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Piscine : fini le chlore, place aux baignades biologiques

[Dans nos archives] Aller à la piscine ne rime pas nécessairement avec manger du chlore. Depuis une quinzaine d’années se développent des baignades biologiques ou écologiques qui remplacent la chimie par une filtration biologique. Et Rhône-Alpes abrite les principales expériences de piscines publiques.

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Le bassin de la baignade écologique "Rivièr'Alp" situé sur les communes des Echelles (Savoie) et d'Entre-deux-Guiers (Isère) ©LB/Rue89Lyon

> Article initialement publié le 25 août 2015

A la frontière de la Savoie et de l’Isère, au pied des falaises de Chartreuse, on peut se baigner dans une piscine pas comme les autres. Dernière née des baignades écologiques ou biologiques, cette piscine de plein air baptisé Rivièr’Alp a été inaugurée en juillet dernier et, comme toutes les autres, fermera pour cette saison à la fin du mois d’août.

A l’heure du bilan, toutes les communes qui possèdent une piscine de la sorte peuvent crier victoire : la filtration écologique a supporté les vagues de canicule et les affluences records.


Le principe : une filtration opérée par des plantes sur un lit de pierres

Pour que la piscine ne devienne pas une mare de (mauvaises) bactéries, l’eau doit être filtrée régulièrement. Ici, on ne peut pas y ajouter du chlore. Et pourtant, aux Echelles, en dix heures, la totalité de l’eau du bassin est filtrée.

La filtration biologique se déroule en deux étapes essentielles. Cela se passe dans un bassin de filtration composé de graviers recouverts de milliers de plantes, lequel doit faire au moins la moitié du volume du bassin de baignade.

Le bassin de filtration de la baignade "Rivièr'Alp" Le bassin de la baignade écologique "Rivièr'Alp" ©LB/Rue89Lyon
Le bassin de filtration de la baignade « Rivièr’Alp » Le bassin de la baignade écologique « Rivièr’Alp » ©LB/Rue89Lyon

1. Les bonnes bactéries chassent les mauvaises

L’eau du bassin de baignade (un bassin classique en liner) est pompée pour être déversée dans le bassin de filtration. Là, les (bonnes) bactéries qu’on retrouve dans les graviers (en majorité de la Pouzzolane) vont minéraliser les matières organiques qu’on retrouve en suspension dans l’eau des baigneurs.

2. Les plantes se nourrissent de minéraux

Les plantes (généralement des roseaux) vont se nourrir de ces minéraux. L’eau séparée de ses impuretés est de nouveau pompée pour être renvoyée dans le bassin de baignade.

Dans le bassin de filtration, les roseaux sur un lit de pouzzolane ©LB/Rue89Lyon
Dans le bassin de filtration, es roseaux sur un lit de pouzzolane ©LB/Rue89Lyon


Rhône-Alpes pionnière, après la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche

Une quinzaine d’années après des pays comme l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, les baignades écologiques ont fait leur apparition en France.

La première a été inaugurée en 2002 à Combloux, en Haute-Savoie, face au Mont-Blanc. Le directeur de l’office du tourisme de la commune rappelle l’origine du projet imaginé à la fin des années 90.

« On n’avait pas de piscine et dans ce bel écrin, on voulait renforcer notre image de village authentique et nature. On n’a pas été déçu ».

Le plan d'eau biotope de Combloux, en Haute-Savoie. ©Office du tourisme de Combloux
Le plan d’eau biotope de Combloux, en Haute-Savoie. ©Office du tourisme de Combloux

C’est en répondant à l’appel à projet de la commune, que le cabinet d’architecte-paysagiste Green-Concept de Caluire-et-Cuire a eu l’idée d’importer cette technique de filtration autrichienne.

Aujourd’hui, c’est toujours ce même cabinet qui conçoit l’essentiel des baignades écologiques. Celle des Echelles est leur seizième en France, dont quatre en Rhône-Alpes.

1. La première baignade écologique à Combloux (Haute-Savoie)

Ouverte à la baignade en France en 2002, baptisée « plan d’eau biotope », elle a eu régulièrement les honneurs de la presse locale. Le bassin de 1 500 m² peut accueillir jusqu’à 700 personnes par jour.

2. La plus grande, au lac des Sapin (Rhône)

La plus grande est dans le Rhône et date de l’été 2012. Elle a été créée dans la commune de Cublize, à côté du lac des Sapins.
Le bassin de 8 000 m² permet d’accueillir un maximum de 2 500 baigneurs par jour.

3. La plus petite, à Saint-Nizier-le-Désert (Ain)

Dans le petit camping de la Nizière, au beau milieu de la Dombes, la Communauté de communes du canton de Chalamont a fait creuser un bassin de 280 m² dont 190 m² de baignade.

4. La plus écologique aux Echelles (Savoie)

La dernière baignade écologique baptisé Rivièr’Alp a été inaugurée à cheval sur la Savoie et l’Isère, sur les communes des Echelles et d’Entre-deux-Guiers regroupées pour mener à bien ce projet de réhabilitation d’un ancien site industriel. La fréquentation maximale est de 420 personnes pour un bassin de baignade de 1 600 m². Le bassin de filtration mesure 800 m².


En attente de réglementation

Treize ans après de la piscine de Combloux, on est toujours en attente de réglementation.
Le ministère de la Santé ne considère pas ces baignades publiques biologiques comme des « piscines » car elles ne sont pas concernées par le code de la santé publique (art. L 1332, D 1332), leur eau n’étant « ni désinfectée, ni désinfectante », contrairement aux piscines conventionnelles.
Un décret est en préparation. Mais pour le moment, les baignades écologiques font l’objet d’un suivi particulier de chaque Agence régionale de santé (ARS) auprès de laquelle chacune est déclarée.

Chaque semaine, l’eau est analysée par un laboratoire agréé par l’ARS.

Emmanuelle Eustache, co-gérante du cabinet Green-Concept qualifie de « drastique » ce suivi :

« Chaque année, le ministère envoie une circulaire avec les limites à ne pas dépasser qui sont extrêmement basses. C’est plus sévère que pour un bloc opératoire. »

Le responsable de la baignade de Combloux le reconnaît :

« Même si nous ne regrettons pas cet investissement, cela reste expérimental, pointu et difficile à gérer. Depuis les début les autorités sanitaires nous soutiennent. Mais du jour au lendemain, ça peut s’arrêter. »

La baignade biologique du lac des Sapins ©LB/Rue89Lyon
La baignade biologique du lac des Sapins ©Lac des Sapins


Une eau fragile

Malgré les seuils drastiques à ne pas dépasser, les baignades écologiques ont tenu le choc des températures caniculaires et les fortes affluences.

Plus il fait chaud, plus il y a de monde, et plus il y a de risques que l’eau se dégrade. C’est pourquoi, la température du bassin ne doit pas dépasser les 25 degrés.

Et parfois, les baignades sont fermées un jour pour permettre une bonne régénération de l’eau.

Exemple au lac des Sapins, où la baignade biologique a fermé avant le grand week-end du 14 juillet. Et cela, en plus des fermetures habituelles du lundi et du jeudi matin.

A Combloux, depuis l’ouverture en 2002, le responsable du plan d’eau biotope procède de la sorte :

« On préfère fermer un jour quand on sait que les conditions météo et la fréquentation font qu’on va dépasser les limites réglementaires. Car, contrairement aux piscines classiques, on ne peut pas ajouter un seau de chlore quand il y a de mauvaises analyses. »

Mais la baignade de Combloux, qui date de 2002, a un système de filtration limité puisqu’il faut 24 heure pour filtrer la totalité du bassin (et non une dizaine d’heures en moyenne pour les systèmes actuels).

Résultat, Combloux a déjà connu des dépassements de seuil. En 2009, le Progrès avait évoqué la fermeture après « des analyses révélant la présence de staphylocoques ». Et cette année, le bassin a dû fermer quatre jours la semaine du 17 août, également pour un dépassement des limites en matière de staphylocoques.


« Des algues comme dans un aquarium »

Globalement, aucune ARS n’a décrété de fermeture de baignades biologiques. Ce qui signifie, en creux, que la qualité des eaux serait bonne malgré l’absence de produits phytosanitaires pour désinfecter.

En tout cas, l’eau est transparente. Reste toutefois la présence d’un dépôt vert au fond de la piscine. Nous avons notamment pu le constater à Rivier’Alp, aux Echelles. Il s’agit d’un bio-film, une sorte d’algue qui se forme en réaction au soleil.
Audrey Goguillot, le responsable de la base de loisir, explique :

« La qualité de l’eau est parfaite. Mais comme dans un aquarium, un bio-film se forme progressivement. On passe le robot le matin mais ça revient car nous sommes dans un milieu naturel. »

L’eau devrait être davantage transparente l’année prochaine. Audrey Goguillot poursuit :

« Il faut un an pour que les plantes se développent suffisamment pour bien filtrer ».

En dehors du bassin de filtration, les plantes le long des bassins de baignades sont ornementales. Ici Le plan d'eau de Combloux sont ©Audrey Boigne
En dehors du bassin de filtration, les plantes le long des bassins de baignades sont ornementales. Ici Le plan d’eau de Combloux sont ©Audrey Boigne


Une alternative à la piscine conventionnelle l’été mais pas l’hiver

Les dépenses engagées par les communes sont conséquentes.

Au lac des Sapins, l’actuelle Communauté de communes de l’ouest Rhôdanien a déboursé 4 millions d’euros afin de créer la « plus grande baignade écologique d’Europe ».
Pour une collectivité locale, l’investissement est donc important.

Et les coûts de fonctionnement peuvent être plus élevés qu’une piscine conventionnelle.
Mais les comparaisons sont délicates. Tout dépend de ce que propose la piscine (simple bassin ou bassins multiples avec bains à remous et autres).

Par définition, la baignade biologique implique une circulation continue de l’eau. Ce qui implique une note d’électricité importante.
Par ailleurs, on n’entretient pas une piscine naturelle comme une piscine au chlore, ainsi que le souligne la responsable de la baignade du lac des Sapins :

« La qualité de l’eau est un équilibre instable. Il faut être très vigilant. Il n’y a pas vraiment d’outils techniques adaptés pour ces piscines. Malgré les robots, l’entretien est plus manuel et donc physique pour les agents ».

Surtout, le gros point négatif est l’impossibilité actuellement de concevoir des piscines naturelles fermées qui pourraient fonctionner douze mois dans l’année. Les entreprises, Green Concept comme son concurrent Bio Nova, ne proposent que des piscines d’été, pour les communes comme pour les particuliers.

Et c’est ainsi également à l’étranger, comme le montre ce reportage de juillet 2015 du journal de 20h de France 2 sur une piscine publique de Londres (à 2’45’’).

L’industrie du chlore a encore de beaux jours devant elle.

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