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Chamrousse deviendra-t-elle la plus haute ZAD de France ?

En Isère, un projet d’agrandissement du domaine skiable de Chamrousse sur le vallon sauvage des Vans (2448m) est à l’origine de la mobilisation d’un collectif de 24 associations*.

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Chamrousse deviendra-t-elle la plus haute ZAD de France ?

Ce dimanche 13 mars, 600 personnes ont participé à « la plus haute manifestation » dans les Alpes, pour afficher leur détermination à préserver ce secteur protégé.

Certains brandissent déjà la menace d’une Zone à défendre (ZAD) comme celle de la commune de Roybon, en Isère.

> Article initialement publié le 12 février dernier et mis à jour après la manifestation.

(Portfolio : cliquez sur les flèches pour faire défiler les photos)

Après un premier report de la manifestation pour cause de mauvaises conditions météorologiques, c’est finalement sous un soleil rayonnant que se sont réunis les opposants au projet d’aménagement du vallon des Vans, surplombant le domaine skiable de Chamrousse.

600 personnes, montées en skis de randonnée ou en raquettes, ont participé à ce rassemblement inédit, à 3h de marche des parkings.

Un premier succès qui pourrait en appeler d’autres selon Fredi Meignan, gardien de refuge dans les Ecrins et président de l’association Mountain Wilderness :

« Je suis surpris par la diversité des personnes qui manifestent. Il y a des gardiens, des guides, des pratiquants autonomes, des défenseurs de la faune et de la flore et même des moniteurs de ski de la station qui veulent préserver ce paysage. D’habitude, on travaille et on milite chacun dans nos coins, mais désormais on va pouvoir se rassembler pour peser davantage ».

Pour afficher leur attachement à ce coin de montagne sauvage, les manifestants ont formé symboliquement un coeur dans le vallon.

Si le secteur est si prisé des randonneurs, c’est qu’à 2448 mètres d’altitude, le sommet des Vans est un point de basculement.

Au nord-ouest, ceux qui s’y aventurent dominent la cuvette urbanisée de l’agglomération grenobloise. Mais s’ils se retournent, c’est une invitation à la montagne sauvage qui s’offre à eux, depuis l’alignement de la chaîne de Belledonne au nord-est, jusqu’à la ligne de crêtes de l’Oisans et du Taillefer, hissée derrière la vallée de la Romanche.

« Un stade de ski de rando non-autorisé »

Malgré ce panorama, l’aménagement du vallon des Vans figure depuis plus de 20 ans au tableau des projets d’agrandissement du domaine skiable, dans le prolongement de la Croix de Chamrousse, l’actuel point culminant de la station.

Mais la stratégie de développement dévoilée à l’automne dernier par Philippe Cordon, le maire de Chamrousse, remet au goût du jour ce serpent de mer auquel plus personne ne croyait. Dans ce « plan d’aménagement et de transition énergétique » chiffré à 70 millions d’euros, la municipalité annonce notamment le lancement d’une étude d’équipement des Vans afin « d’organiser » ce qui est devenu, selon elle, un « véritable stade de ski de randonnée non-autorisé ».

Le discours est accompagné de promesses de faire en sorte que ce projet (baptisé « The Alpine Connect Smart Ressort ») soit « COP21 compatible » :

« La régénération de la station exige une stratégie d’aménagement durable et de développement équilibré de la commune. (…) Chamrousse souhaite élaborer un nouveau modèle, vertueux et pérenne, adapté à une vie locale active en toutes saisons, offrant davantage de stabilité aux acteurs économiques et salariés, et encourageant un secteur productif amorçant une économie montagnarde plus circulaire. Ceci ne peut se concevoir qu’en symbiose avec la valorisation de la richesse originelle de la station, le patrimoine naturel ».

Une compétition économique contre les 7 Laux

Mais ce projet est aussi et surtout une opportunité commerciale pour Chamrousse. Comme toutes les stations de moyenne montagne, elle pâtit régulièrement d’un déficit d’enneigement provoqué par le dérèglement climatique, qui ne lui permet plus de garantir l’ouverture totale de son domaine skiable. L’hiver en cours a encore confirmé la tendance.

Alors, l’équipement d’un nouveau secteur de haute altitude lui permettrait d’améliorer sa proportion de pistes ouvertes, même en cas de pénurie de poudreuse.

Les sommets du Grand Van et du Petit Van, dans le prolongement de la Croix de Chamrousse, point-culminant de la station.
Les sommets du Grand Van et du Petit Van, dans le prolongement de la Croix de Chamrousse, point-culminant de la station.

Par ailleurs, en repoussant le point culminant de la station au sommet du vallon des Vans, Chamrousse gagnerait 200 mètres d’altitude, ex-aequo avec sa principale concurrente des 7 Laux. Les deux stations de Belledonne se disputent à chaque début d’hiver l’opportunité d’ouvrir en première leur domaine, se garantissant ainsi le juteux marché des forfaits de saison de la communauté des skieurs grenoblois.

Mais l’aménagement du vallon des Vans n’en est qu’au stade du projet. Aucun dossier n’a été déposé. L’étude d’impact sera rendu en 2018. Contactée par Rue89Lyon, la commune de Chamrousse n’a pas souhaité s’exprimer.

Des aménagements « d’un autre âge »

Malgré tout, un collectif s’est rapidement structuré pour faire barrage au projet. 22 associations* environnementales, sportives et d’habitants ont rédigé en 15 jours seulement un appel commun à manifester pour préserver les Vans. Si elles ont été si réactives, c’est qu’une partie d’entre elles s’étaient déjà échaudées et structurées lors d’autres bras de fer avec la mairie de cette ancienne station olympique.

À travers cette manifestation « hors-piste » le collectif souhaite sensibiliser l’opinion publique à l’enjeu de l’aménagement des Vans. Mais plusieurs organismes qui y prennent part voudraient aussi en faire un cas d’école des projets d’aménagement de montagne « d’un autre âge ».

Fredi Meignan, président de Mountain Wilderness, appelle à un changement de paradigme dans le développement des stations :

« Un rapport des domaines skiables de France estime que la pratique du ski alpin est arrivé à maturité en France, ce qui présage une stagnation ou une baisse de la fréquentation. Ce n’est donc pas porteur d’avenir que d’investir dans de nouvelles infrastructures alors qu’il faudrait réorienter les investissements dans des activités expérimentales de tourisme 4 saisons ».

L’obstacle de la déclassification

Pour mener à bien son projet, la mairie de Chamrousse devra faire face à d’autres contraintes qu’un simple cortège de randonneurs. Car tout d’abord, le versant sud-est des Vans est classifié Natura 2000.

Bouquetin dans le vallon des Vans. Crédit : Alain Herrault.
Bouquetin dans le vallon des Vans. Crédit : Alain Herrault.

Hélène Foglar, responsable du pôle veille écologique de la FRAPNA Isère s’émerveille de la richesse du site :

« C’est un espace emblématique de la faune alpine. On peut y observer des bouquetins, des lagopèdes alpins, des chamois et même des aigles royaux qui chassent sur les Vans. Ce sont des espèces menacées dont la conservation serait compromise par des modifications de l’ampleur d’une piste de ski ».

Seul l’accord du Conseil d’Etat et du ministère de l’Environnement permettrait une déclassification en échange de garanties de compensation.

Sur le plan politique également, la station devra obtenir la modification du schéma de cohérence territorial de l’agglomération grenobloise pour faire passer son nouvel équipement. Mais gageons que la majorité écolo-socialiste de la Métro s’y opposera avant même de lancer les enquêtes publiques.

« S’il faut une ZAD, certains bivouaqueront »

De part et d’autre du dossier, la bataille rangée est entamée.

En guise de représailles à la manifestation des pratiquants de ski de randonnée, la mairie de Chamrousse a annulé unilatéralement quatre courses de cette discipline qui devaient avoir lieu sur son territoire cet hiver.

Franck Lecoutre, le directeur de l’office du Tourisme, s’en justifie dans Montagne-Magazine :

« On ne peut pas d’un côté vouloir tisser un partenariat avec nous pour organiser des évènements et le lendemain manifester contre la station […] Manifester contre le développement économique de la station est dangereux ».

Les Vans depuis la Croix de Chamrousse. Crédit : Alain Petit.
Les Vans depuis la Croix de Chamrousse. Crédit : Alain Petit.

À l’opposé, les détracteurs du projet promettent de former tous les recours nécessaires si les premiers verrous de protection des Vans venaient à sauter. Verrions nous un jour se constituer une zone à défendre (ZAD) sur les pentes sauvages surplombant le Lacs Roberts de Chamrousse ?

Fredi Meignan de Mountain Wilderness conclut :

« Certains se sont déjà dit prêts à aller bivouaquer tout l’été pour empêcher des terrassements à coup de dynamite. Ca demanderait une logistique importante, mais nous sommes déterminés à ne pas lâcher ».

 

 

*Signataires de l’appel à manifester au sommet des Vans. Manif initialement prévue 7 février 2016 et reportée au 13 mars en raison de la météo :

Mountain Wilderness France ; FRAPNA Isère ; Dauphiné Ski Alpinisme ; Grenoble Escalade Montagne Ski Alpinisme ; École des Sports de Montagne de l’Université de Grenoble ; Volopress ; Commission Internationale pour la Protection des Alpes France ; Grenoble Université Club Escalade Montagne ; Meylan Ski de Rando ; Société des Touristes du Dauphiné ; ASPTT Grenoble ; LPO Isère ; Grenoble Université Montagne ; FFME CD38 ; FFCAM CD 38 ; Association de Défense des Habitants et de l’Environnement de Chamrousse ; Coordination Montagne ; Groupe Universitaire de Montagne et de Ski- Paris ; CIHM ; CAF Grès Calcaire Neige ; Grésivaudan Nord Environnement ; Syndicat National des Accompagnateurs en Montagne ; Comité Départemental FSGT 38 ; Bureau des Guides et Accompagnateurs de Grenoble.

 

> Article mis à jour le 12/02 à 18h15 avec l’annonce par les organisateurs du report de la manifestation au dimanche 13 mars.

> Article mis à jour le 13/03 à 18h après la manifestation, avec le portfolio et le paragraphe de description de la manif.

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