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Le cardinal Barbarin récompense un activiste de la fachosphère pour sa poésie

Il se fait présenter comme « poète intégriste ». Le 8 décembre 2017, le lyonnais Romain Guérin a remporté un concours de poèmes initié par le cardinal Barbarin. Auteur de plusieurs textes plus ou moins poétiques, et d’un recueil confidentiel, Le Journal d’Anne-France, il est particulièrement actif au sein de la fachosphère et de la mouvance nationaliste d’extrême droite. Le diocèse de Lyon connaissait-il le pedigree de son lauréat ?

Vidéo

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Romain Guérin et sa récompense, la statuette de la Vierge Marie remise par le cardinal Barbarin (capture d'écran).

En mai dernier, la couronne de la Vierge, sertie de 1791 pierres précieuses offertes par des familles lyonnaises a été dérobée au Musée de Fourvière. Dans l’idée de remplacer symboliquement le bijou perdu, le diocèse de Lyon s’est lancé dans l’organisation d’un concours de poèmes dédiés à Marie, ouvert en septembre, qui se donnait pour objectif de réunir quasi autant de textes que de pierres précieuses disparues. Il regroupait trois catégories : « adultes », « 12/17 ans », et « enfants ». Trois gagnants ont été désignés par un jury au sein de chacune d’elles.

Lors de la remise des prix, trois mois plus tard, à la date symbolique à Lyon du 8 décembre, c’est le cardinal Barbarin en personne qui a remis une statuette dorée de la Vierge aux heureux élus.

Parmi eux, l’auteur d’un poème intitulé La Lumière de ma Ville, qui a même été mis en musique. Romain Guérin avait d’abord présenté sa bafouille sous un pseudo, « Romain A. (né en 1984) ». Elle a été choisie parmi mille autres propositions.

« L’idéologie que véhicule ce livre n’est pas très à la mode »

Une fois le prix remporté (dans la catégorie « Adulte »), Romain Guérin ne s’est pas caché de sa qualité de poète et romancier d’un genre particulier. La remise du prix a même été l’occasion pour lui de faire la promo de son ouvrage, Le Journal d’Anne-France, tout juste publié aux éditions Altitude (maison d’édition en ligne qui compte deux livres à son actif et qui se donne pour objectif de « refranciser les âmes »).

Ce récit est relayé sur des sites affiliés de près ou de loin à la fachosphère (lagauchematuer ; vivaeuropa). Il a bénéficié d’une chronique dithyrambique de la youtubeuse décliniste Virginie Vota, qui se présente comme une « voix dissidente du féminisme ».

Le titre de l’ouvrage fait évidemment écho au Journal d’Anne Frank, tout comme la mythologie dont Romain Guérin a voulu l’entourer. Il raconte que son texte est tiré d’un journal qui aurait été retrouvé par son meilleur ami, sur l’ordinateur d’une vieille femme, après sa mort.

Anne-France apparaît donc comme une retraitée à la plume très critique envers ce qu’elle considère être la « déperdition des traditions chrétiennes et des valeurs françaises ». Un paragraphe est par exemple consacré à tout le mal qu’elle (/il) pense de l’IVG.

Lors de la remise du prix (voir la vidéo ci-après, montée par le gagnant lui-même), Romain Guérin signale que « l’idéologie que véhicule ce livre n’est pas très à la mode ».

Des propos racistes et homophobes déversés sur la toile

Sur les internets, on trouve de nombreuses traces de Romain Guérin. Sur Suavelos, notamment, un site d’extrême droite dédié à «l’éveil communautaire des blancs », fondé par l’ultra-nationaliste Daniel Conversano. Guérin y publie ses poèmes, dont un Hommage aux enfants blancs et une chronique intitulée « Séquences d’anti-France » qui dépeint son quotidien à Lyon.

Il raconte son passage par la place Gabriel Péri (Lyon 7e), où il se sent « seul pérégrin dans cet enclave africain ». On le voit déversant pêle-mêle sa haine anti-migrants, qu’il qualifie de « zozos mangeurs de noix de coco logés dans des châteaux ». Ne nous épargnant pas son opinion sur le mariage homosexuel, il verse dans l’insulte, parlant d’« union de deux grosses vaches brouteuses de gazon bien gras ». Ou, au sommet de son art, d’« union tribale de deux congoïdes ».

Le lyonnais publie également des talks sur Youtube, dans lequels il se met en scène de façon grotesque (chapeau, allumage de cigarette, voir la vidéo ci-après). On le voit parler du « gauchisme » comme d’ »une maladie mentale ou un délire collectif », dédiant des odes à Alain Soral ou à Dieudonné.

Sur la chaîne Vive l’Europe où il est présenté comme « poète intégriste et fondamentaliste français », on l’entend parler à tort et à travers au cours d’une longue interview avec Daniel Conversano, de deux heures, un verre de vin à la main.

Enfin, ci-après, l’un de ses tweets relatifs à « l’affaire Weinstein ».

« On ne l’a pas boycotté »

Après la cérémonie, il semblait lui-même surpris d’avoir été sélectionné, « ne croyant pas à la légitimité esthétique et morale de ce genre de concours » comme il l’explique sur Youtube. Contacté par nos soins, le diocèse de Lyon explique avoir eu connaissance du pedigree polémique de l’auteur.

« On le sait, mais on ne l’a pas boycotté. Nous nous sommes basés uniquement sur son poème. Ce n’est absolument pas non plus ce qui a légitimé sa présence parmi les lauréats du concours ».

Ces positions sont pourtant facilement repérables, pour le moins tendancieuses et répréhensibles pour beaucoup.

En mai 2017, quand le Front national s’est retrouvé au second tour de la présidentielle, le cardinal Barbarin a signé une tribune au côté d’autres responsables catholiques lyonnais. Il y dénonçait « la dangerosité du discours nationaliste ». Et rappelait au nom de son église un engagement « pour que reculent les discriminations, les inégalités, la violence, la xénophobie et toutes les paroles de haine qui fracturent notre société ».

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