueulé », selon les termes de l’élu mariniste. 

Quand Jonathan Géry (RN) envoie des courriers après s’être fait « engueulé »

« Je lui ai peut-être parlé un peu près (physiquement, ndlr), mais je ne lui ai pas hurlé dessus », s’est défendue celle qui est aussi élue au Département, auprès de nos confrères du Progrès. « Je me suis permis de lui dire qu’il avait été élu en juin, et qu’il ne connaissait pas encore les élus locaux de sa circonscription, notamment qui est maire, conseiller départemental ou régional » Contactée par nos soins, Annick Lafay semblait encore tellement énervée par l’échange qu’elle a refusé de nous en dire plus. 

Le député agace (plutôt) ceux qu’on nomme parfois les « petits » élus. Dans une circonscription habituée aux longues dynasties de barons, le néo-député impose un style. Celui qui se dit « en campagne permanente » ne lésine pas sur les moyens pour taper sur la concurrence. 

Avant son passage dans la commune d’Annick Lafay, les habitants ont ainsi reçu un courrier du député dans leurs boîtes aux lettres, attaquant la maire des Sauvages. De même, les habitants du Val-d’Oingt ont eu le droit à une missive dans laquelle le député s’alarme de ne pas être invité aux vœux du maire.

« Cette exclusion motivée par des considérations purement politiques est une véritable atteinte à l’esprit républicain et au respect de nos institutions démocratiques », écrit-il dans le courrier que Rue89Lyon s’est procuré. Il tance le « sectarisme » de l’élu, classé plutôt à gauche.

Jonathan Gery (RN) : « Il a un problème de connaissances »

« On n’avait pas invité les députés les années précédentes, nous ne l’avons pas non plus fait pour M. Gery », commente pour sa part auprès de Rue89Lyon Pascal Terrier (DVG), le maire du Val-d’Oingt. Interrogé par un élu d’opposition en conseil municipal, le maire avait fini par dire qu’il n’avait pas l’intention d’offrir une « tribune au RN ». Pour lui, le sujet a ensuite été monté en épingle.

Sur la forme, le député n’hésite pas à faire du bruit. Mais sur le fond, il semble galérer. Quand on fait le tour des élus du coin, on se rend compte que la maire des Sauvages n’est pas la seule à l’avoir attaqué sur ses compétences. « Il a un problème de connaissances », commente un maire (divers droite) de la circo. De fait, il a une petite tendance à se prendre les pieds dans le tapis. 

À l’ouest de Lyon, un habitant nous raconte comment l’ancien policier a découvert ce qu’était « un service civique », étonné de voir des jeunes travailler « pour si peu » lors d’une réunion. De même, le jeune élu est resté pantois en découvrant l’acronyme AESH (pour Accompagnant des élèves en situation de handicap). Un élu lui aurait demandé de plaider sa cause auprès de l’État, en charge de ces postes essentiels en milieu scolaire. Le perdant un peu. 

« Il nous a accompagné sur l’inauguration d’un centre socio-culturel. Puis, il a écrit le lendemain sur les réseaux qu’il s’agissait d’un centre social », commente pour sa part Anne Reymbaut (PS). Sans surprise, l’ancienne candidate du NFP, est particulièrement remontée contre son ancien concurrent.

Pour elle, comme pour la plupart des élus, le problème n’est pas tant ses bourdes, mais les échanges qui s’ensuivent. « Il ne va pas chercher à se faire entendre des élus locaux, lâche-t-elle. Il essaye de se positionner comme si nous étions le gotha du coin. »

Taper sur « l’establishement » et les petits élus

Dans le même esprit, une source nous raconte ainsi comment le maire d’Amplepuis s’est fait rabrouer pour ne pas avoir changé « immédiatement » le plan local d’urbanisme, sur demande d’un agriculteur. Une chose techniquement impossible pour lui, cela se faisant en des mois, voire des années…

Un élu du secteur des Pierre Dorées ne lui demande pas d’être parfait. « Mais un peu d’humilité ne ferait pas de mal, lâche-t-il. Il se victimise. Finalement, on est sur une technique de l’extrême droite assez classique. »

« Il fait un travail de présence. Mais on ne peut pas dire qu’il soit constructif », tance pour sa part Anne Reymbaut. Elle râle contre un député la jouant anti-système, qui veut faire passer les petits élus comme des membres de « l’establishement ». De fait, la plupart des sources que nous avons contactées ne sont pas des « barons » de la 8e circonscription.

L’ancien député Patrice Verchère (LR), à la tête de la Communauté d’agglomération de l’Ouest rhodanien, comme le maire de Tarare Bruno Peylachon (DVD), par exemple, n’ont pas donné suite à nos demandes d’entretiens sur ce sujet. Nous n’avons pas non plus eu Nathalie Serre (LR), députée de 2022 à 2024.

De même, l’ancien référent En Marche du département, Morgan Griffond, joue la carte de l’inexpérience. « Lorsque je l’ai rencontré, j’ai bien compris que les enjeux du syndicat des rivières n’étaient pas sa tasse de thé, indique le président du syndicat de l’Ouest lyonnais. Mais ça reste un jeune élu. » S’il a entendu que les relations étaient « tendues » entre le député et les élus, il évite d’en faire état. 

Tout comme Christophe Guilloteau (LR). Le président du conseil départemental, habituellement d’humeur taquine sur ses adversaires politiques, évite d’en dire trop. Même s’il admet que les retours du terrain ne sont pas bons. « Il a été élu et j’ai un grand respect pour le vote », nous lâche-t-il, avec un regard de biais. « On vote les lois pour la nation, pas pour une commune », commente l’ancien député, cumulant 38 ans de mandats.

« Quand je faisais partie des députés, il y a des fois où l’on ne m’invitait pas. Je n’en faisais pas une maladie… », ajoute-t-il. Il constate une évolution de la figure du député, autrefois plus ancrée localement. Désormais, tout se joue plus à Paris.

Après le big-bang 2024, une 8e circonscription en tension

Du respect pour l’homme, ou la crainte de froisser ses électeurs ? Dans une circonscription historiquement acquise à la droite traditionnelle, l’arrivée aux manettes d’un élu RN en juin 2024 a été un big-bang.

Cela d’autant plus dans un contexte rocambolesque. Sur la terre de barons locaux comme Michel Mercier ou Patrice Verchère, l’inconnu l’a emporté au profit d’une quadrangulaire, devenue une triangulaire. « J’en porte toujours une responsabilité », commente Anne Reymbaut, à propos de cette victoire de l’extrême-droite.

À l’Assemblée, le député Gery est un député RN classique. Il a voté toutes les propositions du Rassemblement national et s’est positionné sur des sujets anti-migrants. En commission des lois, il s’est fait remarquer pour son intervention pour abroger le titre de séjour pour exilés malades. Sans surprise, il a soutenu le maire d’Écully dans sa lutte contre l’installation d’un centre de mise à l’abri et d’évolution (CMAE). Bref, du classique. 

Contacté par téléphone via son assistant parlementaire Rémy Berthoux, Jonathan Géry n’est pas revenu vers nous pour organiser une entrevue, malgré nos multiples relances. 


#Extrême-droite

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