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Pourquoi le pont d’Ainay n’a jamais été reconstruit après la Libération de Lyon en 1944

Il y a 79 ans, le 3 septembre 1944, Lyon était libérée de l’occupation nazie. La veille, les troupes allemandes en fuite ont toutefois pris le temps de dynamiter les ponts de la ville. Ils ont tous été reconstruits sauf un, le pont d’Ainay. C’est à peine si une petite plaque indique son existence passée, comment il a disparu ni pourquoi il n’a jamais été reconstruit.

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Pont d'Ainay détruit Lyon

Pont d'Ainay entier Lyon
Carte postale qui monte le pont d’Ainay avant la guerrePhoto : Wikimedia Commons

Sur la terrasse de bois qui surplombe la Saône, là où le pont enjambait la rivière, entre le quai Tilsitt et le quai du Maréchal Joffre, un sans-abri d’une quarantaine d’années a pris ses habitudes. En nous voyant photographier la plaque soudée à l’ancien parapet, il s’indignerait presque :

« Rien n’indique que le pont a été détruit par les Allemands en 1944 ! »

Alors que la Libération de Lyon est célébrée ce mercredi 4 septembre, un internaute nous signale qu’un fantôme de pont reste suspendu au-dessus de la Saône. On vous a déjà parlé des bombardements alliés qui ont fait plusieurs centaines de morts. L’histoire du dynamitage des ponts à la veille de la Libération (les 1er et 2 septembre) est moins célèbre.

Difficile de trouver le pont d’Ainay lorsqu’on se balade sur les quais de Saône. Et pour cause. Il a été détruit par l’armée allemande, alors qu’elle était en fuite, et il n’a jamais été reconstruit. Si beaucoup de Lyonnais connaissent cette histoire, les murs de la ville semblent l’avoir oublié. Nul lieu de mémoire ne l’indique.

Une plaque renseigne seulement les promeneurs sur l’année de construction du pont fantôme, entre le quai Tilsitt et le quai du Maréchal Joffre, au niveau du square Janmot dans le 2e arrondissement :

« Construit par l’État et la ville de Lyon – 1899 – Les travaux de reconstruction de ce pont ont été exécutés par M. Clavard […] sous la direction de M. Girardon […] avec la collaboration de MM. Amalric […] et Labranche. » Pas plus d’informations. Mais lorsqu’on tourne la tête en direction de la Saône : un grand vide et pas de pont.

Le pont a été construit en 1818 puis reconstruit en 1899Photo : Laura Steen

Les apparitions et disparitions du pont d’Ainay

Petit détour par les Archives municipales de Lyon. Le premier pont d’Ainay, construit en 1745 pour le compte des Hospices Civils de Lyon, était un pont en bois. Au fil du temps, il a été endommagé par les crues de la Saône. C’est en 1793 qu’il subit son premier assaut lors du siège de Lyon : il est alors morcelé par les habitants qui se révoltent.

Les Hospices Civils de Lyon décident de le réinstaller en 1818. Problème : il est toujours la cible des eaux montantes de la Saône et le bois n’est pas assez résistant. Il change finalement de visage en 1899 avec une structure métallique. Forme qu’il aura jusqu’à sa disparition du paysage en 1944.

Cette année là, Hitler ordonne à la Wehrmacht de détruire un maximum d’infrastructures, dont les ponts, en France. Mais selon les villes, tout ne s’est pas déroulé de la même manière.

A Paris, le général allemand Von Choltitz, gouverneur du Grand Paris, désobéit au Führer. Selon Von Choltitz, l’Allemagne a déjà perdu la guerre et faire sauter les ponts parisiens lui a paru inutile. Il signe la reddition le 25 août 1944, sans toucher aux ponts.

En revanche, à Lyon, les troupes allemandes font abstraction des événements parisiens et appliquent les ordres d’Hitler, espérant encore pouvoir échapper aux troupes alliées qui se rapprochent de la ville. Quelques heures avant la libération de Lyon, les 1er et 2 septembre 1944, les soldats allemands en fuite dynamitent les ponts.

Pont d'Ainay détruit Lyon
Pont d’Ainay a été dynamité par les troupes allemandes en déroutePhoto : Blog Christian Palluy

Les Allemands procèdent de manière méthodique. Selon le Musée militaire de Lyon, ils visent d’abord les ponts du Rhône, puis de la Saône, du sud vers le nord. Des déflagrations sont ressenties dans tout Lyon. Certaines fenêtres d’immeubles des quais se brisent. Le Pont d’Ainay est le dix-huitième sur la liste.

Comme le notent les Archives de Lyon, seuls trois restent debout : le viaduc de chemin de fer de Saint-Irénée, la passerelle Saint-Vincent et le pont de l’Homme de la Roche qui a été sauvé par les résistants.

Selon Johan Peter Schreinemacher, 18 ans en 1944, ancien soldat allemand, ils étaient une douzaine pour disposer les charges qui feraient sauter les ponts de la Saône. Lui s’était occupé du pont Tilsitt et du pont du Change. Il témoigne dans Le Progrès (payant) :

« On plaçait deux bombes de 200 kilos pour une arche ».

Le seul pont de Lyon non reconstruit après la guerre

Quelques jours après la Libération de Lyon, on commence à reconstruire les ponts. Sur la Saône, le pont Tilsitt se nomme aujourd’hui le pont Bonaparte ; quant au pont du Change, il a été démoli en 1974 pour être remplacé par le pont du Maréchal Juin, un peu plus loin.

Le pont d’Ainay est une exception puisqu’il ne fait pas partie de la vague de réparations au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Il semblerait que sa position sur la Saône n’ait pas été jugée stratégique : à l’époque, la reconstruction en plus grand du pont Kitchener-Marchand, à quelques centaines de mètres au sud, paraissait plus judicieuse.

Pont d'Ainay
L’artiste Tadashi Kawamata a habillé de bois les vestiges du pontPhoto : Laura Steen

Aujourd’hui, il ne reste plus beaucoup de traces du pont fantôme. Les piles, ces appuis intermédiaires au milieu de l’eau, ont totalement disparu. En revanche, il reste des traces des culées, de chaque côté de la rive, qui servaient à soutenir le poids du pont.

Du côté du quartier Saint-Georges, on ne voit plus que ces structures décorées de tags. Vers le quartier d’Ainay, en plus de la plaque, une plateforme de bois a été réalisée par l’artiste japonais Tadashi Kawamata, dans le cadre du projet des Rives de Saône. Encore une fois, l’histoire de ce pont passe à la trappe : il n’est jamais fait mention de sa destruction par les troupes allemandes en 1944.

> Info signalée par un internaute, Thomas Mognetti.

Cet article est une republication d’un papier initialement publié le 3 septembre 2014

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