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29/03/2024 date de fin
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Autoroute A45 : la bataille des études

Le projet d’autoroute A45 prend un nouveau tournant. La Région a voté la semaine dernière une subvention de 131,6 millions d’euros (au lieu de 100 millions) afin de boucler son financement. Pour faire passer la pilule, Laurent Wauquiez avait commandé une étude largement contestée par les opposants.

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A l'appel des associations SCL et Alcaly, une soixantaine de personnes se sont rassemblées contre la participation de la Région au financement de l'A45. ©LB/Rue89Lyon

Certes, ce n’est pas une compétence régionale, mais le président d’Auvergne-Rhône-Alpes l’avait promis durant toute sa campagne : la Région allait participer au financement de l’autoroute entre La Fouillouse (au nord de Saint-Étienne) et Brignais (au sud de Lyon).

Tracé de l'autoroute A45 ©Capture écran Alcaly
Tracé de l’autoroute A45 ©Capture écran Alcaly

Cependant, face à l’opposition d’une partie de son propre camp, il avait préféré temporiser un brin.

Usant d’une stratégie bien rodée, le président de région avait alors annoncé une étude pour évaluer le principal argument des opposants : la « requalification » de l’autoroute existante A47 dans le but d’éviter de construire une deuxième autoroute.

Confiée début avril au cabinet Artelia, cette étude n’est en réalité qu’une simple actualisation d’une étude réalisée en 2005 intitulée « Parti alternatif d’aménagement des itinéraires existants » qui était, à l’époque produite par le CETE de Lyon (Centre d’études techniques de l’équipement – devenu le Cerema).

Elle a été rendue publique le 25 juin, notamment dans le Progrès.

Le 26 juin, Laurent Wauquiez, s’appuyant sur les conclusions de cette étude, annonçait, toujours dans les colonnes du quotidien, que la Région allait financer à hauteur de « 140 millions » (et non plus 100 millions prévus en mars) l’autoroute A45.

Nous publions la synthèse de cette étude envoyée aux élus régionaux.


Des conclusions « sans appel » en faveur de l’A45

Ce jeudi 7 juillet, en séance, lors de l’assemblée plénière, c’est le conseiller régional Les Républicains et maire de Feurs Jean-Pierre Taite qui a défendu le « financement de l’autoroute A45 entre Saint-Etienne et Lyon ».

Pour lui, les conclusions de cette étude du cabinet Artelia sont évidemment « sans appel » :

  • La rénovation de l’A47 coûterait 1,015 milliard d’euros contre 1,2 milliard pour l’A45
  • Les travaux de l’A47 durerait 10 ans.

Ce second point est, pour Laurent Wauquiez, l’argument « majeur » :

« On constate déjà la gêne occasionnée pour des travaux portant sur de pauvres glissières de sécurité ».

A l'appel des associations SCL et Alcaly, une soixantaine de personnes se sont rassemblées contre la participation de la Région au financement de l'A45. ©LB/Rue89Lyon
A l’appel des associations SCL et Alcaly, une soixantaine de personnes se sont rassemblées contre la participation de la Région au financement de l’A45, le 7 juillet, au moment du vote. ©LB/Rue89Lyon


Quelle honnêteté de l’étude commandée par Laurent Wauquiez ?

Les opposants au projet d’autoroute ne décolèrent pas quand ils ont appris, par la presse, la publication de cette étude commandée par la Région. Ils se posent la question de son honnêteté.

Tout d’abord, ils pointent une éternelle absence de concertation.
C’est le cas de Maurice Fisch, co-président de l’association intercommunale Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais (SCL), qui appelait ce jeudi, à un rassemblement devant le conseil régional.

Idem, les élus opposés à l’A45 regroupés au sein de l’Alcaly (association de 110 communes) reprochent à l’exécutif régional de ne pas avoir été associés à cette étude sur la requalification de l’A47 alors qu’on leur avait promis des réunions de concertation.

Ces élus des petites communes ont écrit leur désappointement dans un courrier adressé à Laurent Wauquiez :

« Le Conseil départemental qui devait copiloter la démarche n’a pas été associé de fait à celle-ci. Les différents intervenants qui devaient être auditionnés par une commission – dont notre association d’élus et les associations d’habitants – ont été totalement exclus du processus, malgré les promesses faites et réitérées…

Finalement la commission promise par Patrick Mignola, qui devait les « entendre très rapidement », afin de recueillir « expertise et éclairages sur ce dossier » a été reportée au début du mois d’août. Donc, après le vote de la subvention, en pleines vacances.

Une délégation de SCL et Alcaly a quand même été reçue au moment où les élus votaient la subvention à l’A45.

Toujours dans leur courrier, les élus de l’Alcaly concluent « à la suspicion légitime sur le rendu de l’étude » :

« Qui peut avoir le moindre doute sur le fait que le secret et l’opacité ayant entouré l’affaire, l’absence totale de concertation et d’écoute d’autres opinions pouvait conclure à une autre conclusion ? »

Par ailleurs, les opposants mettent en avant « un partenariat depuis de nombreuses années » entre le cabinet Artelia et l’entreprise Vinci qui sera le concessionnaire de l’A45.

Quant au président du Département du Rhône (opposé à l’A45), Christophe Guilloteau, il se montrait « dubitatif » dans le Progrès à propos ce cette étude :

« Une étude de 24 pages pour un projet de plus d’un milliard d’euros. (…) On pouvait s’attendre à quelque chose de plus fouillé ! »

Laurent Wauquiez a balayé ces arguments en séance :

« Quand une étude n’est pas favorable, on dit qu’elle est trop courte. Alors qu’elle a été faite par un cabinet d’expertise indépendant ».

Elus, habitants des Monts du Lyonnais mais aussi militants écolos radicaux avaient fait le déplacement contre l'A45. Ici, une banderole d'un militant se présentant comme "zadiste" qui dénonce la destruction de 500 ha de terres agricoles sur le tracé de l'A45. ©LB/Rue89Lyon
Elus, habitants des Monts du Lyonnais mais aussi militants écolos radicaux avaient fait le déplacement contre l’A45. Ici, une banderole d’un militant se présentant comme « zadiste » qui dénonce la destruction de 500 ha de terres agricoles sur le tracé de l’A45. ©LB/Rue89Lyon


Une contre-expertise rédigée à la hâte

Jean Grenier, conseiller municipal de Saint-Maurice-sur-Dargoire, et secrétaire de l’Alcaly, est également définitif sur les conclusions de cette étude commandée par la Région :

« Une étude de mauvaise qualité qui ne compare pas ce qui est comparable ».

Pour contrer l’étude Artelia, les opposants d’Alcaly ont commandé une contre « contre-expertise » présentée, elle, comme « indépendante et objective ».

Il s’agit d’une « note préliminaire » de 10 pages qu’ils ont envoyée aux élus régionaux avant le vote du 7 juillet.
Elle a été rédigée par Jean-Noël Chapulut et Jean Deterne, deux ingénieurs honoraires des Ponts et Chaussées.

Nous publions également cette étude.


Les coûts cachés de l’A45

Dans cette « expertise » rapide, les deux ingénieurs soulèvent deux problèmes majeurs posés par l’étude Artelia qui fournit une base de comparaison entre le scénario « amélioration de l’A47 » et le scénario « création de l’A45 ».

Tout d’abord, selon eux, le scénario A45 tel que présenté par ses partisans ne prend pas en compte les coûts d’arrivée sur Lyon de l’A45 et du raccordement au Contournement Ouest de St Etienne (COSE).

En séance, l’écologiste Jean-Charles Kohlhaas a répercuté une évaluation mis en avant par les deux ingénieurs :

« Les travaux de raccordement de l’A45 à l’A7 (…) dépasseront les 300 millions d’euros ».

Ensuite, selon ces ingénieurs, l’étude Artelia a ajouté des « opérations discutables » pour le scénario A47 comme l’augmentation de la capacité de l’A7 entre Givors.

Et les de conclure :


« On peut estimer qu’il y a dans le comparatif présenté : une sous-estimation des coûts de l’option A45 par omission de nombreux coûts cachés connexes et une surestimation des coûts de l’alternative (aménagement A47). » .

Christophe Guilloteau dénonçait également dans les colonnes du Progrès un autre problème posé par l’étude Artelia :

« Le prix de l’A47 a été revalorisé dans cette étude, mais pas celui de l’A45 ! ».

Tous ces arguments nourrissent, encore, les oppositions à l’A45. Ils viendront alimenter les recours en justice qui sont déjà annoncés, notamment contre les différentes subventions votées par les collectivités.

En séance comme devant les journalistes, Laurent Wauquiez est resté droit dans ses bottes :

« C’est un dossier sur lequel les élus se regardent le nombril depuis 30 ans. (…) En six mois, ce dossier a plus avancé qu’en 30 ans : on assume nos responsabilités. »

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