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Législatives à Grenoble : Christiane Taubira soutient des écolos-frondeurs-citoyens face à Michel Destot

Déliés des partenaires « insoumis » d’Eric Piolle à la mairie de Grenoble, les écologistes grenoblois s’appuient désormais pour les législatives sur des frondeurs socialistes, des nouveaux visages et des soutiens nationaux pour « refaire le coup des municipales ».

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Législatives à Grenoble : Christiane Taubira soutient des écolos-frondeurs-citoyens face à Michel Destot

Dans les 1ère et 3ème circonscriptions de l’Isère, les candidatures écolo-frondeuse-citoyennes d’ « Ensemble pour Gagner ! » tentent de se frayer une place à gauche entre les candidats investis par l’appareil socialiste, La France Insoumise et La République en Marche.

Sur les deux circonscriptions qui découpent Grenoble et ses environs, Eric Piolle, le maire écolo de la ville, voulait « cultiver l’exception grenobloise » aux élections législatives.

Traduction : s’extraire des accords nationaux pour présenter des candidatures unitaires à gauche en capacité de l’emporter contre les deux favoris, Olivier Veran et Michel Destot (lire encadré ci-contre)

Mais c’est finalement en ordre dispersé que s’affronteront le 11 juin prochain les candidats écologistes, insoumis, communistes, anticapitalistes et ceux d’une flopée de mouvements « citoyens » dont « la relève citoyenne » de l’éphémère candidate à l’élection présidentielle, Charlotte Marchandise.

Dans ce champ de bataille, les candidatures conjointes de Nicolas Kada et Soukaïna Larabi sur les 1ère et 3ème circonscriptions de l’Isère sous l’étiquette « Ensemble pour gagner ! », rejouent la carte de la spécificité locale en rassemblant les écologistes, des frondeurs socialistes et des personnalités de la société-civile sans engagements politiques passés.

Les candidats Nicolas Kada, Soukaïna Larabi et la suppléante Maryvonne Boileau lors du lancement de la campagne « Ensemble pour gagner ! », le 15 mai 2017. Crédit : VG/Rue89Lyon.

Soutenus par Benoit Hamon, Christiane Taubira et Caroline De Haas

Pour combler le déficit de notoriété par rapport aux favoris et déjouer la « nationalisation de la campagne des insoumis », les candidats « Ensemble pour gagner ! » appuyés par Eric Piolle espèrent désormais engranger d’autres soutiens locaux et capitaliser sur des figures nationales.

Dernière en date, Christiane Taubira, a envoyé une vidéo, ce mardi 30 mai, pour appuyer les candidatures. Dans la séquence, elle déclare notamment au sujet de Soukaïna Larabi et Nicolas Kada :

« Ils ont le respect de la raison d’être de l’engagement à gauche: la protection des plus vulnérables, la lutte constante pour l’égalité, veiller à ce que les questions climatiques ne soient pas marginales. […]. Ils méritent votre confiance: ils ont mon soutien ».

Benoît Hamon avait déjà sauté le pas. Le candidat socialiste à l’élection présidentielle s’est fendu le weekend dernier d’un message de soutien à Nicolas Kada, sans scrupule pour les candidats investis par le parti socialiste sur la 1ère circonscription de l’Isère :

“Il porte un projet d’avenir dans lequel chacun trouve sa place. Il est le renouvellement, le vrai, celui auquel nous aspirons tous”.

Quelques jours plus tôt, c’est Caroline De Haas, militante féministe et initiatrice de la pétition contre la loi Travail, qui apportait son soutien aux candidats grenoblois.

D’autres poids-lourds de la gauche et de l’écologie sont déjà annoncés, sans laisser filtrer d’indice qui compromettrait le feuilletonnage supposément rassembleur.

En structurant une dynamique de « renouvellement et de dépassement des partis », les candidats d’ « Ensemble pour gagner ! » envisagent même de passer en tête de la gauche au premier tour, au moins sur la 3ème circonscription, historiquement à gauche.

Le rendez-vous manqué de l’unité

Sur cette 3ème circonscription, une coalition plus large avait d’abord été envisagée pour barrer la route à une 7ème candidature du socialiste Michel Destot.

Un rassemblement élaboré sur les bases de l’alliance politique entre Europe-Ecologie-Les Verts (EELV), le Parti de gauche et des mouvements citoyens qui avait permis la conquête de la municipalité grenobloise en 2014, puis des résultats encourageants sur les cantons de Grenoble aux élections régionales et départementales de 2015.

Mais cette fois, les tractations n’ont pas survécu aux exigences de chacun.

Alain Dontaine, responsable du Parti de gauche et référent de la France insoumise à Grenoble, résume :

« Nous avions obtenu l’accord des instances nationales de la France Insoumise pour faire une exception sur la 3ème circo’ en sauvegardant l’entente politique locale avec EELV. Nous avions même trouvé une personnalité compatible ».

Le nom de Mathilde Dupré, ancienne responsable de la lutte contre l’évasion fiscale au CCFD-Terre Solidaire, faisait consensus. Mais la native du quartier de la Villeneuve de Grenoble refusait d’intégrer le groupe parlementaire de la France insoumise en cas de victoire comme le réclamait le mouvement.

Les insoumis, exaltés par le très haut score de Jean-Luc Mélenchon sur cette circonscription au premier tour de l’élection présidentielle (en tête avec 31,06%), ont rapidement mis fin aux négociations en investissant le médecin-urgentiste, Raphaël Briot sur la 3ème circonscription.

Le parti communiste français (PCF), tenté par l’alliance unitaire mais pas prêt à laisser le champ libre aux rivaux de la France insoumise, a aligné à son tour un candidat, Jean-Paul Trovéro, le maire de Fontaine.

C’était donc loupé pour l’unité.

Des socialistes face… aux candidats du parti socialiste

Le « rassemblement » des élections municipales, départementales et régionales autour des écolos a donc bien vécu, mais il bouge encore.

C’est finalement sur la base de l’entente présidentielle Hamon-Jadot, que les écologistes grenoblois ont trouvé chez certains « hamonistes » les partenaires d’un rassemblement « pas aussi complet et abouti qu’espéré », mais prêts à entrer en dissidence face aux candidats investis par le parti socialiste.

Lancement de la campagne « Ensemble pour gagner ! », le 15 mai 2017, à Grenoble. Crédit : VG/Rue89Lyon.

Après les tergiversations habituelles sur l’ordre titulaire/suppléant, pour respecter l’équilibre et les promesses de l’accord, les candidatures ont finalement été officialisées le 15 mai dernier (lire encadré ci-contre).

Au soir des présentations, une grande partie de la jeune garde militante socialiste était venue soutenir ses « propres candidats investis pour forcer le renouvellement ».

Alors, pour colmater la brèche et faire passer le message, la fédération socialiste iséroise a entamé dès le lendemain des procédures d’exclusion contre Soukaïna Larabi et Hugo David.

Dans un post Facebook à l’attention de ses « camarades grenoblois », Jérôme Safar, le leader du groupe d’opposition socialiste au conseil municipal de Grenoble, tance à son tour :

« Je n’approuve pas cette nouvelle mécanique et je ne la comprends pas. Elle foule aux pieds […] le vote des militants. Celui-là même que vous avez érigé à juste titre comme incontournable lorsqu’il était favorable à des candidatures suffisamment « pures » pour qu’elles déclenchent votre soutien et votre vigilance permanente ».

Il faut dire que la position est difficilement tenable pour les socialistes. Opposés aux écologistes à la ville, partenaires à la métropole et désormais écartelés pour les législatives.

Mais les frondeurs comme leurs soutiens socialistes assument le schisme avec « la ligne Destot/Safar ». À l’image de Céline Deslattes, ancienne adjointe de Michel Destot à la petite enfance, à Grenoble :

« La présidentielle a accéléré la recomposition politique de la gauche. Il faut dépasser toutes les logiques de partis et refonder un socle commun sur nos accords. Sur la 3ème circonscription, Michel Destot n’a pas souhaité être ce candidat rassembleur, alors je suis fier de participer au lancement de cette nouvelle génération ».

Le coup d’après : une majorité municipale élargie ?

Pour les observateurs de la politique grenobloise, ces grandes manoeuvres laissent évidemment envisager une recomposition future de la majorité grenobloise.

Aucun doute pour Jérôme Safar dans le message laissé à ses « camarades grenoblois » :

« Vous n’êtes en effet pas du tout dans une logique d’élection législative, mais bien municipale trois ans avant la prochaine échéance. […] Pensez vous vraiment que faire « un coup » avec une équipe municipale qui ferme des équipements culturels, rogne sur les subventions aux associations, baisse les moyens du CCAS, augmente tous les tarifs municipaux, […] soit représentatif d’une politique de gauche et de solidarité ? ».

L’appareil écologiste qui structure la campagne d’ « Ensemble pour gagner ! » envisagerait-il d’ouvrir grand la porte à l’aile frondeuse du PS en 2020 pour diminuer sa dépendance envers des « insoumis » parfois récalcitrants à la ligne collective ?

La ténor écolo Maryvonne Boileau ne l’écarte pas :

« L’avenir n’est pas écrit, mais on veut être rassembleur. Il ne faut pas rester seulement dans les rails des accords. Le débat doit être la force vive permanente qui nous fait aller de l’avant ».

Chez les insoumis aussi, Alain Dontaine s’interroge :

« Grenoble a montré que d’autres logiques politiques pouvaient prendre le relais de l’effondrement des deux grands partis politiques. Mais je ne suis plus persuadé que Grenoble restera le laboratoire de cette recomposition. La dynamique nationale de la France insoumise a pris le relais ».

Le premier tour des législatives sera le juge de paix pour mesurer le poids de chacun. Ou le coup de semonce de nouvelles hostilités.

 

 

Les candidats aux législatives 2017 sur la 3e circonscription de l’Isère :

Elodie Léger (Les Républicains – Union des démocrates et indépendants)
Patrick Colin de Verdière (La Relève citoyenne)
Emilie Chalas (La République en marche !)
Raphaël Briot (La France insoumise)
Michel Destot (Parti socialiste)
Béatrix Bolvin (Front national)
Abdelkader Benyoub (Libérons les énergies)
Josiane Hirel
Catherine Brun (Lutte ouvrière)
Alain Bonnet (Debout la France)
Yazid Bensalem (Action pour le peuple dans l’équité au niveau local !)
Paul Baron (Union populaire républicaine)
Soukaïna Larabi (Ensemble pour gagner !)
Jean-Paul Trovero (Parti communiste français)

Les résultats du 1er tour de la présidentielle sur la 3e circonscription de l’Isère.

Les résultats du deuxième tour sur la 3e circonscription de l’Isère.

Les candidats aux législatives 2017 sur la 1e circonscription de l’Isère :

Lautaro Labrin
Rémi Adam (Lutte ouvrière)
Bernard Zamora (Mouvement 100 %)
Eric Grasset (Génération Écologie – Parti socialiste – Parti radical de gauche)
Olivier Véran (La République en marche !)
Nicolas Kada (Ensemble pour gagner)
Frédéric Balcerzak (MaVoix)
Nathalie Veyret (Parti communiste français)
Marie de Kervéréguin (Front national)
Jean-Damien Mermillod-Blondin (Divers droite)
Elsa Régis (La France insoumise)
Séverine Friol (Union populaire républicaine)
Marianne Prevost 
Youssef Essabity (Action pour le peuple dans l’équité au niveau local !)
Annick Clavier

Les résultats du 1er tour de la présidentielle sur la 1e circonscription de l’Isère.

Les résultats du deuxième tour sur la 1e circonscription de l’Isère.


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