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Images d’abattoirs, comédienne en soutien : comment fonctionne l’association L214 ?

Elle existe depuis près de 10 ans, mais a su ces derniers mois donner à son propos une visibilité exceptionnelle. l’association de défense des animaux L214 s’est spécialisée dans la diffusion d’images insoutenables d’abattoirs. Après Alès, Le Vigan, voici Mauléon (dans le Pays basque), de nouvelles images qui poussent le ministre de l’Agriculture qui ordonne l’inspection de l’ensemble des abattoirs de France.

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Capture d'écran de la vidéo de L214 tournée dans l'abattoir municipal d'Alès.

Nous republions cet article qui avait été écrit (le 16 octobre 2015) à la suite de la fermeture de l’abattoir d’Alès, dans lequel nous vous présentions cette association militante née à Lyon.

A Lyon, Brigitte Gothière, fondatrice et porte-parole de cette organisation qui compte plus de 6000 adhérents (et près de 300 000 « amis » sur Facebook), est à la manoeuvre, au quotidien, pour un combat particulièrement radical.

Le film dure quatre minutes, « mais il existe 50 heures de rush ». Les images ont été tournées dans les murs de l’abattoir municipal d’Alès (dans le Gard). Les résultats d’une pareille opération, lancée mercredi 14 octobre, dépassent largement l’effet escompté pour l’association :

  • l’abattoir a été fermé le lendemain par la mairie d’Alès,
  • le parquet a ouvert une enquête, sur des « faits d’actes de cruauté et mauvais traitements sur animaux ». Elle a été confiée à la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires en cosaisine avec la section de recherches de la gendarmerie de Nîmes.

Des « résultats carrément inattendus », avoue même Brigitte Gothière. Pour la porte-parole et cofondatrice historique de L214, qui vit à Lyon, les plateaux télé et les prises de parole s’enchainent depuis.

« L’abattoir d’Alès n’est malheureusement pas un cas isolé »

Au vu des réactions choquées et des conséquences administratives immédiates, l’interprofession de la viande n’a pas tardé à réagir à son tour, condamnant « des pratiques inacceptables ».

« Si l’enquête administrative confirmait un ou plusieurs manquements aux réglementations en vigueur, Interbev se portera partie civile et demandera réparation des préjudices éventuellement subis », précise le communiqué d’Interbev.

Brigitte Gothière estime qu’il s’agit d’une posture de circonstance de la part des représentants de la profession car, selon elle :

« Si on parvenait à sortir des images de tous les abattoirs de France, tous fermeraient ».

La vidéo tend à servir un propos radical, que L214 voudrait voir infuser :

« On y voit des gens prendre la vie à des êtres qui auraient voulu continuer à vivre. C’est ça, c’est la réalité des abattoirs. »

débat meat me
Brigitte Gothière au débat « Méat me » organisé par Rue89Lyon. Photo Rue89Lyon

Pierre Hinard, éleveur dans la Loire et auteur de « Omerta sur la viande », prône un circuit de distribution alternatif « plus sain et respectueux ».

Ce lanceur d’alerte remet quant à lui sur le tapis la question des services vétérinaires de l’Etat, totalement inefficaces :

« L’abattoir d’Alès n’est malheureusement pas un cas isolé. Cette cruauté n’est permise qu’avec le silence complice des services de l’État censés contrôler ces établissements. Le problème ? Les contrôles et infractions recensées ne sont suivis d’aucune conséquence, d’aucune sanction », dénonce-t-il via sa page Facebook.

Les politiques s’en mêlent

L’affaire a un écho de plus en plus important. Ce vendredi matin, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a juré au micro de RTL, qu’il était « vigilant pour faire respecter les règles de bien-être animal dans tous les abattoirs ».

Des propos trop peu suivis d’actes, selon Yves Jégo, député UDI, et d’autant plus « insatisfaisants » qu’ils révèlent qu’une inspection aurait eu lieu dans l’établissement d’Alès, il y a quelques semaines.

Yves Jégo a posé une question écrite au gouvernement, demandant à ce que l’ensemble des abattoirs de France fasse l’objet d’une enquête indépendante. C’est aussi ce député-maire de Montereau qui porte actuellement dans le débat politique le thème de l’introduction du plat végétarien dans les cantines scolaires.

Mais le propos sur la défense des animaux, dont le végétarisme peut donc être une conséquence, est peu relayé par les politiques en France.

Du côté des écologistes, c’est la députée Laurence Abeille qui s’en charge. Elle a d’ailleurs donné une partie de sa réserve parlementaire à l’association L214, l’an dernier et à hauteur de 4000 euros, pour le montage d’une exposition sur « les conséquences de la production d’origine animale ».

A la suite d’images également diffusées sur le net par L214, sur le broyage des poussins, 40 parlementaires ont réagi.

L214 veille et mène, à sa hauteur, sa forme de lobbying. Animé par des militants de l’association, le site « politique et animaux » est présenté comme un observatoire qui relève toutes les positions des politiques vis-à-vis des animaux.

Hélène de Fougerolles, Lolita Lempicka : des stars pour porter le discours ?

Le succès et la large diffusion de la vidéo de l’abattoir d’Alès est notamment due à sa mise en scène : on y voit Hélène de Fougerolles décrire le « calvaire », la « torture » de chevaux, de vaches, de moutons et de porcs, tout en racontant leurs qualités structurelles d’êtres vivants (plutôt malin pour le cochon, plutôt tendre pour le mouton). A la fin, la jeune femme explique que, pour sa part, elle a cessé de les mettre dans son assiette et de les manger.

Hélène de Fougerolles est un visage de comédienne relativement connu, souvent aperçu dans des seconds rôles, dans des téléfilms…  L’association L214 a pu bénéficier de sa moue angélique et de son savoir-faire professionnel pour raconter. Emouvoir.

Mais on reste loin de l’impact d’une Pamela Anderson ou encore d’un Bill Clinton qui, aux Etats-Unis, expliquent déjà depuis plusieurs années pourquoi et comment ils ont décidé de devenir vegan (c’est-à-dire qu’ils ne consomment aucun produit d’origine animale, ni viande, ni poisson, ni oeufs, ni produit laitiers).

pamela-anderson

Si L214 peut compter sur l’appui de Mathieu Ricard, philosophe prolixe sur la condition animale, il reste moins connu qu’un Gérard Depardieu. Aymeric Carron, journaliste végétarien (auteur de « No steak »), connu pour avoir été chroniqueur chez Laurent Ruquier.

En France, difficile de faire s’engager une star ou une personnalité à large audience. Notons toutefois le coup de pub de l’association Peta qui a vu la « people » française Zahia Dehar prendre modèle sur la blonde californienne pour, elle aussi, poser nue et griffonnée.

 

Pour L214, Lolita Lempicka s’est engagée aux côtés de l’association, en juin dernier, contre la consommation de produits laitiers, avec une campagne de pub mettant en scène la séparation de la vache et du veau.

 

Brigitte Gothière attribue ces différences avec les Etats-Unis à un « changement des mentalités très lent », à une image du repas et de la nourriture difficilement modifiable en France.

« On a des contacts avec d’autres personnalités qui s’intéressent de près à l’association. Mais je ne peux pas donner leurs noms alors qu’elles sont encore hésitantes à communiquer. »

Lyon, une place forte du veganisme… et de l’antispécisme

Depuis la diffusion ce mercredi de la vidéo sur l’abattoir d’Alès, l’association est passée d’un peu plus de 6000 adhérents à 6500. Sur Facebook, elle atteint les bientôt les 300 000 « amis ». Plus que Green Peace.

En réalité, L214 fait partie des plus grosses associations qualifiées d’écologistes de France. Son budget en 2014, principalement constitué de dons, se situait entre 400 000 et 500 000 euros.

Vegan depuis 20 ans, aux côtés d’un compagnon philosophe qui avait avant elle fait ce choix, presque aussitôt militante, Brigitte Gothière avait lancé une première association en 2003. « Stop gavage », plus particulièrement tournée vers les oies et canards utilisés pour le foie gras, est devenue « L214, éthique et animaux », en 2008.

La porte-parole et désormais salariée de L214 s’agite au quotidien, elle ne refuse aucune invitation dès lors que le micro lui permet d’adresser son message au plus grand nombre.

Cette ancienne prof qui a vite lâché l’enseignement pour se consacrer à son combat, a participé à la rédaction des Cahiers antispécistes -l’antispécisme consistant dans la réflexion sur l’égalité animale, la fin de la domination de l’homme sur les autres espèces.

Pour faire face aux nombreuses procédures judiciaires lancées contre elle (à chaque fois pour tenter de faire retirer des images sorties clandestinement), l’association reçoit l’aide de deux avocates parisiennes, militantes de la défense animale. L’abattoir d’Alès a d’ailleurs porté plainte, pour « atteinte à la vie privée ». Les décisions de justice sont parfois favorables à L214, parfois pas.

A Lyon, L214 organise régulièrement des soirées dans des restaurants autour de repas entièrement vegan. « Les chefs et restaurateurs jouent le jeu, il y en a de plus en plus », affirme Brigitte Gothière, qui se satisfait de voir sa stratégie de communication, sur le terrain et sur le net, porter ses fruits.

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