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29/03/2024 date de fin
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« La Métropole de Lyon doit tenter une expérimentation Territoire Zéro SDF »

Jean-Paul Vilain, président de la Coordination urgence migrants (CUM) et Geneviève Iacono, maître de conférence de droit public à Lyon 2, plaident pour une « autre politique » en matière d’hébergement d’urgence et défendent l’expérimentation d’un « Territoire Zéro SDF » qui passerait notamment par la mise à disposition des bâtiments appartenant à l’Etat ou aux collectivités.

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L’ex-squat de la rue Léon Bourgeois à Bron (au bord du parc de Parilly). ©DR Jean-Paul Vilain, président de la CUM : « C’est typiquement le cas d'un bâtiment propriété de l'Etat (Maison ONF) qui a été longtemps en vente sans trouver d'acheteur. Il y a 3 ans, la CUM avait demandé à la Préfecture de le réquisitionner pour y installer des migrants SDF. Refus de la Préfecture, en lien avec la commune de Bron. On nous expliquait que ce n'était pas possible car il y avait un soit-disant projet de construction de « résidence sociale ». Ce bâtiment a été ensuite squatté pendant plus de deux ans par des familles albanaises qui ont fini par être expulsées à l'automne 2017. Ce lieu est à nouveau "sécurisé" et vide depuis ce moment alors que soit-disant la Métropole et la Maison de la Veille Sociale (MVS) cherchent partout des places d'hébergement ».

Rue89Lyon publie leur point de vue sous forme de tribune alors qu’est discuté le projet de loi logement (dit ELAN), depuis le 30 mai à l’Assemblée nationale.

Plusieurs dizaines de familles remises à la rue sans ménagement depuis un mois

Depuis plusieurs semaines, les services de la Préfecture procèdent à l’évacuation programmée des lieux d’hébergement temporaire qu’ils avaient eux-mêmes ouverts dans différentes communes dans le cadre du Plan froid, en lien avec diverses associations agréées :

  • Caserne Chabal à Saint-Priest, gérée par la Fondation de l’Armée du Salut (processus d’évacuation démarré le 24 avril).
  • Résidence de La Sarra, à Lyon 5ème, près de Fourvière, gérée par la Fondation Notre Dame des Sans Abri (en cours d’évacuation depuis le 25 mai).
  • Foyer «  le Chêne  » à Bron, géré par l’association Entraide Pierre Valdo (évacuation à partir du 30 mai).

A ces différents lieux collectifs en train de fermer, on peut ajouter également la fin du paiement de nombreuses nuits d’hôtels et plusieurs évacuations (réalisées ou en préparation) de squats  : La Cabine, Le Rafiot, Le Prieuré, la Maison Mandela, l’Amphi Z, La Ferme, etc.

Autant de lieux qui jusqu’à présent permettaient aux familles de vivre, d’avoir un toit, de se laver, de cuisiner des repas chauds, de veiller à la scolarisation des enfants, de s’entraider entre les familles et de bénéficier de l’aide régulière des travailleurs sociaux et des nombreux militants bénévoles.

Les conditions de remise à la rue pour toutes les personnes sans titre de séjour régulier heurtent tous les grands principes des droits fondamentaux tels qu’ils résultent des engagements internationaux pris par la France.

A tel point que même les responsables des associations mandataires sont au plus mal et ont l’impression d’être les otages impuissants d’une politique absurde.

Les intuitions du projet d’expérimentation « Territoire Zéro SDF »

Cependant, une autre politique est possible, moins coûteuse  et plus éducative. Cette autre politique est directement inspirée du montage « Territoire Zéro Chômeur » mis en œuvre par ATD Quart Monde pour aider les personnes sans emploi à retrouver du travail dans certains quartiers.

On l’a nommée « Territoire Zéro SDF ».

Elle repose sur le constat que, dans toute agglomération (et la Métropole de Lyon est un bon exemple), de nombreux immeubles, publics ou privés, restent vacants plusieurs mois ou même plusieurs années, le temps de l’instruction des permis de construire, des fouilles archéologiques ou tout simplement parce qu’ils ne correspondent plus à des projets précis.

C’est le cas notamment de casernes ou de gares désaffectées, d’immeubles de logements de fonction ou de bureaux, d’écoles, d’anciens hôtels, etc.

Or, la vacance de ces bâtiments induit pour la collectivité de nombreux coûts directs et indirects :

  • Coûts de sécurisation des bâtiments afin d’éviter les dégradations provoquées par les situations de squat  : gardiennage, vidéosurveillance (budget de 1,8 million d’euros voté par la Métropole en 2018 pour la seule la vidéosurveillance de ses bâtiments vacants), barreaudage des accès, assurance, entretien, loyers et charges de chauffage parfois, etc.
  • Coûts des nuitées d’hôtels pour mettre à l’abri, généralement dans des conditions inadaptées, des familles SDF pendant quelques jours ou quelques semaines, sans suivi éducatif et, généralement, sans véritables possibilités pour les familles de vivre de façon autonome.
  • Coûts indirects induits par l’insécurité sociale et médicale que vivent les personnes sans abri.

Devant ce constat, une vision renouvelée de la comptabilité publique est possible et devrait au moins être expérimentée, en créant un compte spécial réceptacle des coûts de la vacance. Un compte qui pourrait alors permettre à des associations agréées et volontaires de signer des conventions d’occupation temporaire pour héberger des familles dans ces bâtiments vacants.

De fait, cette initiative permettrait de conjuguer de manière pragmatique les logiques de sécurité et d’ordre public avec le principe de dignité, tout en redéployant les dépenses privées et publiques vers des politiques volontaristes de lutte contre l’exclusion sociale.

L’ex-squat de la rue Léon Bourgeois à Bron (au bord du parc de Parilly). ©DR Jean-Paul Vilain, président de la CUM : « C’est typiquement le cas d'un bâtiment propriété de l'Etat (Maison ONF) qui a été longtemps en vente sans trouver d'acheteur. Il y a 3 ans, la CUM avait demandé à la Préfecture de le réquisitionner pour y installer des migrants SDF. Refus de la Préfecture, en lien avec la commune de Bron. On nous expliquait que ce n'était pas possible car il y avait un soit-disant projet de construction de « résidence sociale ». Ce bâtiment a été ensuite squatté pendant plus de deux ans par des familles albanaises qui ont fini par être expulsées à l'automne 2017. Ce lieu est à nouveau "sécurisé" et vide depuis ce moment alors que soit-disant la Métropole et la Maison de la Veille Sociale (MVS) cherchent partout des places d'hébergement ».
L’ex-squat de la rue Léon Bourgeois à Bron (au bord du parc de Parilly). ©DR
Jean-Paul Vilain, président de la CUM : « C’est typiquement le cas d’un bâtiment propriété de l’Etat (Maison ONF) qui a été longtemps en vente sans trouver d’acheteur. Il y a 3 ans, la CUM avait demandé à la Préfecture de le réquisitionner pour y installer des migrants SDF. Refus de la Préfecture, en lien avec la commune de Bron. On nous expliquait que ce n’était pas possible car il y avait un soit-disant projet de construction de « résidence sociale ». Ce bâtiment a été ensuite squatté pendant plus de deux ans par des familles albanaises qui ont fini par être expulsées à l’automne 2017. Ce lieu est à nouveau « sécurisé » et vide depuis ce moment alors que soit-disant la Métropole et la Maison de la Veille Sociale (MVS) cherchent partout des places d’hébergement ».

Pourquoi cette expérimentation n’aboutit-elle pas?

Au sein de la Métropole de Lyon, la Coordination Urgence Migrants (CUM), mène ce combat depuis plusieurs mois, pour l’instant sans succès !

Sur la base d’un travail d’inventaire collaboratif réalisé dans l’agglomération, nous avons identifié avec précision une vingtaine de bâtiments vacants pouvant être réquisitionnés pour des hébergements d’urgence.

Depuis l’été 2016, nous avons introduit plusieurs recours gracieux et contentieux contre la Préfecture pour demander la réquisition de différents bâtiments publics ou privés en vue de permettre l’hébergement d’urgence de familles SDF… sans succès.

Un petit pas en avant, de grands pas en arrière : l’exemple du projet de loi ELAN

Dernièrement, nous avons saisi l’opportunité de la Conférence de consensus lancée par le Ministère de la Cohésion des Territoires dans le cadre de l’élaboration de la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) pour déposer une proposition de loi sur le site du Sénat reprenant l’idée de modéliser l’expérimentation précédemment décrite.

Malgré les nombreuses critiques apportées à ce projet de loi sur plusieurs points, nous avions en effet constaté que le texte initial consacrait explicitement le droit de réquisition (une avancée notoire  !) en apportant une modification significative mais insuffisante de l’article L 642-1 du Code de la Construction et de l’Habitation.

Malheureusement, les discussions internes au Sénat ont purement et simplement écarté les discussions sur le sujet  ! Nouvel enterrement de première classe… jusqu’à ce que, dernièrement, à la suite d’une recherche très précise sur les différentes contributions de la commission des lois de l’Assemblée Nationale, nous découvrions une bonne surprise  : ajout d’un article supplémentaire (article 9 bis) au projet de loi initial portant sur les possibilités de réquisition des bâtiments vacants, résultat de la mobilisation associative sur le sujet  :

« Les dispositions du présent article visent à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires et leur mise à disposition gratuite, dans le respect d’un objectif d’insertion et d’accompagnement social ».

A la lecture des débats de ces derniers jours au sein de la commission, on se rend compte que les dédales de la fabrique de la loi sont complexes à décrypter pour la personne non initiée et il faut beaucoup de sagacité pour en comprendre toutes les subtilités.

Le projet de loi ELAN n’échappe pas à la règle… Espérons que les députés se saisissent enfin de cette opportunité pour rendre effective cette expérimentation prévue par l’article 9 bis.

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